Investissements actifs et solutions de marché pour les déchets plastiques

19 août 2022 | Daniel Yungblut

La réduction des déchets plastiques produits par l’économie ne se limite pas à l’interdiction du plastique. Les produits en plastique ont des fonctions importantes dans de nombreux secteurs de l’économie, notamment dans les technologies de préservation de la vie et dans les déchets alimentaires. Les emballages alternatifs au plastique ne sont pas toujours meilleurs en termes de réduction de l’impact sur l’environnement. Cela dit, il est indéniable que la société a un problème lié aux matières plastiques. Selon les données de l’OCDE, la production mondiale annuelle de plastique dépasse 460 millions de tonnes, et seuls 9 % sont recyclés.

Des solutions internationales


Les PRI de l’ONU ont créé un groupe de travail sur les plastiques afin de mettre en évidence les risques auxquels sont confrontées les entreprises de secteurs spécifiques et de fournir des lignes directrices sur la manière de s’engager auprès des entreprises en ce qui concerne les plastiques. Il suggère que les engagements avec les entreprises d’emballage prennent en compte les types d’emballages, leur conception, les préférences des consommateurs en matière de caractéristiques des produits et les lacunes en matière de données sur l’utilisation du plastique. Les lignes directrices des PRI de l’ONU sur les principaux risques sont une référence utile ; toutefois, nous considérons que les possibilités de générer des rendements élevés lorsque les entreprises investissent et innovent pour réduire les déchets plastiques sont tout aussi importantes. 

Approches des investisseurs

En tant que gestionnaire actif d’actifs fondamentaux, nos mandats axés sur la durabilité ont fait de l’objectif de développement durable des Nations Unies en matière de consommation responsable l’un des piliers de notre façon d’investir. Nos activités d’engagement auprès de nos entreprises de consommation, industrielles et de gestion des déchets soutiennent la transition vers un cycle des plastiques plus durable. En effet, nous faisons savoir à ces entreprises que la transition est pertinente pour nos décisions d’investissement et que nous pouvons leur fournir le capital nécessaire à cette transition à des rendements intéressants. 

Les propositions d’actionnaires et les votes par procuration soutiennent davantage les entreprises dans leur lutte contre la pollution plastique. De grandes entreprises telles que McDonald’s et Amazon ont présenté cette année des propositions d’actionnaire visant à élargir les divulgations sur la pollution plastique. Bien que ces deux propositions aient été rejetées lors du vote par procuration, une proportion significative d’actionnaires indépendants les a soutenues et a signalé aux entreprises que la pollution plastique est un problème important à traiter.

Les défis de l’industrie du recyclage

Historiquement, le marché n’a pas réussi à atteindre le niveau de recyclage des plastiques souhaité. En effet, les entreprises de gestion des déchets sous contrat avec les municipalités n’ont pas augmenté leur capacité de recyclage des plastiques au rythme nécessaire pour surmonter notre défi lié aux plastiques. Selon les données de l’OCDE, 15 % des déchets plastiques sont collectés à des fins de recyclage, mais 40 % d’entre eux ne peuvent être recyclés en raison de leur contamination, tandis que la grande majorité des plastiques collectés par les entreprises de gestion des déchets sont mis en décharge. Pour améliorer le taux de recyclage du plastique, les entreprises devront construire des installations à grande échelle et investir dans une technologie de tri de pointe pour séparer et recycler efficacement différents types de plastique. Les marques grand public font de plus en plus de publicité sur le contenu recyclé de leurs emballages afin d’attirer les consommateurs soucieux de l’environnement. Lors de nos rencontres avec des consommateurs, des industriels et des entreprises de gestion des déchets, nous avons appris que les marques grand public recherchent désespérément du plastique recyclé de haute qualité à des prix raisonnables, mais que l’offre est tout simplement insuffisante. Alors pourquoi les entreprises de gestion des déchets n’augmentent-elles pas leur capacité de recyclage des plastiques à un rythme suffisant pour répondre à la demande?

Un obstacle important à ce jour a été l’économie du recyclage. Historiquement, les entreprises de gestion des déchets collectaient et triaient efficacement le plastique gratuitement, puis gagnaient des revenus en vendant le matériau recyclé. Le prix des matières premières du plastique recyclé a été volatil, et la demande incertaine. Les entreprises de gestion des déchets ont eu du mal à justifier d’importantes dépenses d’investissement dans des installations dotées d’une technologie de tri de pointe, sans avoir la certitude de pouvoir obtenir un retour sur investissement. Pour diverses raisons, dont l’offre limitée, le plastique recyclé est généralement plus cher que le plastique neuf. 

Les investisseurs jouent un rôle

Le vote par procuration des investisseurs et leur engagement auprès des entreprises et des décideurs politiques peuvent avoir un impact. Il y a des raisons d’espérer que cette défaillance du marché sera surmontée grâce à de nouvelles réglementations qui créeront des incitatifs commerciaux pour que les entreprises privées mettent en place un certain niveau de capacité de recyclage des plastiques. Deux des formes de réglementation les plus importantes pour aider à résoudre le problème des plastiques sont la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui oblige les producteurs d’emballages en plastique à payer une taxe qui sert à rembourser partiellement les coûts de recyclage, et le contenu minimal en matières recyclées (CMR), qui exige que les emballages en plastique contiennent un pourcentage minimum de plastique recyclé. 

Pour les producteurs d’emballages, la réglementation relative aux CMR les oblige à utiliser du plastique recyclé même s’il est plus cher que le plastique vierge. Ils seront donc incités à assurer un approvisionnement stable en plastique recyclé dont ils ont besoin pour répondre à tous leurs besoins en matière d’emballages. On s’attend à ce que nombre d’entre elles signent des accords d’écoulement avec des entreprises de gestion des déchets afin de garantir un approvisionnement en plastique recyclé à un prix raisonnable. Les accords d’écoulement conclus avec les producteurs d’emballages tels que les sociétés de consommation, combinés aux redevances découlant du règlement sur la REP, assureront aux sociétés de gestion des déchets les revenus sûrs dont elles ont besoin pour réaliser des investissements importants dans des infrastructures de recyclage de pointe. Ainsi, les entreprises privées sont incitées par le marché à mettre en place une économie circulaire des matières plastiques qui réduit considérablement les déchets plastiques. 

Amener du capital pour améliorer les résultats du recyclage


En tant que grands investisseurs, nous avons contribué à la recherche du Conference Board du Canada sur la manière d’attirer des capitaux privés pour la capacité de recyclage. Plus tôt cette année, nous avons également participé à une conférence au cours de laquelle nous nous sommes engagés avec des décideurs à différents paliers de gouvernement au Canada sur les politiques qui pourraient aider à attirer ces capitaux. Nos recherches ont permis d’identifier au moins douze États américains et dix provinces/territoires au Canada qui ont déjà adopté, ou qui sont en train d’adopter, des réglementations en matière de REP, sans compter les autres qui devraient suivre. Au moins trois États américains sont en train de développer des réglementations sur les CMR, et au Canada, le gouvernement fédéral a organisé une consultation publique en février 2022 pour soutenir le développement d’une réglementation sur les CMR. Pendant ce temps, des accords d’écoulement entre les producteurs de produits en plastique et les recycleurs sont signés régulièrement par des entreprises, notamment Berry Plastics, Dow Chemical, et Honeywell.

Au fur et à mesure du déroulement du processus, notre rôle en tant qu’investisseurs consiste à nous engager et à soutenir les entreprises concernées lorsque nous pensons que cela peut contribuer à améliorer leurs performances financières à tous les stades du cycle de vie des plastiques. Pour les entreprises de consommation, l’utilisation accrue de plastiques recyclés peut renforcer le pouvoir de leur marque au fil du temps. Il y a de l’argent à faire en fournissant des capitaux pour construire des infrastructures de recyclage et développer les innovations en matière de technologie de recyclage et de matériaux plastiques dans le cadre de notre rôle dans l’utilisation des outils des investisseurs pour réduire les déchets plastiques.


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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Daniel Yungblut

Vice-président et chef de la recherche, président du Comité des placements ESG
Dynamic Funds

Avant de se joindre à l’équipe des titres à revenu fixe de Fonds Dynamique en 2009, Daniel Yungblut a travaillé comme analyste pour le compte d’une entreprise spécialisée dans la gestion d’actifs, où il s’occupait de la gestion du risque et de la surveillance des portefeuilles de placement. Promu gestionnaire de portefeuille en 2012, ses responsabilités englobaient les placements effectués par plusieurs mandats dans le domaine du crédit. En 2016, l’équipe de recherche sur le crédit a vu le jour et M. Yungblut en est devenu le premier chef. Il chapeaute la recherche et l’analyse fondamentales sur le crédit pour les groupes spécialisés dans les titres à revenu fixe de Gestion d’actifs 1832. En 2019, il a été promu vice-président et chef de la recherche. Avant de faire son entrée dans l’industrie en 2005, M. Yungblut a obtenu une bourse du Commonwealth et une maîtrise ès arts spécialisée en économie politique mondiale de l’Université du Sussex, où il a effectué des recherches sur les risques associés aux swaps sur défaillance et à d’autres instruments dérivés dans le système financier mondial. Il détient aussi une maîtrise en droit spécialisée en technologie et innovation de l’Université de Toronto.