Lithium : Une perspective d’économie circulaire pour l’investissement et l’intendance ESG

27 juillet 2021 | Priti Shokeen

La course au net zéro présente un défi et une possibilité pour l’économie circulaire, qui applique la conception régénérative à l’économie et vise la durabilité.

Pour atteindre les émissions de gaz à effet de serre (GES) net zéro d’ici 2050, de grands changements sont en cours. Bien qu’il soit primordial d’atténuer les changements climatiques, la transition vers une économie à faible émission ou carboneutre peut inclure des activités ayant d’autres impacts potentiellement négatifs si elles ne sont pas gérées adéquatement.

Par exemple, les transports représentant 15 % des émissions mondiales de GES à la fin de 2019, l’adoption de véhicules électriques alimentés par batterie (VE) aidera à atteindre les objectifs climatiques. Malgré la pandémie de COVID-19, les ventes de véhicules électriques ont augmenté de 54 % en 2020 par rapport à l’année précédente, et la demande de batteries lithium-ion devrait croître de 1030 % d’ici 2030, selon les prévisions de Bloomberg. Cela n’est pas surprenant compte tenu des réglementations existantes et à venir dans différentes régions, notamment le 13e Plan quinquennal de la Chine et les programmes de réduction des émissions de la Californie et de l’Union européenne.

Source : Bloomberg Finance LP, en date du 13 mars 2021

Cependant, les investisseurs dans les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles, ainsi que des investisseurs directs dans des projets renouvelables, devraient tenir compte des impacts environnementaux et sociaux du lithium pour s’assurer que les entreprises de leur chaîne de valeur relèvent ces défis dans une mesure suffisante.

Production de lithium, consommation d’eau et contamination

Une batterie de voiture nécessite 6000 gallons d’eau. Le triangle sud-américain qui couvre certaines parties de l’Argentine, de la Bolivie et du Chili détient plus de la moitié de l’approvisionnement mondial en lithium. L’Amérique du Sud est également l’un des endroits les plus secs de la Terre. Dans le Salar d’Atacama, au Chili, les activités minières consomment 65 % de l’eau de la région, ce qui compromet les besoins en eau des agriculteurs et d’autres activités.[1] Cela pourrait provoquer une opposition de la communauté et les entreprises pourraient perdre leur licence d’exploitation.

L’extraction du lithium utilise également des produits chimiques nocifs. Selon le International Chemical Secretariat, l’exploitation minière du lithium produit 17 produits chimiques, y compris des retardateurs de flamme bromés [2]; ceux-ci sont cités sur la liste des produits chimiques dangereux, ce qui soulève la possibilité de restreindre leur utilisation. Ces produits chimiques nuisent à la vie aquatique et à la qualité de l’eau, affectant les communautés et leurs approvisionnements en eau, car ils polluent l’air et le sol.

L’intensité des émissions d’oxyde d’azote (NOx) et d’oxyde de soufre (SOx) de la société de produits chimiques de spécialité Albemarle, par exemple, est significativement plus élevée que les autres sociétés de produits chimiques de spécialité dans l’indice MSCI ACWI.[2] Les entreprises peuvent encourir des responsabilités si elles ne gèrent pas le risque de contamination.

De plus, si elles ne sont pas correctement recyclées, les piles rechargeables causent des dommages à l’environnement. Une fois dans une décharge, ces substances contaminent les eaux souterraines, le sol et l’air.

Possibilités de recyclage

Avec la demande de batteries qui grimpe en flèche et les risques liés à la contamination, le recyclage offre des possibilités à l’industrie. Les rapports indiquent que le marché du recyclage des batteries atteindra 137 millions de dollars d’ici 2027 en Amérique du Nord. La majeure partie du recyclage actuel se produit dans le secteur de la consommation; cependant, compte tenu des tendances en matière d’électrification dans de nombreux secteurs, ce chiffre de croissance peut être plus élevé.

Émissions de GES des véhicules électriques

De l’exploitation minière et du transport à la fabrication de batteries, en passant par l’expédition et la fabrication de voitures, les véhicules électriques ont leur propre empreinte carbone. De nombreuses entreprises travaillent avec leurs fournisseurs pour réduire les émissions de Niveau 3* en adoptant l’énergie renouvelable dans leurs opérations. Les émissions de Niveau 3 représentent plus de 90 % de l’inventaire de GES d’un fabricant d’équipement automobile. Toutefois, les progrès concernant les émissions de Niveau 3 restent préliminaires.

Une approche de l’économie circulaire

Les actionnaires, les investisseurs directs et les créanciers des entreprises impliquées dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques peuvent aider à adopter une approche de l’économie circulaire en matière de durabilité en tenant compte de ces considérations :

Investisseurs du marché public (actionnaires et créanciers) :

  • Établir les meilleures pratiques dans les chaînes d’approvisionnement en lithium grâce à l’analyse ESG des sociétés en exploitation.
  • Encourager la recherche et le développement pour stimuler les innovations en matière de réutilisation, de recyclage et d’élimination.
  • Adopter des pratiques exemplaires dans les programmes d’intendance des produits et les plans d’élimination progressive des produits chimiques dangereux.
  • Encourager l’établissement d’objectifs de réduction des émissions nocives. Les paramètres clés à suivre peuvent inclure les émissions de GES, de NOx, de SOx et d’autres effluents.
  • Comprendre les risques politiques et de gouvernance des régions d’où proviennent les minéraux des batteries.
  • Intégrer les performances ESG des entreprises dans l’analyse des investissements et les modèles financiers (grâce à un taux de réduction pour les retardataires ESG afin de tenir compte des coûts opérationnels potentiels plus élevés ou des coûts des litiges causés par des impacts environnementaux et communautaires négatifs).
  • Collaborer avec les entreprises pour mieux comprendre leurs pratiques, leurs cibles, leurs indicateurs de performance, leurs plans visant à minimiser les impacts environnementaux et sociaux et leurs plans de recherche et développement sur les technologies durables.

Investisseurs en actifs directs/réels :

  • Intégrer les facteurs ESG dans la planification et le développement de projets – par exemple, les évaluations d’impact initiales ainsi que le consentement libre, préalable et éclairé.
  • Effectuer régulièrement des évaluations de l’impact environnemental et social, y compris les effets sur la biodiversité et les ressources communautaires.
  • Établir des pratiques exemplaires opérationnelles et des rapports de rendement sur les questions ESG pertinentes pour le secteur, telles que la gestion des déchets, les émissions atmosphériques, les pratiques et le rendement en matière de santé et de sécurité, les responsabilités ESG en matière de rémunération des dirigeants et la diversité des compétences au niveau du conseil d’administration.
  • Comprendre les risques ESG dans leurs chaînes d’approvisionnement.

En s’engageant avec les entreprises sur des questions et des indicateurs qui garantissent une vision globale de leur performance ESG, les investisseurs peuvent aider à atténuer les bulles ESG créées par des thèmes spécifiques et faciliter une transition juste vers une économie nette zéro.

Sources:

[1] Juan Ignacio Guzmán, Patricio Faúndez, José Joaquín Jara, Candelaria Retamal (2021), Role of Lithium mining on the water stress of the Salar De Atacama Basin.

[2] Rapport de notation ESG MSCI pour Albemarle Corporation de mars 2021

* Niveau 1 : Émissions directes de l’entreprise
Niveau 2 : Émissions provenant de l’énergie achetée par l’entreprise
Niveau 3 : Émissions générées tout au long de la chaîne d’approvisionnement et par l’utilisation finale des produits/services

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Auteur

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Priti Shokeen

Responsable de la recherche et de l’engagement ESG
TD Asset Management

En tant que chef de l'équipe Recherche et engagement ESG, Priti contribue à promouvoir les investissements durables au sein de GPTD et dans l'ensemble du secteur. Son équipe sert à fusionner l'approche ESG de GPTD afin d'informer les parties prenantes internes et externes sur les questions ESG dans l'ensemble des mandats de GPTD, notamment en produisant des recherches ESG, en dirigeant les efforts de GPTD en matière de propriété active et en faisant progresser l'intégration ESG. Priti a commencé sa carrière dans le domaine du développement durable au sein d'une agence des Nations Unies à Genève, en Suisse. Elle possède une vaste expérience dans le domaine de l'ESG et a terminé son doctorat en se concentrant sur l'intégration ESG.