L’élimination progressive gérée : une alternative au désinvestissement pour les investisseurs

19 août 2022 | John McHughan

Face à l’évolution du paysage énergétique mondial et à la pression croissante des investisseurs, de nombreuses grandes sociétés pétrolières et gazières nord-américaines cotées en bourse se sont engagées à atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici 2050, afin de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés Celsius. 

Les engagements en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre s’accompagnent de stratégies différentes sur la manière dont chaque entreprise atteindra ces objectifs. Une décarbonisation poussée dans un secteur à si forte intensité de carbone nécessite une allocation de capital importante et, pour certaines entreprises, un virage complet des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. 

Les défenseurs du climat devraient, à juste titre, se réjouir des engagements et des efforts de transition déployés par ces entreprises. Toutefois, ces mesures nous amènent à nous demander ce qu’il advient des actifs à forte intensité de carbone qui ont encore une durée de vie utile, comme les centrales électriques à combustibles fossiles, les pipelines et les puits, mais qui ne sont pas alignés sur les plans de décarbonisation d’une entreprise. Une approche consiste pour les entreprises à récupérer de la valeur pour les actionnaires et à progresser dans leurs ambitions climatiques en vendant ces actifs.  

Tendances des transferts d’actifs pétroliers et gaziers

Un document récent du Environmental Defence Fund[1] a démontré qu’au cours des cinq dernières années, ces actifs sont plus souvent acquis par des entreprises dont les engagements climatiques sont moindres ou inexistants par rapport aux entreprises qui s’en séparent. À l’échelle mondiale, entre 2017 et 2021, 155 transactions ont conduit au transfert d’actifs d’entreprises avec un objectif de neutralité carbone vers des entreprises sans objectif de cet acabit. De même, 211 transactions ont permis de transférer des actifs d’entreprises ayant un objectif de réduction du méthane vers des entreprises sans objectif en matière de méthane. 

Au total, 886 opérations ont permis de transférer des actifs de sociétés publiques vers des sociétés privées, contre 541 de sociétés privées vers des sociétés publiques. Lorsqu’un actif passe d’une société publique à une autre société publique, les investisseurs continuent de pouvoir dialoguer avec le propriétaire de l’actif. Cependant, lorsque l’actif passe d’une entreprise publique à un opérateur privé, les investisseurs en capital public perdent cette capacité. En outre, l’opérateur privé peut ne pas être soumis aux mêmes normes et exigences de divulgation que les entreprises cotées en bourse. Il peut ainsi devenir plus difficile de suivre les émissions réelles de cet actif ou de l’opérateur au fil du temps.  

Cela signifie que si les émissions de l’entreprise cédante peuvent diminuer avec la vente de l’actif, les émissions du monde réel peuvent rester les mêmes, diminuer ou même augmenter dans certains cas, en fonction des plans de l’entreprise acheteuse pour l’actif. En fin de compte, cette vente peut annuler tout impact positif sur le climat dans le monde réel. 

Gestion de l’élimination progressive  

En tant que fiduciaires, il est impératif que les gestionnaires d’actifs se tiennent au courant des meilleures pratiques pour gérer les risques et saisir les occasions liées à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), une coalition mondiale d’institutions financières de premier plan engagées dans l’accélération de la décarbonisation de l’économie, a récemment publié The Managed Phaseout of High-emitting Assets, qui fournit un cadre permettant aux entreprises d’éliminer progressivement leurs actifs à forte intensité de carbone, plutôt que de s’en défaire. 

L’approche de l’élimination progressive gérée est basée sur l’idée que certains actifs à fortes émissions peuvent continuer à fonctionner jusqu’à une date de mise hors service alignée sur le zéro net comme une approche alternative à une trajectoire de diminution constante des émissions de gaz à effet de serre. Cette approche a l’avantage de promouvoir une transition ordonnée et permet aux institutions financières de rester engagées auprès des entreprises des secteurs à fortes émissions. 

Intégrer la gestion de l’élimination progressive et le transfert responsable des actifs dans les stratégies d’engagement

En tant qu’investisseurs soucieux de gérer le risque climatique, il est essentiel que nous donnions la priorité à la réduction des émissions réelles avec les émetteurs, par opposition aux simples transferts d’émissions. Il s’agit d’un point que nous devrions soulever lorsque nous nous engageons le dialogue auprès des entreprises qui possèdent des actifs à forte intensité de carbone et qui développent des voies pour atteindre leurs objectifs de réduction à zéro émission nette. Les questions clés que nous pouvons poser sont les suivantes : quel rôle le désinvestissement jouera-t-il à court et à moyen terme pour atteindre les objectifs intermédiaires? Et évaluez-vous les acheteurs potentiels à l’aide de critères environnementaux? 

Les transferts d’actifs sont un élément normal de la stratégie d’une entreprise et plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans toute décision de cession d’un actif. Une offre doit trouver un équilibre entre le besoin légitime de maximiser la valeur pour les actionnaires et les considérations liées au climat. 

En plus d’intégrer le transfert d’actifs responsable dans les stratégies d’engagement, les investisseurs peuvent encourager les entreprises pétrolières et gazières à effectuer des analyses de scénarios et à produire des rapports sur le risque de voir les actifs de leur entreprise subir des dépréciations inattendues. Il est essentiel que les entreprises comprennent les risques et élaborent des plans pour une élimination progressive gérée lorsque le transfert responsable des actifs n’est pas une option viable. 

Un regard vers l’avenir 

Alors que la transition vers la neutralité carbone se poursuit, il est essentiel que les investisseurs continuent de soutenir les efforts de décarbonisation des secteurs pétrolier et gazier tout en donnant la priorité aux réductions d’émissions dans le monde réel. Les investisseurs peuvent le faire en encourageant les entreprises bénéficiaires à adopter des politiques de transfert d’actifs responsables et à mettre en œuvre un cadre pour un retrait progressif géré des actifs à forte intensité de carbone.  

Sources
[1] © 2022 Environmental Defense Fund. Utilisé avec permission. Le matériel original est disponible à la page https://business.edf.org/insights/transferred-emissions-risks-in-oil-gas-ma-could-hamper-the-energy-transition/ 


Le présent document peut contenir des déclarations prospectives qui sont de nature prévisionnelle et pouvant comprendre des termes comme « prévoir », « s’attendre à », « compter », « croire », « estimer » ainsi que les formes négatives de ces termes. Les déclarations prospectives sont fondées sur des prévisions et des projections à propos de facteurs généraux futurs concernant l’économie, la politique et les marchés, comme les taux d’intérêt, les taux de change, les marchés boursiers et financiers, et le contexte économique général; on suppose que les lois et règlements applicables en matière de fiscalité ou autres ne feront l’objet d’aucune modification et qu’aucune catastrophe ne surviendra. Les prévisions et les projections à l’égard d’événements futurs sont, de par leur nature, assujetties à des risques et à des incertitudes que nul ne peut prévoir. Les prévisions et les projections pourraient s’avérer inexactes dans l’avenir. Les déclarations prospectives ne garantissent pas les résultats futurs. Les événements réels peuvent différer grandement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans les déclarations prospectives. De nombreux facteurs importants, y compris ceux énumérés plus haut, peuvent contribuer à ces écarts. Vous ne devriez pas vous fier aux déclarations prospectives.

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Auteur

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John McHughan

Vice-président
TD Asset Management (TDAM)

À titre de vice-président, Recherche et engagement ESG, John mène les efforts de l’équipe en matière de gestion des risques liés au climat et travaille étroitement avec les équipes de placement pour intégrer les risques et occasions liés au climat dans le processus de construction de portefeuilles. Il a commencé sa carrière à la TD dans un programme de rotation à l’échelle de l’entreprise, où il a acquis une expérience diversifiée dans le milieu bancaire, notamment en travaillant avec l’équipe Environnement TD centralisée. Avant de se joindre à la TD, John a travaillé cinq ans en politique canadienne comme lobbyiste et adjoint d’un député provincial. Il possède un baccalauréat spécialisé en études politiques et une maîtrise en administration des affaires de l’Université Queen’s.