Les investisseurs canadiens redoublent d’efforts pour lutter contre les changements climatiques

10 mai 2019 | Nalini Feuilloley

Au Canada, l’impact des changements climatiques devient de plus en plus manifeste.

L’année dernière, le sous-gouverneur de la Banque du Canada a prononcé un discours dans lequel il mentionnait des « effets importants et généralisés » sur l’économie canadienne, pointant la convergence d’un nombre croissant de phénomènes météorologiques liés au dérèglement climatique, depuis les feux de forêt, les tempêtes, les sécheresses, les espèces invasives et les fermetures de routes jusqu’aux cycles de réchauffement, autant d’éléments qui créent tous des risques potentiels pour les investisseurs.

Selon les travaux de recherche menés sous l’égide du gouvernement fédéral, le coût des changements climatiques pour l’économie canadienne est estimé entre 21 et 43 milliards de dollars d’ici 2050.  Il n’est donc pas surprenant d’observer les préoccupations croissantes des investisseurs face aux risques importants liés aux changements climatiques.

En décembre 2015, le Conseil de stabilité financière (FSB) a mis en place la TCFD afin de définir un ensemble uniforme d’informations relatives aux risques financiers liés au climat à publier par les entreprises sur une base volontaire pour informer les investisseurs, prêteurs, assureurs et autres parties prenantes. La TCFD a publié ses recommandations finales en 2017, à l’issue d’un processus collaboratif de consultations des parties prenantes dans le monde entier.

L’année dernière, dans le cadre de leur Reporting 2018, les PRI ont intégré à titre de test des indicateurs de reporting sur le climat en se fondant sur les recommandations formulées par la TCFD en juin 2017. L’objectif était d’améliorer les informations publiées par le secteur et de permettre aux investisseurs de mettre en œuvre les orientations de la TCFD. Au total, 480 signataires des PRI (sur 1449 à l’échelle mondiale) ont renseigné les indicateurs dans le Reporting 2018, dont 28 signataires canadiens (sur 88 signataires ayant rempli le reporting au Canada).

Cette expérimentation sera poursuivie dans le Reporting 2019 qui intégrera des indicateurs sur le climat fondés sur les travaux de la TCFD. Les indicateurs seront mis à jour pour tenir compte du retour d’expérience des signataires, et notamment de la nécessité d’une simplification et de conseils pratiques supplémentaires. Les PRI continueront d’accompagner la mise en œuvre des recommandations de la TCFD sur les marchés, en encourageant les régulateurs, les entreprises et les investisseurs à poursuivre leurs efforts dans ce domaine.

L’année dernière, les PRI ont, avec le concours de Baker McKenzie, réalisé une analyse locale qui portait sur le point de vue des Canadiens à l’égard des recommandations.

L’analyse a montré que les réglementations en vigueur au Canada en matière d’informations à publier sur le climat ne sont pas encore cohérentes entre les différents secteurs ou qu’elles diffèrent par le champ d’application ou les outils du reporting. Dans la mesure où le Canada a fait preuve d’une relative lenteur dans la mise en œuvre de réglementations exhaustives encourageant ou obligeant les entreprises à prendre en compte l’exposition au risque climatique et à publier des informations à ce sujet, l’adoption d’un référentiel clair et cohérent avec les recommandations de la TCFD devrait aider de manière appréciable les entreprises à comprendre le périmètre idéal des informations à publier, à prendre conscience du risque climatique dans le cadre de leurs activités et à l’intégrer dans leurs systèmes de reporting existants (ou en cours de développement).

Ce référentiel améliorerait la qualité et la cohérence des informations communiquées aux investisseurs, en particulier pour apprécier le degré de vulnérabilité des entreprises, et identifier celles qui considèrent la transition comme une opportunité d’amélioration de leur viabilité à long terme et de leur attractivité pour les investisseurs.

Alors que la réglementation évolue lentement sur le sujet des informations relatives au climat, leur publication dans le cadre du dépôt habituel des états financiers non seulement garantira la qualité de ces informations, mais permettra également de promouvoir et de normaliser leur prise en compte et leur importance dans le milieu des entreprises et des investisseurs au Canada. En outre, des informations détaillées et commerciales permettront de conserver, voire d’améliorer la confiance des investisseurs, en raison des possibilités d’analyse qui en résulteront et de la fiabilité des informations dont la publication est recommandée par la TCFD pour tous les secteurs, notamment au regard de la prise en compte du risque climatique au niveau du conseil d’administration de l’entreprise, de la manière dont les risques et opportunités liés au climat sont envisagés dans la stratégie de l’entreprise et dans ses processus de gestion des risques, et de la qualité des méthodes utilisées par l’entreprise pour évaluer et contrôler les impacts de ces risques et opportunités sur son activité.

Le référentiel d’informations à publier pourrait être largement adopté par les différents secteurs, permettant ainsi des comparaisons plus claires et plus cohérentes entre les entreprises au sein d’une juridiction. Il contribuerait vraisemblablement à renforcer la transparence des informations publiées par les entreprises canadiennes et à améliorer la compréhension de celles-ci par les investisseurs malgré la multiplicité des juridictions infranationales.

Compte tenu de la position unique du Canada au regard des risques climatiques, notamment de l’étendue de son territoire, des nombreux impacts physiques potentiels des changements climatiques et de la dépendance de son économie à l’égard des ressources naturelles, l’adoption d’un référentiel fiable et transparent d’informations à publier sera un élément central pour la transition en douceur du Canada vers une économie bas-carbone et le maintien de la stabilité des marchés financiers pendant cette période.

Le rapport recommandait que les régulateurs fédéraux et provinciaux, notamment les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, approuvent les recommandations de la TCFD, et que la Bourse de Toronto et la Bourse de croissance TSX y fassent référence dans leurs orientations de reporting.

Le rapport indiquait en outre que les informations publiées au Canada par les entreprises étaient limitées en matière de questions « ESG », ou de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, éléments utilisés pour évaluer la viabilité à long terme et l’éthique d’une entreprise. De surcroît, les changements climatiques tendent à être regroupés dans la rubrique des obligations liées à l’environnement, mais ne font pas l’objet d’un traitement à part entière. Le rapport en concluait que la publication d’informations relatives au climat « progressait relativement lentement » au Canada.

La mise en œuvre des recommandations de la TCFD aidera le secteur financier et les parties du secteur non financier qui seront exposées de manière accrue aux risques, pendant et après la transition vers une économie mondiale bas-carbone, à comprendre les risques importants liés au climat et à agir efficacement pour y répondre.

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Auteur

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Nalini Feuilloley

Directrice générale
BMO Global Asset Management

Nalini est la directrice générale de l’équipe Investissement responsable de BMO Gestion mondiale d’actifs, au Canada. Elle s’est jointe à cette équipe en 2019 après avoir travaillé pendant trois ans en tant que chef de la section canadienne des Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies. À ce titre, elle était responsable de la gestion de la clientèle institutionnelle canadienne et veillait à informer la communauté des sociétés de placement sur les stratégies d’intégration et les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Avant d’occuper ces fonctions, Nalini était responsable des fonds de retraite, des fonds de dotation et des fondations de BlackRock Canada, et soutenait les initiatives locales de cette société en matière d’investissement responsable. Auparavant, elle a travaillé au Royaume-Uni pour Roubini Global Economics et le Gerson Lehrman Group, deux sociétés de recherche sur les placements non traditionnels qui soutiennent le secteur institutionnel. Nalini a entamé sa carrière au sein d’Accenture en conseillant des clients des secteurs de la technologie, des médias et des télécommunications.