Scénarios nets zéro : le point de vue d’un investisseur

27 juillet 2021 | Aaron Bennett

Bien que le changement climatique soit une question complexe souvent abordée comme source de risques, il crée également un nouveau monde de possibilités pour les investisseurs. Cependant, pour réussir à long terme, ceux-ci doivent avoir la capacité d’identifier et de gérer efficacement ces risques et opportunités, ce qui nécessite une compréhension approfondie de la relation entre le climat et les marchés financiers, deux systèmes hautement dynamiques et en interaction.

L’empreinte carbone est l’un des outils disponibles pour aider à comprendre l’exposition historique aux risques liés à la transition. Associée à une connaissance approfondie de l’entreprise, elle fournit des indications précieuses sur la capacité d’une société à gérer les impacts du changement climatique futur. Cependant, les perspectives générées par l’analyse peuvent parfois être moins utiles pour évaluer la résilience future d’un actif ou d’un portefeuille. D’autre part, l’analyse de scénarios, qui inclut une gamme de résultats raisonnables en matière de transition climatique, peut fournir un meilleur aperçu des forces et des faiblesses d’un portefeuille ainsi que de son niveau d’alignement sur les résultats climatiques souhaités. Dans cet article, nous discuterons de l’application et de l’évaluation des scénarios climatiques pour les portefeuilles d’investissement.

Les investisseurs peuvent appliquer des scénarios aux stratégies d’investissement de la même manière que les entreprises appliquent des scénarios à leur processus de planification du capital pour tester la résilience dans le cadre d’une variété de résultats futurs potentiels. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et les Principes pour l’investissement responsable (PRI), soutenus par les Nations Unies, proposent tous un large éventail de scénarios calibrés en fonction des résultats liés au changement climatique, allant du « statu quo » à « net zéro d’ici 2050 ». Il y a trois considérations clés à tenir en compte lors de l’application de ces types de scénarios à l’investissement :

  • Scénarios ≠ Prévisions : Les scénarios impliquent des chiffres et une vision de l’avenir qui peuvent amener les investisseurs à supposer qu’il existe un chemin unique vers un résultat futur. Quel que soit le scénario, en particulier les scénarios climatiques sur plusieurs décennies, il existe une grande incertitude liée à des facteurs tels que la coordination internationale, le comportement des consommateurs, l’innovation technologique et les stratégies des entreprises. Par conséquent, la résilience des portefeuilles ne peut vraiment être testée qu’en utilisant une gamme de scénarios qui se concentrent sur ce qui « pourrait » raisonnablement se produire plutôt que sur ce qui « devrait » se produire. Les principaux résultats sont la distribution, l’ampleur et la probabilité des événements qui peuvent être rattachées à la création de valeur d’investissement à long terme et aux attentes actuelles du marché.
  • Paramètres pertinents pour l’investissement : La plupart des scénarios actuels nécessitent la connaissance d’une entreprise spécifique et une expertise dans la traduction de facteurs tels que le potentiel de réchauffement et le prix du carbone en paramètres pouvant influencer un modèle financier. Plus récemment, un effort conjoint a été lancé par les banques centrales et les gouvernements pour normaliser une série de scénarios qui permettront probablement de mieux définir les paramètres clés tels que le risque relatif au crédit et aux liquidités. Des scénarios encore plus granulaires comme le net zéro d’ici 2050 de l’AIE aideront également à combler le fossé existant.
  • Période de temps : Bien qu’il soit de l’avis général que les impacts du changement climatique sont plus imminents que jamais, les impacts les plus importants et les plus probables sur les bénéfices et les flux de trésorerie sont potentiellement encore en dehors de la période de détention moyenne de 5,5 mois pour des actifs comme les actions américaines. Cela dit, une approche plus réfléchie des taux de croissance implicites à long terme dans les multiples et les hypothèses terminales d’un modèle d’évaluation peut aider à intégrer des changements à moyen et long terme, même dans des investissements à court terme.

(Environ) net zéro

Compte tenu de la dynamique croissante des stratégies de transition des pays et des entreprises et de l’augmentation des changements physiques influencés par le changement climatique, il semble judicieux d’inclure un scénario net zéro dans l’éventail des options permettant de tester la résilience d’un portefeuille d’investissement. Cependant, le terme « net zéro » est utilisé de différentes manières par différents groupes. Le récent Net zéro d’ici 2050 de l’AIE fournit un exemple détaillé et économiquement pertinent d’un scénario qui définit « une » voie et qui applique une analyse supplémentaire examinant la sensibilité de leur scénario aux principaux domaines d’incertitude tels que les changements dans le comportement des consommateurs, l’innovation technologique, la sécurité énergétique et l’utilisation du nucléaire et de la capture du carbone. Quelle que soit l’étiquette, les investisseurs doivent évaluer de manière critique un certain nombre de paramètres pour comprendre les engagements pris par les entreprises et ceux qu’ils peuvent envisager pour leur propre portefeuille :

  1. Responsabilisation : Qui a le mandat d’atteindre l’objectif et comment sont-ils incités à l’atteindre? Pour les secteurs fortement exposés, cela pourrait impliquer la mise en place d’un comité spécifique au sein du conseil d’administration et des liens entre le climat et la rémunération des dirigeants.
  2. Alignement : Alignement avec les capacités et la création de valeur de l’entreprise (ou de l’investisseur) et les engagements pertinents des pairs et des gouvernements locaux. Le chemin vers le net zéro peut avoir différentes significations selon les industries et les régions.
  3. Année de référence : L’année de référence pour les émissions n’est généralement pas l’année en cours et doit être évaluée en fonction de la qualité des données disponibles et du pourcentage de réductions attendues à l’avenir.
  4. Portée : La décision de s’engager à réduire l’intensité ou le total des émissions dépendra de la trajectoire de croissance de l’entreprise ou du portefeuille. Cependant, on s’attend souvent à ce que les entreprises se concentrent sur les émissions totales au fil du temps. Selon la norme d’entreprise du GHG Protocol, les émissions d’une entreprise peuvent être classées en trois niveaux. Les réductions de Niveau 1 et 2 devraient être considérées comme des informations standard. Les émissions de Niveau 3 devraient faire l’objet d’une évaluation critique en ce qui concerne leur couverture, les données disponibles et leur caractère raisonnable, car elles sont volontaires et les plus difficiles à surveiller.
  5. Jalons : Au minimum, des objectifs et des jalons de haut niveau doivent être fixés pour 2030 et 2050, mais il serait bon de prévoir un processus itératif avec des fenêtres de 3 à 5 ans pour la réévaluation.
  6. Compensations et innovation : Il est difficile d’imaginer que l’on puisse atteindre l’objectif « zéro émission » d’ici à 2050, sans recourir à la compensation des émissions de carbone et aux nouvelles technologies. Les compensations doivent être évaluées en fonction de leur transparence, de leur contribution totale, du fait qu’elles évitent ou réduisent les émissions et du risque relatif d’inversion. La contribution de l’innovation devrait être transparente en ce qui concerne les incertitudes et le montant des réductions provenant des technologies de stade antérieur.

Conclusion :

Malgré les défis liés au type d’analyse requis, il est probable que les investisseurs et les autres parties prenantes trouveront un intérêt à essayer d’intégrer l’analyse des risques et des opportunités liés au changement climatique dans leurs portefeuilles. En fin de compte, les investisseurs qui réussissent sont ceux qui ont un accès plus grand ou plus rapide aux informations et qui trouvent les inefficacités, ce qui leur permet de mieux gérer le risque et de capter le rendement. La constitution de portefeuilles qui peuvent être résilients face à une variété de futurs climatiques différents peut être bénéfique pour les propriétaires d’actifs et la société dans son ensemble.

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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Aaron Bennett

Directeur général, Stratégie d’investissement durable et recherche
Jarislowsky Fraser

Aaron Bennett, CFA, s’est joint à Jarislowsky Fraser en 2014 et compte plus de 16 ans d’expérience en placement. En tant que directeur général, Stratégie d’investissement durable et recherche, Aaron soutient l’amélioration continue de l’intégration systémique et robuste des facteurs ESG importants dans l’analyse des investissements dans tous les portefeuilles et classes d’actifs. Il conseille le comité de stratégie d’investissement dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques plus larges. Aaron est également membre du comité d’investissement durable de la société et aide à soutenir la coordination des activités d’investissement durable et le développement d’outils ESG au sein de l’entreprise. Aaron a déjà travaillé pour le Ontario Teachers’ Pension Plan dans le secteur des ressources naturelles et a siégé au conseil d’administration d’entreprises privées dans le secteur de l’énergie. Il était un membre fondateur et actif du comité d’investissement responsable de l’organisation. Aaron a également travaillé pour un certain nombre de banques d’investissement canadien de taille moyenne en tant qu’analyste de recherche sur les actions couvrant les soins de santé et la biotechnologie. Il a été membre du comité consultatif de l’engagement mondial collaboratif coordonné par les PRI sur le risque de méthane et du comité directeur de Responsible Investment Association’s Toronto Steering Committee. Il siège également au conseil consultatif du Embedding Project and the Environmental and Social Committee of the Canadian Coalition for Good Governance. Aaron détient un baccalauréat spécialisé (biologie) de Queen’s University, un MBA de l’Ivey School of Business Western University et est titulaire de la charte CFA.