Il est temps de faire de l’Economie Circulaire une réalité

22 février 2022 | Lorna Lucet, Molly Minton

Les ressources naturelles de notre planète sont physiquement limitées. L’exploitation intensive de la nature, à un rythme toujours plus rapide, empêche celle-ci d’avoir le temps de se régénérer, conduisant à son épuisement et à son appauvrissement. Notre modèle économique linéaire, qui consiste à extraire, produire, consommer et jeter, participe fortement à la destruction de notre environnement.

Figure 1 – Notre modèle économique linéaire n’est pas durable sur le long-terme

Source: Amundi Asset Management

L’explosion démographique et économique que nous avons connue au cours du XXe siècle ainsi que l’avènement de la consommation de masse, qui a inondé le marché de produits peu chers et facilement remplaçables, ont exercé une pression trop forte sur notre environnement. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme.

En effet, cette économie linéaire a négligé deux points importants : nos réserves naturelles sont limitées et la nature a besoin de temps pour se régénérer et continuer à produire. Selon les experts scientifiques, à ce rythme d’extraction, certaines matières premières ne seront plus disponibles d’ici 50 ans alors que la demande ne cessera d’augmenter, en partie due à une population mondiale qui devrait atteindre 9 milliards d’habitants en 2050.

Le modèle linéaire consistant à produire toujours plus et à jeter de grandes quantités de déchets, tout en recyclant de façon minime, est en contradiction avec les limites planétaires. La production mondiale de déchets était estimée à 1,3 milliard de tonnes par an en 2012 contre 2,01 en 2018 (+55%) et devrait atteindre 3,40 milliards de tonnes d’ici 2050 dans un scénario de statu quo (+160%). En 2018, on estime qu’à l’échelle mondiale, environ 37 % des déchets sont enfouis dans des décharges, 33 % sont mis en décharge à ciel ouvert, 11 % sont traités par incinération moderne et seulement 19 % font l’objet d’une valorisation des matériaux par recyclage et compostage. La société de consommation a donné naissance à une société de déchets.

Figure 2 – Près de 2 Terres étaient nécessaires au vu de la demande en biens de consommation en 2019 vs 1 en 1969

Source: EarthOvershootDay.org

Dans ces circonstances, comment aider les entreprises à passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire pour limiter les atteintes à notre environnement ?

L’avènement de l’Economie
Circulaire

Il faut donc passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire qui limitera les atteintes à l’environnement et permettra à la nature de se régénérer. Ce modèle circulaire peut se faire par l’allongement de la durée de vie des produits et notamment par l’éco-conception, la réparabilité, la durabilité et le marché de l’occasion. Cette economie circulaire doit également inclure un meilleur traitement des déchets et permettre de réutiliser les matières premières pour créer de nouveaux produits… et ainsi boucler la boucle !

L’economie circulaire est une solution qui connaît un succès croissant ces dernières années : le concept s’est propagé d’un petit cercle d’initiés à un nombre croissant d’entreprises et de citoyens.

Cependant, définir l’economie circulaire n’est pas chose aisée et il n’existe pas aujourd’hui de définition universelle. Chez Amundi, nous considérons que l’economie circulaire est un changement de modèle économique qui permet de produire des biens de consommation durables, tout en protégeant la nature – en lui laissant le temps de se régénérer – et en assurant le bien-être des individus.

Ce nouveau modèle économique se traduit par :

  • Une meilleure gestion et utilisation des ressources naturelles
  • Des biens conçus et produits pour durer
  • Des consommateurs informés des impacts environnementaux de leurs achats et qui consomment de manière raisonnée
  • Un système plus efficace de traitement des produits en fin de vie permettant d’obtenir davantage de matières premières secondaires.

Chaque étape de la production d’un produit doit donc être revue à la lumière de la définition mentionnée ci-dessus :

Figure 3 – L’economie circulaire propose un nouveau modèle économique qui redéfinit chacune des étapes de production d’un produit

Source: Amundi Asset Management

Les investisseurs ont un rôle clé à jouer dans la concrétisation de l’economie circulaire

En tant qu’investisseurs, la promotion de l’economie circulaire est non seulement une occasion de dissocier croissance économique et dégradation de l’environnement mais aussi une opportunité financière de stimuler l’innovation et la compétitivité. En effet, les recherches montrent que l’economie circulaire offre une opportunité économique de 4,5 trillions de dollars en réduisant les déchets, en stimulant l’innovation et en créant des emplois.  Les nouveaux modèles commerciaux axés sur la réutilisation, la réparation, le reconditionnement et les modèles de partage offrent également d’importantes possibilités d’innovation.

Pour que ces perspectives se concrétisent, les entreprises doivent repenser l’ensemble de leur modèle économique et de leur stratégie commerciale, ce qui nécessite le soutien des investisseurs.

En effet, dans une vision court-termiste, les entreprises ont intérêt à perpétuer le modèle linéaire, car leur chiffre d’affaires est basé sur la production et la vente à grande échelle. L’economie circulaire, en revanche, propose un nouveau modèle dans lequel le bien a été conçu pour durer et dans lequel sa longévité est essentielle. Cette longévité se traduit à nouveau par l’éco-conception, la réparabilité, la durabilité et la recyclabilité et nécessitera une redéfinition complète de la stratégie des entreprises. Ce changement n’est pas simple et ne peut certainement pas se produire du jour au lendemain. C’est le rôle des investisseurs de soutenir et encourager cette transition circulaire.

Nos recommandations aux
entreprises pour le déploiement d’une stratégie circulaire

Pour encourager la circularité, les investisseurs doivent affuter leurs recommandations et partager les bonnes pratiques pour inspirer aux entreprises la volonté de changer de modèle. Cependant, il est important de relever qu’il n’existe pas de modèle circulaire unique, mais plutôt une multitude de systèmes qui fonctionnent ensemble pour créer une stratégie circulaire. Ainsi, il n’y a pas une recette unique pour transformer le business-model d’une entreprise en un modèle circulaire vertueux. Cette mise en garde faite, il y a tout de même un ingrédient commun à toutes les recettes : le concept de circularité doit être au cœur de la stratégie de l’entreprise.

Sur la base de notre travail de Recherche et de campagnes d’engagements menées avec les entreprises, nous avons détaillé, ci-dessous, les principales bonnes pratiques identifiées pour la mise en place d’un modèle circulaire.

La promotion de l’economie circulaire doit être portée par la Direction de l’entreprise

L’economie circulaire doit être fortement intégrée dans le modèle commercial de l’entreprise. Cela signifie que la circularité n’est pas simplement assimilée à la stratégie ESG générale, mais qu’elle est au centre de la stratégie et sous la supervision directe du PDG et du conseil d’administration. Les mises à jour de la stratégie d’economie circulaire doivent être présentées au conseil d’administration au moins une à deux fois par an.

La stratégie economie circulaire doit se traduire en objectifs clairs

Les entreprises doivent établir des engagements forts et clairs en matière d’economie circulaire et définir des objectifs quantitatifs.

De nombreuses entreprises développent des objectifs pour augmenter la recyclabilité des matériaux utilisés mais elles doivent également se concentrer sur l’augmentation de la quantité de contenu recyclé utilisé dans les nouveaux produits (c’est-à-dire commencer à considérer les produits et matériaux de seconde main comme de nouvelles ressources et non comme des déchets).

Les objectifs quantitatifs doivent également aller au-delà des objectifs basés sur les matériaux et se concentrer sur des objectifs de produits entièrement circulaires. Si la théorie est évidente pour de nombreux secteurs, la pratique peut se révéler plus compliquée car techniquement difficile ou coûteuse à mettre en œuvre.

Quoi qu’il en soit, ces théories ne deviendront une réalité que si les entreprises consacrent des ressources, humaines et financières, pour lever ces derniers freins. C’est pourquoi nous soutenons la mise en place d’objectifs quantitatifs en nombre de produits lorsque les solutions circulaires sont techniquement possibles et que nous soutenons également le développement d’objectifs de R&D/Capex pour allouer les ressources aux domaines qui nécessitent des innovations.

La réussite d’une stratégie economie circulaire dépend de la mobilisation de tout un chacun au sein de l’entreprise

Une véritable stratégie circulaire nécessite que toute l’entreprise soit mobilisée. Cela inclut les équipes internes, les équipes de conception, le départements des achats ainsi que les équipes de logistique, de vente et de marketing.

Nous recommandons des formations internes pour permettre aux employés d’intégrer les principes de circularité dans leur travail quotidien, mais aussi des formations techniques, par exemple, pour approfondir le concept d’éco-conception dans la phase de conception de produits ou de communication avec les clients afin qu’ils deviennent une partie prenante active dans le processus circulaire.

La circularité nécessite également une collaboration avec les parties prenantes externes, y compris les fournisseurs et les experts tiers. Les entreprises doivent s’assurer que les fournisseurs sont des partenaires dans cette révolution circulaire. Nous avons remarqué que des partenariats solides avec un noyau dur de fournisseurs de longue date aident les entreprises à mieux intégrer la circularité dans leurs activités. Pour les domaines où l’innovation technique est encore nécessaire, nous encourageons les entreprises à travailler avec leurs pairs, les experts en circularité et les ONG pour aborder collectivement ces problèmes et trouver des solutions.

La fin de vie des produits doit être pensée dès leur conception

Enfin, en ce qui concerne la fin de vie des produits, nous encourageons les entreprises à y penser dès le début (c’est une boucle après tout !). Concevoir un produit qui peut se désassembler afin de permettre la réparation et de récupérer les matières premières est essentiel pour donner le coup d’envoi de ce cycle circulaire.

Pour y parvenir, il faut prendre en compte un grand nombre d’éléments, notamment la recyclabilité et la longévité des composants individuels par rapport à la recyclabilité des produits dans leur ensemble. Il faut également tenir compte de la manière dont les produits et les composants sont collectés et de la manière dont ces matériaux sont réintégrés dans le système d’origine. Ce n’est certes pas une tâche facile, et ce d’autant plus qu’elle sera différente pour chaque matériau, produit, entreprise et secteur. Afin que ces étapes soient possibles, elles doivent être pensées dès le début, et non à la fin, par les équipes en charge de la conception du produit.

Conclusion

La véritable circularité est certainement plus facile en théorie qu’en pratique mais les impacts négatifs de notre modèle linéaire en font un modèle obsolète. Les entreprises doivent imaginer de nouvelles façons de produire, plus durables. La mise en place d’une stratégie circulaire répond à cet objectif et aidera les entreprises à atténuer leurs impacts négatifs sur l’environnement tout en étant compétitives.

Oui, des défis techniques existent, mais notre travail chez Amundi a montré que le déploiement de l’economie circulaire par les entreprises s’est accéléré au cours des dernières années et que des solutions techniques commencent à se généraliser pour passer du prototype à la production à plus grande échelle.

Ce sont finalement les entreprises ambitieuses dans l’adoption de stratégies circulaires qui sont les moteurs du changement et de l’innovation. Alors, nous osons dire aux entreprises : agissez maintenant !


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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Lorna Lucet

Analyste ESG
Amundi

Lorna Lucet travaille dans le secteur du Développement Durable depuis 2011 et sur l'Economie Circulaire depuis 2013, d'abord pour les pouvoirs publics français, puis pour la mise en œuvre de stratégies d'Economie Circulaire au sein des entreprises. Chez Amundi, elle est experte Economie Circulaire et analyste sectorielle ESG sur le secteur alimentaire. Lorna a commencé sa carrière en audit financier chez Deloitte avant de rejoindre l'équipe Deloitte Développement Durable où elle a conseillé les entreprises cotées internationales sur la définition de leur stratégie Développement Durable, vérifié les informations extra-financières publiées dans leurs rapports annuels et développé la pratique ESG pour les gestionnaires d'actifs et les fonds d'investissement. Elle est diplômée d'un Master of Sciences en Développement Durable de HEC.

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Molly Minton

Analyste, ESG
Amundi

Molly est analyste ESG au sein de l'équipe de recherche ESG d'Amundi spécialisée dans les secteurs de la mode, de la vente au détail et des biens de consommation ainsi que dans les secteurs miniers. De plus, elle travaille sur divers sujets thématiques dont la biodiversité. Ayant débuté sa carrière à New York, elle évolue dans le domaine du développement durable depuis 2014 et est titulaire de trois masters dont deux liés au commerce durable de HEC Paris et de la Norwegian School of Economics.