La gestion de la chaîne d’approvisionnement, moteur de la durabilité

11 novembre 2021 | Solène Hanquier

À travers le monde, les chaînes d’approvisionnement de la vente au détail jouent un rôle clé dans la résolution de problèmes environnementaux et sociaux tels que les émissions de carbone, la pollution, les pénuries d’eau, la déforestation, la violation des droits des travailleurs, la santé et sécurité des travailleurs, et plus encore.

Les chaînes d’approvisionnement, par leur nature, sont un réseau vaste et complexe de fournisseurs qui sont fortement interdépendants et interconnectés. Dans une grande société, chaque fournisseur peut avoir besoin de la contribution de milliers de fournisseurs sous-traitants. Plus la chaîne d’approvisionnement est complexe, plus une organisation est vulnérable aux incertitudes et aux risques cachés, selon l’endroit où elle exerce ses activités et les sous-secteurs dans lesquels elle exerce ses activités.

Pourtant, selon le rapport d’Evocadis, 2019 Sustainable Procurement Barometer : From Compliance to Performance, seulement 38 % des grandes multinationales évaluent leurs partenaires annuellement. Il n’est donc pas surprenant que le Pacte mondial des Nations Unies ait désigné les pratiques de gestion de la chaîne d’approvisionnement comme le principal obstacle à la durabilité.

Cette situation devrait préoccuper tant les investisseurs que les conseillers. Une mauvaise gestion de la chaîne d’approvisionnement a une incidence sur le rendement en matière de durabilité, ce qui réduit le potentiel de croissance future d’une entreprise. Si les entreprises de commerce de détail veulent continuer à exercer leurs activités avec succès, elles devront faire preuve de plus de transparence et rendre compte des activités de leurs chaînes d’approvisionnement, surtout si elles espèrent continuer à compter sur le soutien des clients, des investisseurs et des organismes de réglementation.

Quelle incidence les chaînes d’approvisionnement du secteur de la vente au détail ont-elles sur les enjeux ESG?

En moyenne, l’effet néfaste sur l’environnement des chaînes d’approvisionnement du commerce de détail est plus important que celui des activités de l’entreprise. Selon McKinsey & Company, les chaînes d’approvisionnement sont responsables de plus de 80 % des émissions de gaz à effet de serre et de plus de 90 % de la détérioration de la qualité de l’air, des terres, de l’eau et des ressources géologiques.

Nombreuses sont les sociétés qui ne font pas la preuve de diligence raisonnable adéquate quant aux enjeux sociaux, notamment les droits de l’homme, à l’égard de leurs chaînes d’approvisionnement, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Aujourd’hui, on estime que 24,9 millions de personnes dans le monde sont victimes du travail forcé, lequel génère des profits illégaux de 150 milliards de dollars dans le secteur privé, selon KnowTheChain, une ressource en ligne dénonçant le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Dans les seules industries de la chaussure et du vêtement, 54 % des sociétés ont fait l’objet d’accusations selon lesquelles leurs chaînes d’approvisionnement font intervenir des victimes du travail forcé.

La pandémie n’a fait qu’exacerber ces problèmes, mettant en lumière les faiblesses des chaînes d’approvisionnement exposées par la pénurie de main-d’œuvre, les problèmes logistiques et les retards d’approvisionnement. Ultimement, les défis posés par la pandémie de COVID-19 ont mis en évidence le fait qu’une société est aussi forte que son fournisseur le plus vulnérable. Pour atténuer les répercussions environnementales et sociales des chaînes d’approvisionnement, les sociétés, en particulier dans le secteur du commerce de détail, doivent leur prêter plus d’attention.

Pourquoi les investisseurs devraient-ils se préoccuper des enjeux liés aux chaînes d’approvisionnement?

Au niveau le plus fondamental, les investisseurs devraient se préoccuper des problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement, car une mauvaise gestion peut donner lieu à des violations des droits de l’homme et des normes environnementales. D’une part, il y a les perspectives financières : l’incapacité à gérer efficacement les aspects environnementaux et sociaux des chaînes d’approvisionnement peut entraîner des contrôles réglementaires accrus, ainsi que d’importantes pertes financières et un risque d’atteinte à la réputation. Essentiellement, une fois que les entreprises perdent la confiance de leurs clients, elles perdent leur valeur de marque. Autrement dit, une mauvaise gestion de la chaîne d’approvisionnement constitue un risque financier pour les investisseurs.

D’autre part, les entreprises qui mettent en place des mesures rigoureuses concernant leurs chaînes d’approvisionnement pour réduire les incidents de pollution, leur empreinte environnementale et accroître leur efficacité générale constateront un accroissement de leur rendement global sur le plan environnemental. Ces sociétés feront preuve d’une plus grande résilience financière vis-à-vis des investisseurs et seront plus susceptibles de croître à court, moyen et à long terme. 

L’exemple de certaines sociétés

L’une des meilleures façons d’apprendre consiste à observer ceux qui sont en tête de liste. On y retrouve  l’initiative « 1.5 °C Supply Chain Leaders », une coalition composée de grandes sociétés telles que Ikea, Microsoft et Unilever. La coalition encourage les petites et moyennes entreprises (PME) à réduire leurs émissions, ce qui aidera les grandes entreprises à atteindre leur objectif d’élimination complète des émissions. Sur son portail « SME climate HUB », la coalition fournit des ressources et des outils gratuits pour aider les fournisseurs à adopter des pratiques commerciales plus durables.

Les efforts plus récents d’Ikea, l’un des partenaires fondateurs de l’initiative, pour contrer la culture du jetable à l’aide du « re-commerce » ou « commerce de rachat », en font un chef de file à part entière. En août 2021, la société a commencé à tester un programme de rachat et de revente de meubles aux États-Unis, dans l’espoir de mettre en place ce service de façon permanente dans tous ses magasins au pays. Alors que l’économie circulaire prend racine à l’échelle mondiale, les détaillants doivent tenir compte de la durabilité dans l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.

Chez Desjardins Gestion internationale d’actifs, nous avons notre propre rôle à jouer en tant qu’investisseur. Nous devons comprendre et évaluer les principaux risques environnementaux et sociaux associés aux chaînes d’approvisionnement et inviter les entreprises à participer à la conversation sur la façon dont elles peuvent améliorer la diligence raisonnable dont elles font preuve à l’égard de leurs chaînes d’approvisionnement.

Quelles sont les conséquences sur l’avenir?

Les consommateurs accordent de plus en plus de valeur à la traçabilité, la transparence et la durabilité de la part des marques auprès desquelles ils dépensent leur argent durement gagné. De son côté, le secteur de l’investissement utilisera le dialogue, les propositions d’actionnaires et la collaboration pour exiger un engagement plus important concernant les chaînes d’approvisionnement. Le secteur du commerce de détail ne sera plus en mesure de minimiser ou d’éviter l’examen de ses pratiques concernant ses chaînes d’approvisionnement. Pour les entreprises qui contrôlent déjà de près leurs chaînes d’approvisionnement, ce sera une occasion de briller. À l’inverse, les entreprises qui ont du retard en la matière auront plus de difficultés à faire abstraction de leur rendement environnemental et social.

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Auteur

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Solène Hanquier

Directrice principale et cheffe de l'investissement responsable
National Bank Investments

Solène Hanquier agit comme leader dans l’élaboration et l’exécution du plan d’investissement responsable de Banque Nationale Investissements (BNI) et de la division Gestion de patrimoine de la Banque Nationale. Solène travaille dans le domaine de l’investissement responsable et du développement durable depuis plus d’une décennie. Avant son arrivée chez BNI, elle a développé ses compétences au sein des équipes d’investissement responsable et de responsabilité sociale d’entreprise du Mouvement Desjardins et de Bell Canada. Solène détient un baccalauréat en administration des affaires et une maîtrise en gestion environnementale, en plus d’avoir obtenu son accréditation FSA du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) et sa certification CFA ESG