L’expression « transition équitable » a été pour la première fois formulée par des syndicats cherchant à intégrer dialogue et droits sociaux au milieu de travail tout en réfutant l’idée qu’un emploi convenable et que la protection de l’environnement soient contradictoires (opposition entre l’emploi et l’environnement). Sur le plan international, ce concept a été officialisé à l’occasion de l’Accord de Paris de 2015 pour ensuite poursuivre sur sa lancée à l’occasion de la 26e Conférence des Parties sur le changement climatique (COP26) en 2022.
L’espoir que suscite l’approche de la transition équitable repose sur la prémisse que la transition à une économie sobre en carbone aura plus d’effets positifs que ses prédécesseures.
Les risques liés à une transition inéquitable
L’arrivée d’une économie sobre en carbone sera nécessairement l’aboutissement de transformations économiques, industrielles et technologiques, autant de transformations inédites jusqu’ici. Ces transformations à grande échelle nécessiteront un vaste changement touchant l’ensemble du système. Malheureusement, son fardeau reposera de manière disproportionnée sur les épaules des peuples autochtones et des collectivités qui y seront directement confrontées.
À l’échelle internationale, les gouvernements comptent beaucoup sur des industries clés qui assureront cette transition, ce qui pourrait finir par exacerber les effets négatifs sur la société. De plus, l’abandon d’industries à fortes émissions de carbone pourrait entraîner la déstabilisation de l’économie et de l’emploi, ce qui soulève l’inquiétude des travailleuses et travailleurs et des collectivités sur le plan du transfert d’emploi et de la vie communautaire. Dans cet esprit, il est manifeste que les secteurs privé et public devront collaborer pour favoriser la transition vers des emplois et une économie « durables ».
La transition équitable à l’échelle mondiale
De toute évidence, la transition équitable ne sera pas uniforme et dépendra de plusieurs facteurs, dont la taille de l’organisme ou de l’entreprise, les données démographiques, la stratégie ou la conduite des affaires et, enfin, l’endroit où elle a lieu. Le processus de transition équitable nous amènera à surmonter plusieurs défis, dont la sécurité de l’emploi, la hausse des coûts énergétiques et la montée des problèmes de sécurité, le financement du processus, les effets sur les collectivités autochtones et l’égalité d’accès aux énergies propres.
De quelle manière les gouvernements et organismes de réglementation nord-américains appuient-ils la transition équitable?
Canada
Au Canada, la création de règlements appuyant la transition équitable se fait selon une approche descendante : du fédéral jusqu’aux provinces. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a instauré plusieurs mesures réglementaires à l’appui de la transition équitable, notamment le processus de mobilisation pour une transition équitable (2021), qui renforce sa promesse d’une transition vers une économie propre et inclusive. Comme le Canada s’est engagé à atteindre un niveau net d’émissions de gaz à effet de serre (GES) nul d’ici 2050, l’une des pièces maîtresses du jeu consistera à délaisser graduellement les projets d’énergie fossile d’une manière qui tient compte des effets possibles sur l’économie. En outre, le ministre Jonathan Wilkinson va de l’avant avec les étapes préliminaires d’une loi sur la transition équitable, l’un des principaux mandats qu’il cherchera à réaliser en 2023.
États-Unis
À l’inverse, les États-Unis suivent une approche plus fragmentée, dans la mesure où bon nombre des politiques et programmes sont proposés par les États et les régions.
Divers États situés dans les plus importantes régions de production et de consommation de charbon ont présenté des lois – toutes au cours des cinq dernières années – liées à la transition équitable, dans le but de venir en aide aux travailleuses et travailleurs et de revitaliser les économies locales. Au Colorado, par exemple, l’Assemblée générale de l’État a adopté en Chambre, en 2019, un projet de loi bipartisan qui définit la transition équitable comme un impératif moral et met en place un plan visant à orienter les travailleuses et travailleurs vers des emplois verts et à investir dans les communautés charbonnières. Un petit nombre d’autres États ont emboîté le pas, promulguant des lois semblables et mettant en branle des plans étatiques visant la transition équitable.
Par contre, le gouvernement fédéral américain accuse un retard dans ses mesures entourant la transition équitable. En 2021, les représentantes et représentants démocrates au Congrès ont présenté le projet de loi Just Transition for Energy Communities Act, qui n’a donné lieu à aucun vote. Le projet de loi visait à mettre sur pied un programme fédéral proposant le versement de paiements aux États et tribus pour appuyer les initiatives de transition et de développement économique. Depuis lors, aucun autre projet de loi fédéral entourant la transition équitable n’a été présenté.
Comment les entreprises et les investisseuses et investisseurs peuvent soutenir la transition équitable?
Si les politiques publiques de transition prennent leur envol sur le plan national, on s’attend de plus en plus à ce que les entreprises tiennent compte activement des conséquences de leur plan de transition climatique sur leurs effectifs et les collectivités. Les entreprises qui ne le font pas risquent « non seulement de perdre des actifs, mais aussi d’abandonner leurs travailleuses et travailleurs, leurs collectivités et leur permis social d’exploitation. » Ce risque touche autant les entreprises individuelles que les portefeuilles de placement.
Ainsi, à mesure que la transition vers la carboneutralité mondiale se poursuit, les investisseuses et investisseurs s’attendent de plus en plus des entreprises qu’elles dévoilent les conséquences de leur plan de transition et agissent en conséquence (p. ex. en assurant l’actualisation des compétences et le recyclage professionnel de leurs effectifs) tout en instaurant des politiques et mécanismes de gouvernance pour renforcer ce processus. Bien que le classement des entreprises selon leurs progrès vers la transition équitable en soit encore à ses débuts, les organismes Engagement climatique Canada et Climate Action 100+ ont tous deux mis à jour leurs indices de référence net zéro en y intégrant de nouveaux critères détaillés à cet égard.
Soutenir une transition équitable est un impératif tant commercial que moral. L’écologisation de l’économie doit se faire de manière équitable et inclusive afin que nul ne soit laissé en plan. Davantage de politiques publiques doivent être mises en place pour aider les collectivités et les grandes sociétés à s’attaquer aux conséquences de la transition et aider les entreprises à établir des priorités à moyen et à long terme en matière de transition.