Lorsque l’on imagine un monde alimenté par des énergies renouvelables, on pense souvent à un paysage de collines vallonnées surmontées d’éoliennes tournoyantes, et non à une mine à ciel ouvert de plusieurs centaines de mètres de profondeur et d’un kilomètre de diamètre. Pourtant, la dure réalité est que la première image n’est pas possible sans la seconde. Les experts préviennent que si nous nous engageons à fond dans la transition vers les énergies renouvelables sans tenir compte de l’impact de l’extraction des matériaux nécessaires, nous risquons de faire plus de mal que de bien.
Cet immense changement apporte des possibilités considérables. La demande des constructeurs automobiles, des entreprises technologiques et des fournisseurs d’énergie a le potentiel de générer des bénéfices à long terme pour les investisseurs et de transformer l’exploitation minière en une industrie plus responsable et durable.
Au cours de cette conversation entre Aimee Boulanger, directrice exécutive de l’organisation à but non lucratif Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA), et Jamie Bonham, directeur de l’engagement des sociétés chez Placements NEI et membre du conseil d’administration d’IRMA, nous discutons de la manière dont la norme IRMA peut servir de levier pour favoriser le changement dans le secteur et du rôle que doivent jouer les investisseurs pour encourager les sociétés à y participer.
JB : La transition énergétique suscite un regain d’intérêt pour le secteur minier, que les investisseurs aient une exposition directe aux mineurs ou que celle-ci soit indirecte par le biais des entreprises qui mènent la transition. Quels sont les principaux domaines à améliorer dans le secteur?
AB : Bien que l’attention mondiale portée à l’exploitation minière et à l’approvisionnement en matériaux soit sans précédent, les défis auxquels le secteur minier est confronté sont restés essentiellement les mêmes. De plus, bien que l’accent soit mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les chaînes d’approvisionnement — qu’il est important de poursuivre dans le secteur minier — les émissions de carbone ne sont pas le plus grand risque auquel fait face l’exploitation minière. De graves préoccupations concernant la qualité et la quantité de l’eau, le déplacement des communautés, les violations des droits de l’homme, la perte de la biodiversité, les pratiques de travail déloyales, la perte du patrimoine culturel et le manque de transparence au nom de la sécurité des minéraux, entre autres, ont été mises en évidence.
JB : J’ai l’impression que les investisseurs ESG savaient que ces problèmes étaient répandus depuis longtemps. Quelles sont les raisons qui expliquent que ceux-ci se produisent encore?
AB : Une gamme d’événements — des ruptures de barrages de résidus aux protestations communautaires en passant par les décès de travailleurs miniers — ont périodiquement servi de signaux d’alarme, mais franchement, après des efforts d’atténuation de courte durée et largement inefficaces, les gens finissent souvent par oublier.
Nous pouvons faire mieux. Si nous évaluons les pratiques minières existantes par rapport à une définition solide des meilleures pratiques, nous pouvons comprendre les écarts entre les deux. Nous devons examiner un site minier de manière globale — engagement des parties prenantes, gouvernance, préparation aux situations d’urgence, plans de protection de la santé des communautés, gestion des impacts environnementaux, etc. — afin d’évaluer pleinement les possibilités et les risques.
La transition vers les énergies renouvelables va probablement concentrer l’attention des marchés mondiaux sur l’approvisionnement en minéraux pour les décennies à venir. Leur attention soutenue créera la demande permanente de pratiques plus responsables nécessaires pour empêcher les gouvernements et le secteur minier de s’assoupir à nouveau. Elle crée également des possibilités de profit pour les investisseurs.
JB : Comment IRMA s’intègre-t-elle dans ce tableau et quels sont certains de ses avantages?
AB : IRMA établit des exigences rigoureuses sur tous les aspects ESG pertinents pour l’industrie minière. Les sites miniers commencent par une auto-évaluation et apportent très souvent des changements après avoir comparé leurs pratiques aux nôtres.
Lorsqu’un site minier est prêt, ils engagent des vérificateurs formés et approuvés par IRMA pour l’évaluer de manière indépendante et publier un rapport de vérification détaillant leurs performances dans tous les domaines. Ce rapport transparent et public est essentiel pour favoriser l’amélioration, car le site minier est alors responsable devant les communautés, les clients et les autres parties prenantes pour ajuster les pratiques et s’améliorer au fil du temps.
Il existe plusieurs systèmes de certification pour les matériaux extraits. En tant qu’investisseur, considérez-vous qu’IRMA se démarque?
JB : Essentiellement, une mine auditée par l’IRMA va répondre à toutes les questions relatives à l’ESG que je pourrais me poser. Suivre les cadres existants de l’industrie minière responsable est en grande partie une décision sans regret, mais elle n’apportera pas la certitude que les investisseurs recherchent. La rigueur et la crédibilité de la norme IRMA apportent un niveau de détail sans précédent ; l’audit est transparent et fournit des données très granulaires sur les performances ESG.
Trois facteurs de différenciation clés sont :
- L’égalité des pouvoirs de gouvernance. La consultation de plusieurs parties prenantes est une facette de nombreuses certifications, mais la caractéristique principale de la gouvernance de l’IRMA est que ces parties prenantes ont une gouvernance égale sur la norme, et pas seulement sur l’industrie.
- La rigueur. La structure de gouvernance conduit à une norme qui est véritablement de classe mondiale, qu’il s’agisse d’examiner les impacts sur l’eau, de respecter les droits de l’homme ou de rechercher le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones.
- La certification par une tierce partie. Tout est dans le nom! L’assurance par des tiers accrédités apporte une crédibilité inégalée et, par conséquent, une assurance.
AB : Pouvez-vous nous donner un exemple de cas où ces différences sont apparentes pour les investisseurs?
JB : La transparence du processus d’audit, ainsi que l’attention particulière et l’inclusion des voix des travailleurs et des communautés concernées, apporte de la valeur aux investisseurs. Mais du point de vue de l’impact, le fait de procéder à l’audit d’une mine peut en soi entraîner un véritable changement sur le terrain, comme ce fut le cas pour la mine de plomb et de zinc de Carrizal au Mexique. Cette mine est exploitée par une entreprise relativement petite et a fourni des dizaines d’emplois, mais aussi les conséquences de l’extraction.
L’entreprise a utilisé un audit IRMA pour comprendre où les meilleures pratiques mondiales dépassaient les réglementations nationales. Par exemple, les exigences de l’IRMA en matière de représentation des travailleurs sont plus complètes et plus solides que celles de la législation mexicaine. Ces pratiques n’avaient pas été identifiées auparavant comme des priorités pour Carrizal, car elles ne constituaient pas des exigences légales. Pour les petites entreprises, où le flux de trésorerie peut empêcher de progresser simultanément sur toutes les questions, les résultats de l’audit aideront les dirigeants à établir des priorités, que ce soit sur les exigences jugées les plus critiques dans la norme IRMA ou en consultant les travailleurs et les parties prenantes de la communauté pour traiter en premier lieu les questions qu’ils considèrent comme les plus urgentes.
AB : Comment les investisseurs peuvent-ils stimuler l’adoption et la croissance d’IRMA?
JB : Commencez par en apprendre davantage sur IRMA. Consultez le site Web, obtenez le bulletin d’information, parlez à un membre du conseil d’administration (comme moi) ou contactez directement l’équipe. Comparez-la avec d’autres certifications et voyez si cela vous parle. Si c’est le cas, engagez-vous auprès des sociétés minières de votre portefeuille pour les encourager à s’évaluer par rapport à la norme. Discutez avec les utilisateurs finaux de minéraux pour leur demander comment ils s’assurent que les matériaux de leur chaîne d’approvisionnement sont extraits de manière responsable. Poussez-les à définir des attentes en matière de certification IRMA dans leur chaîne d’approvisionnement.
Enfin, les investisseurs doivent faire entendre l’importance de l’exploitation minière responsable aux gouvernements, aux sociétés minières et aux industries qui génèrent la demande de minéraux. Si les investisseurs parviennent à rendre cette attente claire et à la maintenir, la valeur d’une norme comme IRMA sera évidente.
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