Un accent sur le « S » de « ESG » : établissement de normes pour éviter le blanchiment d’impact des investissements dans le logement abordable

11 novembre 2021 | Garth Davis, Wren Laing

Avec la maturation du marché de l’investissement d’impact, nous avons constaté des changements encourageants, comme le fait que les propriétaires d’actifs et les gestionnaires de fonds accordent désormais plus d’attention à l’aspect « social » ou « S » de l’ESG, alors qu’au départ, l’accent était mis sur la durabilité environnementale (le « E »).

Un problème social qui recoupe à la fois les catégories sociales et environnementales et qui a pris de plus en plus d’importance au Canada est la pénurie structurelle de logements abordables. Le besoin de logements plus abordables a été bien documenté au Canada : les logements coûtent 34 % de plus que le revenu médian des ménages et les plus grandes villes du Canada figurent en tête de liste des villes les moins abordables d’Amérique du Nord. En revanche, les solutions tangibles, et plus particulièrement le rôle impératif du capital privé, pour résoudre la crise du logement ont été moins clairement formulées.

Un marché en pleine croissance

Il s’agit d’un problème mondial, pas seulement canadien, et ce que nous pouvons apprendre en regardant à l’étranger, c’est que l’investissement d’impact est un élément essentiel de la solution. Il y a un besoin important de capitaux privés pour aider à répondre à cette pénurie d’approvisionnement par le biais de modèles de dette et de capitaux propres.

Le nombre d’investisseurs intéressés augmente, et les capitaux commencent à affluer à un rythme soutenu dans d’autres parties du monde. Par exemple, l’investissement dans des fonds de logement abordable a été le plus grand contributeur à la croissance du marché de l’investissement d’impact social au Royaume-Uni, représentant 42% du marché qui est estimé à 5,1 milliards de livres (6,7 milliards de dollars). De nombreux fonds émergents offrent un financement de type equity pour acquérir ou développer des propriétés par le biais de structures de location. Il s’agit d’une partie de la solution au problème de l’accessibilité au logement au Royaume-Uni, où il y a une pénurie de 60 000 logements par an et où, comme au Canada, les prix des logements ont augmenté ces dernières années.

Le financement des agences gouvernementales britanniques, en tant que co-investisseurs dans les fonds plutôt que dans leur rôle traditionnel de subventionneur, a été un signe important de support alors que le marché britannique arrive à maturité. Le paysage des gestionnaires de fonds évolue également ; les gestionnaires de fonds, autrefois spécialistes de l’impact, comprennent désormais plusieurs des plus grands gestionnaires d’actifs mondiaux, qui créent des fonds pour fournir des logements abordables et spécialisés, ainsi que des logements pour lutter contre l’exclusion liée au logement, et qui aspirent souvent à lever des centaines de millions de dollars.

Le flux d’investissements institutionnels dans ce secteur s’explique par le fait que les fonds pour le logement abordable présentent de solides arguments financiers : diversification du portefeuille, revenus à long terme liés à des indices, combinés à une demande importante de capitaux privés.

Que constatons-nous au Canada ?

La SCHL a pour « objectif ambitieux » d’éliminer les besoins en logement d’ici 2030. Bien que les efforts se soient multipliés à ce propos, par exemple le Fonds d’innovation en matière de logement abordable de la SCHL et les fonds de logement abordable de New Market Funds, nous commençons seulement à voir apparaître au Canada l’appétit des investisseurs qui s’est manifesté au Royaume-Uni, malgré une ampleur comparable de problèmes et d’opportunités.

L’investissement d’impact dans le logement abordable au Canada n’est évidemment pas nouveau, mais il y a encore peu de fonds qui s’engagent à fournir des logements abordables à perpétuité en fonction des besoins de la communauté, en travaillant en partenariat avec les parties prenantes locales. Cette approche de partenariat communautaire est essentielle pour investir dans des logements qui fonctionnent à long terme.

Obstacles à l’augmentation de l’investissement d’impact dans le logement abordable au Canada

Au Canada, la plupart des « logements abordables » sont fournis par le biais de mandats confiés à des développeurs privés dans le cadre d’ensembles plus vastes, destinés à des prix de marché. Les types de logements fournis dans le cadre de ces projets se limitent souvent à des unités plus petites, d’une chambre à coucher ou d’un studio, qui ne conviennent pas aux nombreuses familles qui ont besoin de logements abordables.

En outre, la durée du bail limitée à 10-20 ans est inadéquate, car une fois cette période initiale écoulée, le logement revient souvent au prix du marché, ce qui entraîne des problèmes de sécurité d’occupation et une perte d’impact au fil du temps. Pour avoir un impact durable, l’abordabilité devrait idéalement être perpétuelle, intégrée dès le départ dans les contrats de location et de partenariat.

Il faut également préciser ce que nous entendons par « abordable ». Alors que la définition standard lie les loyers abordables aux loyers du marché, la croissance des loyers du marché étant systématiquement supérieure à celle des revenus, l’accessibilité diminue avec le temps. Une mesure plus appropriée de cette accessibilité serait fondée sur le revenu, en fixant les loyers abordables à une proportion maximale des revenus nets médians des ménages, ajustés en fonction de la géographie et du nombre de chambres à coucher.

Enfin, il existe des problèmes secondaires tels que l’activité d’investissement dans le logement qui gonfle les évaluations des biens immobiliers, ce qui a pour effet d’exclure involontairement les bénéficiaires servis par des investisseurs tels que les régimes de retraite publics. Ces impacts négatifs doivent être mieux appréhendés et communiqués lors de la croissance du secteur.

Plusieurs des défis susmentionnés ne sont pas uniques au Canada. Nous pouvons à nouveau nous tourner vers les marchés d’investissement social qui ont déjà une longueur d’avance pour éviter les pièges et veiller à ce que la qualité et la pertinence des logements fournis, ainsi que l’intégrité de l’impact, soient au cœur de la croissance du marché canadien.

Normalisation des approches de gestion de l’impact

La croissance rapide du marché au Royaume-Uni s’est accompagnée de questions et d’incohérences sur la manière dont l’impact est mesuré, suivi et rapporté. Alors que de nombreux gestionnaires de fonds et fournisseurs de logements ont développé des partenariats positifs, il n’y a pas toujours de transparence sur les caractéristiques de risque et de rendement des investissements ou d’honnêteté sur l’additionnalité de l’impact – c’est-à-dire l’impact réel qui est réalisé – de n’importe quel investissement donné.

Une initiative récemment lancée au Royaume-Uni pour aider à résoudre ces problèmes a consisté à réunir les principaux gestionnaires de fonds pour développer une approche commune de rapport d’impact pour l’investissement en actions dans le logement abordable.  L’objectif de ce projet est de définir des normes communes en matière de rapports, d’atténuer les risques négatifs et d’encourager les flux d’investissement qui ont une incidence positive sur l’offre et la qualité des logements abordables à long terme.

Avec l’évolution du marché canadien, des règles de base similaires devront être établies pour fixer des normes et veiller à ce que les incitations sont alignées. Cela aidera les investisseurs à mieux naviguer le marché de l’investissement social et à distinguer les bonnes opportunités des mauvaises, encourageant ainsi un maximum de capitaux à être investis dans la construction de logements véritablement abordables dont le Canada a tant besoin.

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Auteur

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Garth Davis

Associé directeur
New Market Funds

Garth est associé directeur chez New Market Funds (NMF), un gestionnaire de multi-fonds d'investissement d'impact au Canada.  Depuis 2013, NMF est un leader dans la croissance du marché canadien de l'investissement d'impact.  Garth est membre du comité de gestion de NMF et est responsable de la plateforme de NMF, notamment de ses fonds pour le logement abordable.

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Wren Laing

Directrice des investissements
Big Society Capital

Wren est directrice des investissements chez Big Society Capital (BSC), le principal investisseur à impact social du Royaume-Uni. Depuis 2012, BSC a été la force motrice de la croissance du marché britannique des investissements à impact social qui a désormais dépassé 5 milliards de livres sterling.Wren aide à diriger la stratégie d'investissement d'impact de BSC dans l'immobilier et se concentre sur les approches visant à étendre l'investissement à impact social et à faire progresser les approches sectorielles de l'évaluation et du suivi de l'impact social.