Il est généralement admis que les changements climatiques, s’ils demeurent sur leur trajectoire actuelle, seraient un désastre économique pour toute la société. Pour parvenir à un consensus sur les mesures à adopter pour lutter contre les changements climatiques, il est essentiel d’adopter une approche équitable pour leur mise en œuvre : une transition juste qui tient compte du risque que les coûts de la lutte contre les changements climatiques pèsent de façon disproportionnée sur ceux qui ne peuvent pas les assumer.
Les pays et les entreprises sont de plus en plus enclins à mettre en œuvre des initiatives conçues pour réduire leur propension à polluer au moyen de la tarification du carbone. En 2021 seulement, 65 projets de tarification du carbone ont été retenus par 45 territoires nationaux et 34 territoires infranationaux, visant 11,65 milliards de tonnes d’équivalent CO2, ou 21,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Ces coûts pourraient provoquer une récidive de l’inflation à court terme, car les entreprises paient essentiellement pour polluer ou, autrement, investissent dans les nouvelles technologies nécessaires pour éviter d’émettre des GES.
Approches de tarification du carbone
Comme le Fonds monétaire international a fortement réduit ses prévisions de croissance pour 2022, en avertissant que l’inflation supérieure aux attentes et le variant Omicron plombent les perspectives de l’économie mondiale, certains politiciens ont commencé à s’attaquer à ces écotaxes au moment où l’inflation commence à se faire sentir dans les pays développés et en développement.
Le message est essentiel pour des mesures de transition justes
Les taxes sur l’énergie touchent de façon disproportionnée les personnes moins fortunées. Or, pour atteindre la carboneutralité, il est crucial que des écotaxes continuent d’inciter les gens à passer à des sources d’énergie à faibles émissions. À long terme, la résolution des changements climatiques peut être avantageuse pour toute la société, plus particulièrement les personnes, les collectivités et les pays les plus pauvres. Toutefois, il est essentiel que le réinvestissement des écotaxes soit clairement suivi pour en montrer la valeur pour la société et les avantages directs à court terme.
Les manifestations des gilets jaunes en France en 2018, déclenchées par la hausse des taxes sur l’essence et le diesel, montrent que les solutions aux changements climatiques qui ne tiennent pas compte des inégalités économiques sont perçues comme injustes et politiquement irréalisables. Les partisans d’une prise de mesures concrètes contre les changements climatiques dans le contexte politique actuel doivent prédire comment les opposants dépeindront leurs propositions et s’assurer qu’elles seront perçues comme justes.
Les écotaxes, la réglementation et les tarifs sont des éléments importants de la transition vers les énergies propres : ils contribuent à corriger les déséquilibres du marché qui peuvent favoriser les combustibles fossiles non durables. Mais on ne peut pas ignorer que le concept de taxation en soi est impopulaire. Il sera ainsi essentiel de clarifier exactement ce que les écotaxes serviront à payer pour permettre une discussion sur ce qu’elles visent à accomplir. Comme partisans d’une prise de mesures concrètes contre les changements climatiques, nous avons la responsabilité de veiller à ce que ce message soit bien transmis. Aussi, pour que ces programmes soient populaires, nous devons livrer un message complet sur les avantages tangibles découlant des revenus générés.
Dans un contexte politiquement tendu où la situation est surveillée de près, il est important de faire la distinction entre ces taxes à court terme, soit des mesures incitatives pour lutter contre les changements climatiques, et les affirmations injustifiées à l’égard de l’incidence sur les consommateurs d’autres activités de transition. Par exemple, un récent rapport du Forum économique mondial faisait état d’une incidence relativement faible sur les coûts dans de nombreux secteurs, de l’ordre de 1 % à 4 %. Toutefois, comme des chiffres élevés sont souvent cités et que les taxes sur le carbone sont faciles à cibler, il est essentiel que les partisans des mesures connaissent bien les coûts et les avantages.
Le soutien politique augmente
Quarante-six pays se sont engagés à mettre en place une planification nationale pour favoriser une transition juste, et 161 investisseurs (10,2 billions de dollars américains d’actifs) ont publiquement affirmé leur appui aux recommandations d’actions que peuvent mener les investisseurs des Principes pour l’investissement responsable (PRI). En juin 2021, les États membres de l’UE ont approuvé la création d’un Fonds pour une transition juste d’une valeur de 17,5 milliards d’euros visant à soutenir les régions et les secteurs les plus touchés par la transition à une économie verte, à condition que les États membres soumettent des plans pour une transition territoriale juste.
Ces dernières années, on a constaté une hausse importante des émissions d’obligations axées sur les facteurs ESG, y compris les obligations d’État liées à des initiatives climatiques. S’inspirant des obligations vertes, les obligations souveraines sociales financent des projets produisant des résultats sociaux positifs. Ces projets peuvent ainsi viser la formation, l’éducation et la création d’emplois liés aux changements climatiques. L’intérêt des investisseurs pour ces obligations est monté en flèche pendant la pandémie de COVID-19, le marché se tournant vers des sources de capital qui bénéficient à la société tout en finançant la reprise.
Émissions mondiales d’obligations axées sur le climat
Les investisseurs institutionnels et les actionnaires peuvent exercer leur influence sur les entreprises mondiales pour garantir la mise en place de mesures de transition juste, en concertation avec les travailleurs, les collectivités et les syndicats. Nous devons remplacer les emplois dans les secteurs polluants par de nouveaux emplois de grande qualité. Nous devons favoriser les investissements et les pratiques durables tout en pénalisant la pollution. Nous devons rehausser les normes. Certains de ces objectifs comportent des coûts à court terme, et nous devons nous assurer de définir qui assumera les coûts et qui en bénéficiera et, ce faisant, démontrer que nous visons une transition juste.
« Sauver notre planète, sortir les gens de la pauvreté, promouvoir la croissance économique… c’est un seul et unique combat. »
– Ban Ki-moon, huitième secrétaire général des Nations Unies