Les obligations vertes se développent, que doivent savoir les investisseurs?

26 mai 2022 | François Desjardins, Monika Freyman

La vente inaugurale de 5 milliards de dollars d’obligations vertes organisée par le gouvernement du Canada en mars ne représentait qu’une infime partie de l’ensemble de ses émissions obligataires pour 2021-2022. L’étape est pourtant importante, car les émetteurs publics et privés du monde entier se tournent de plus en plus vers les obligations vertes pour atteindre leurs objectifs en matière d’émissions de carbone. Compte tenu de l’évolution rapide du paysage de cette nouvelle catégorie d’actifs, que doivent savoir les investisseurs?

Le marché mondial se développe déjà à un rythme rapide. Selon des données récentes colligées par le Climate Bonds Initiative, les émissions d’obligations vertes représentaient environ la moitié du marché global de la dette durable en 2021, atteignant 522,7 milliards de dollars américains, soit un bond de 75 % par rapport à 2020. Sur la base de ce taux de croissance, les attentes des investisseurs interrogés par la Climate Bonds Initiative en octobre 2021 pourraient très bien devenir réalité et mener à des émissions de 1 000 milliards de dollars américains rien qu’en 2022.

Lignes directrices en matière d’obligations vertes

Bien entendu, la croissance des obligations vertes n’aurait peut-être pas été la même sans  les lignes directrices en matière de certification élaborées avec l’aide d’experts techniques, comme celles du Climate Bonds Standard. Celles-ci sont censées être conformes à l’objectif de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius. Ces lignes directrices ont permis de fournir une base solide pour la crédibilité du marché en garantissant que les fonds vont à des projets climatiques crédibles et en encourageant la vérification par des tiers, ce qui suscite l’intérêt des investisseurs. Comme c’est le cas pour tout titre, les investisseurs doivent néanmoins faire preuve de diligence raisonnable avant d’acquérir des obligations vertes, car la crédibilité continue et la croissance finale de ce marché critique sont entre les mains des investisseurs.

Le Cadre des obligations vertes conçu par le gouvernement canadien est aligné sur les Principes applicables aux obligations vertes (GBP) de l’International Capital Markets Association (ICMA). Ceux-ci définissent les titres comme « tout type d’instruments obligataires dont le produit de l’émission, ou un montant équivalent, est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, des Projets Verts nouveaux et/ou existants qui respectent les quatre principes essentiels des GBP ». Ces quatre principes des GBP de l’ICMA sont :

  • L’utilisation des fonds
  • Le processus de sélection et d’évaluation des projets
  • La gestion des fonds
  • La reddition de comptes

Les dépenses vertes admissibles comprennent des projets tels que le transport propre, l’efficacité énergétique, la protection et la restauration de la biodiversité, des écosystèmes terrestres et marins, la gestion durable de l’eau et des eaux usées, l’adaptation au changement climatique et la prévention de la pollution.

Les difficultés croissantes du marché des obligations vertes

Confrontés à la même nécessité de faire face au changement climatique, les marchés émergents ont également été très actifs dans ce domaine. Alors que les obligations vertes continuent de se développer, la Chine, qui espère voir ses émissions de carbone atteindre un pic avant 2030, est susceptible de devenir l’un des principaux émetteurs mondiaux, certaines estimations prévoyant déjà des émissions totalisant plus de 100 milliards de dollars américains en 2022. Le marché chinois est toutefois encore en pleine évolution et les investisseurs doivent savoir que toutes les obligations vertes ne sont pas encore alignées sur les normes internationales. Pour l’ensemble de l’année 2020, par exemple, seule la moitié environ des obligations vertes chinoises émises étaient alignées sur les définitions vertes des Climate Bonds. « Si une obligation verte est effectivement un instrument de financement durable communément reconnu en Chine, le pays a longtemps manqué de définitions et de classifications cohérentes et unifiées des industries vertes », a fait remarquer Sustainalytics en février 2022.

L’un des changements récents sur le marché chinois a été l’édition en 2021 d’un « Catalogue de projets approuvés par les obligations vertes » par la Banque populaire de Chine (PBOC), la Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières et la Commission nationale du développement et de la réforme. Lorsque le catalogue a été rendu public, la PBOC a publié un communiqué soulignant ses principaux avantages et mentionnant l’adoption de « définitions plus scientifiques et précises sur les projets verts ». Heureusement, la PBOC s’efforce de renforcer les pratiques et de restreindre l’utilisation des fonds destinés au développement des combustibles fossiles et du charbon. Il a également évoqué un « cadre stable » pour le développement des obligations vertes nationales.

Croissance future des obligations vertes

C’est dans un contexte mondial de renforcement des pratiques que le gouvernement du Canada a émis sa première obligation verte, qui a été suivie par la publication de son plan de réduction des émissions pour 2030. Celui-ci a souligné l’importance des capitaux du secteur privé pour réaliser la transition vers la carboneutralité. « Les initiatives de finance durable peuvent contribuer à réunir les investissements privés nécessaires et à amplifier les signaux actuels de politiques sur les changements climatiques d’une manière favorable aux entreprises », a écrit le gouvernement.

Alors que les pays s’engagent à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, ce qui nécessite des capitaux et des pratiques robustes, les investisseurs au Canada et ailleurs porteront probablement une attention croissante à l’harmonisation de l’étiquetage, de l’utilisation des fonds et de leur divulgation. Nombreux sont ceux qui s’y intéressent déjà de près.

La demande à l’égard de l’obligation à 7,5 ans (avec un coupon de 2,25 %) émise par le gouvernement du Canada a été forte, dépassant 11 milliards de dollars, a annoncé le ministère des Finances dans un communiqué de presse le 3 mars. La plupart des acheteurs (72 %) étaient des « investisseurs écologiquement et socialement responsables » alors qu’en termes géographiques, les investisseurs internationaux représentaient 45 % de la base d’investisseurs, a-t-il ajouté.

D’autres participants sont déjà actifs dans le secteur des obligations vertes canadiennes. L’un d’eux est le gouvernement de l’Ontario, également membre du GBP, qui s’y est lancé en 2014-15. Il a émis 10,75 milliards de dollars au fil du temps. La Ville de Toronto, pour sa part, a émis quatre obligations vertes de 2018 à la fin de 2021, la dernière en date étant une débenture de 10 ans avec un coupon de 2,2 %. La Ville de Vancouver et le gouvernement du Québec ont également émis des obligations, de même que des sociétés. Tout compte fait, le montant total des émissions canadiennes atteint à ce jour 39 milliards de dollars.

Dans son Plan de réduction des émissions, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il visait à émettre 5 milliards de dollars d’obligations vertes annuellement. Le programme d’obligations « ajoutera des disponibilités de trésorerie et des actifs ESG cotés AAA afin de créer un marché plus mature, plus liquide et plus diversifié pour les investisseurs, et soutiendra l’essor du marché de la finance durable au Canada », écrit-il. À ce titre, la file d’attente observée en mars laisse peut-être présager une demande tout aussi forte pour les futures émissions.


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Auteur

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François Desjardins

Rédacteur
Addenda Capital

François Desjardins est responsable de la production de contenu de leadership éclairé et des communications écrites chez Addenda Capital, où il agit à titre d’expert interne en développement de contenu. Ancien journaliste d’affaires dans un grand quotidien, il a complété le Programme d’agrément professionnel en placements durables.

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Monika Freyman

Vice-présidente, Investissement durable
Sustainable Investing

Monika Freyman, CFA, dirige l’équipe responsable d’orchestrer par une approche authentique et holistique les efforts reliés aux quatre piliers de l’investissement durable chez Addenda, nommément l’intégration des facteurs ESG aux décisions d’investissement, l’intendance auprès des sociétés, la qualification des titres pour des placements d’impact et de transition climatique et la promotion de la durabilité au sein des marchés des capitaux.