Mettre la biodiversité à l’avant-plan dans les conversations : Contexte et étude de cas

19 août 2022 | Geneviève Grenon, Ph. D.

Comme l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation sont de plus en plus prises en compte dans l’industrie, la discussion sur la perte de la biodiversité gagne également en popularité. Ces deux questions sont liées, car la gestion de la transition vers une économie nette zéro ne peut se faire sans s’attaquer à la crise de la biodiversité. Cet article fournira un contexte, une brève étude de cas et des exemples de la façon dont les investisseurs pourraient aborder la biodiversité. 

L’importance de la biodiversité

La Natural Capital Coalition définit la biodiversité comme les stocks de ressources renouvelables et non renouvelables qui fournissent des produits et des services essentiels au bien-être humain. Avec près d’un million d’espèces actuellement menacées d’extinction dans le monde, le déclin de la biodiversité a de graves répercussions pour l’humanité, telles que la perturbation de chaînes d’approvisionnement entières. Cela a un impact direct sur les investissements, car plus de 50 % du PIB mondial dépend de la biodiversité.

En 2019, l’écart entre les besoins financiers mondiaux pour la biodiversité et le financement réel s’élevait à 824 milliards de dollars US. Pour prévenir la destruction de la biodiversité et inverser les effets négatifs, il faudra une collaboration internationale. Une telle collaboration comprend des initiatives sur la biodiversité, comme Finance for Biodiversity Pledge et le Taskforce for Nature-related Financial Disclosure (TNFD), dont les objectifs sont de comprendre la biodiversité, nos possibilités, les risques et les impacts, ainsi que les plans prévoyant des mesures d’atténuation possibles. Les initiatives et les conférences permettent d’accroître la conversation pour restaurer, conserver et utiliser la nature de façon durable, en établissant une voie « favorable pour la nature ».

Conférence des Nations Unies sur la biodiversité

Dans le cadre de la COP26, on a souligné la nécessité de stimuler l’action climatique et de restaurer les terres déboisées en relevant le Bonn Challenge (défi de Bonn). Dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15), qui a débuté en 2021 et se poursuit en 2022, on a établi un plan mondial potentiel pour « infléchir la courbe » de la biodiversité, en mettant fin à sa dégradation et à sa perte. La COP15 se tiendra à Montréal en décembre 2022, où des milliers de délégués du monde entier se réuniront pour convenir d’un nouvel ensemble d’objectifs pour la nature au cours de la prochaine décennie. La Convention sur la diversité biologique a conclu les pourparlers sur le cadre post-2020 et la loi sur la protection de la nature, tenus à Nairobi le 26 juin 2022. Cette réunion, en préparation de la COP15, a permis de créer un cadre écrit de quatre buts avec 23 cibles potentielles et des voies pour atteindre les objectifs. Tous les efforts visent à créer une vie en harmonie avec la nature, comme l’a dit Elizabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique. Le Canada sera à l’avant-garde de la COP15, défendant la collaboration internationale à l’égard d’un cadre ambitieux sur la biodiversité, qui cible 30 % des terres et des océans conservés d’ici 2030.

Approche de Desjardins Gestion internationale d’actifs (DGIA)  

En tant que l’un des plus importants gestionnaires d’actifs au Canada, DGIA a ajouté le thème de la biodiversité et de la protection du capital naturel à sa liste d’enjeux prioritaires en 2021. Notre équipe Investissement responsable continue de faire des recherches et d’analyser le thème pour bien comprendre son incidence financière et ses répercussions sur les entreprises que nous avons dans les portefeuilles de nos clients. Nous avons cerné trois domaines d’intérêt liés à la biodiversité : 1) Déforestation et réhabilitation des terres, 2) Quantité et qualité de l’eau, et 3) Agriculture régénérative. Les paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour ces sous-domaines sont intégrés dans notre grille d’évaluation interne dans le cadre du processus d’investissement et inclus dans nos dialogues avec les entreprises de produits de consommation, dans le cadre desquels nous leur demandons d’expliquer et de fournir des exemples de leurs diverses stratégies liées à la biodiversité. Le Forum économique mondial a déclaré que la biodiversité était l’une des trois principales menaces pour l’humanité avant 2030. Par conséquent, un appel à l’action s’impose pour concentrer notre attention. La nature est une ressource sous-évaluée que nous utilisons sans égard depuis trop longtemps, et des changements doivent être apportés pour réduire l’impact de la perte de la nature sur notre économie.

Étude de cas : Traçabilité des ingrédients avec une entreprise du secteur alimentaire

Au cours des deux dernières années, DGIA a travaillé activement avec un grand fabricant et distributeur canadien de produits laitiers et d’épicerie sur trois axes d’influence :

  1. le motiver à utiliser des ingrédients issus de sources durables;
  2. l’encourager à adopter un objectif visant à mettre fin à la déforestation dans sa chaîne d’approvisionnement; et
  3. l’exhorter à accroître son approvisionnement en protéines végétales.

DGIA n’était pas le seul investisseur à faire de telles demandes; la société avait reçu des propositions d’actionnaires similaires. 

L’entreprise ressentait une pression supplémentaire, car elle était en train d’être évaluée dans le cadre de l’intiative de Farm Animal Investment Risk and Return (FAIRR), un réseau de collaboration entre investisseurs qui se concentre sur les questions agricoles importantes, y compris la recherche et l’analyse ESG liées aux protéines animales et aux pratiques en matière de bien-être des animaux. FAIRR travaille en étroite collaboration avec des investisseurs pour effectuer des recherches, analyser des données provenant de plusieurs producteurs et fabricants de protéines animales et collaborer avec des entreprises alimentaires mondiales pour diversifier leurs sources de protéines afin de faire une transition systématique des portefeuilles de produits qui favorisent des régimes alimentaires plus sains et plus durables, tout en assurant la sécurité alimentaire à long terme. L’entreprise faisait également l’objet d’une évaluation par le Business Benchmark for Animal Welfare.

En 2021, les efforts collectifs de la communauté ESG ont porté leurs fruits : l’entreprise a annoncé des engagements liés à sa chaîne d’approvisionnement, notamment pour mettre fin à la déforestation, approvisionner durablement ses principaux ingrédients, et planifier l’obtention d’une certification de traçabilité d’un organisme reconnu pour certains de ses ingrédients clés. Ces mesures stimuleront la croissance et réduiront l’exposition aux risques tout en améliorant sa capacité à être concurrentielle et à innover dans un monde de plus en plus limité par les ressources.

En termes simples, le monde doit appuyer les efforts et agir pour protéger la nature. DGIA est une entité qui apporte sa voix et ses ressources pour soutenir diverses initiatives et agir pour la protection de la nature, mais elle n’est pas seule. De nombreuses institutions financières, sociétés et communautés scientifiques internationales font également entendre leur voix, incitant d’autres à accorder la priorité à la biodiversité et à un avenir favorable pour la nature. Nous espérons que nos efforts permettront à la biodiversité de faire partie de l’orientation ESG et du processus décisionnel.


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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Geneviève Grenon, Ph. D.

Conseillère, Investissement responsable, Marchés privés
Desjardins Global Asset Management

Membre de l’équipe Investissement responsable, Geneviève Grenon agit à titre de conseillère dans le cadre des travaux d’analyse et de recherche portant sur les entreprises des marchés privés et l’évaluation des risques en fonction de critères ESG. Dans l’exercice de ses fonctions, elle fait appel à ses connaissances approfondies des enjeux liés à l’environnement, notamment en ce qui concerne les changements climatiques, la gestion de l’eau, les gaz à effet de serre et la biodiversité. En poste à DGIA depuis 2021, Geneviève fait valoir un solide bagage de connaissances acquises au cours de ses études de maîtrise et de doctorat et comme assistante de recherche. Elle a ainsi participé à divers projets de recherche dans le domaine de l’environnement, plus particulièrement celui de la gestion de l’eau. Elle a également agi en tant que professeur adjoint et participé à différents événements internationaux à titre de conférencière, ce qui lui a permis de perfectionner ses aptitudes de communicatrice, un atout important au moment de faire connaître et comprendre les enjeux ESG. Geneviève est titulaire d’un baccalauréat spécialisé en science de l’environnement de l’Université McGill ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en génie des bioressources de cette même institution.