L’importance de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans la transition vers les énergies renouvelables

22 février 2022 | Rosa van den Beemt

Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette à l’échelle mondiale d’ici 2050, il faudra augmenter considérablement le déploiement des énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, d’ici 2030. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) indique que pour l’énergie solaire, cela équivaut à « installer le plus grand parc solaire actuel du monde pratiquement tous les jours ».

Actuellement, les principales sources d’énergie renouvelables dans le monde sont l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, l’énergie solaire et d’autres énergies renouvelables telles que la biomasse, les déchets et la géothermie, l’hydroélectricité étant la plus grande source renouvelable représentant plus de 60 % de la production mondiale d’énergie, contribuant à 7 % de l’énergie mondiale en 2019. L’AIE prévoit que les énergies renouvelables représenteront près de 95 % de l’augmentation de la capacité énergétique mondiale tout au long de 2026, l’énergie solaire en fournissant plus de la moitié.

Avec de telles prédictions et le fait que le monde tente de résoudre les risques liés au changement climatique, il n’est pas surprenant que les énergies propres se soient exceptionnellement bien comportées sur les marchés financiers, surpassant non seulement les entreprises de combustibles fossiles, mais aussi les indices des marchés boursiers publics. Le financement des entreprises pour les projets solaires, y compris le financement par capital-risque, les marchés publics et le financement par emprunt, s’est élevé à 13,5 milliards de dollars américains au premier semestre de 2021, contre 4,6 milliards de dollars au premier semestre de 2020.

Bien que cela soit encourageant, la croissance exponentielle prévue dans le domaine des énergies renouvelables s’accompagne d’une série différente de préoccupations ESG : les impacts négatifs sur les droits de l’homme, allant du travail forcé à l’accaparement des terres en passant par les violations des droits des autochtones qui se produisent à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement, dont la la phase d’extraction des minéraux, la fabrication, et le développement des projets.

Droits de l’homme dans l’industrie des énergies renouvelables

Entre 2010 et 2021, le Business and Human Rights Resource Centre (BHRRC) a reçu plus de 200 allégations de violations des droits de l’homme liées au secteur des énergies renouvelables. Il s’agit notamment de litiges relatifs aux droits fonciers au Chili et en Éthiopie, d’assassinats de militants qui protestaient contre une centrale hydroélectrique au Guatemala, de travailleurs migrants sous-payés dans des parcs éoliens offshore en Écosse et de violations du principe du consentement préalable, libre et éclairé (CPLÉ) avec les populations autochtones au Kenya et dans d’autres pays.

En novembre 2021, le BHRRC a publié la deuxième édition de son Renewable Energy Benchmark, qui classe les plus grandes entreprises d’énergie renouvelable du monde en fonction de leur mise en œuvre des approches fondamentales en matière de droits de l’homme telles que définies par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (UNGP). Le rapport tire la sonnette d’alarme, avec un score moyen de seulement 22 %. L’étude de référence a révélé que, malgré l’émergence de quelques entreprises de premier plan, les politiques d’entreprise relatives aux droits fonciers, aux droits des autochtones, à la propriété foncière, aux droits des communautés et au respect des défenseurs des droits de l’homme présentaient un déficit important. Parmi les mauvais résultats figurent des entreprises situées dans nos arrière-cours canadiennes et américaines.

L’industrie solaire, en particulier, suscite également des préoccupations importantes en matière de droits de l’homme et de travail forcé. Les panneaux solaires nécessitent du silicium polycristallin et près de 50 % de l’approvisionnement mondial en cette matière provient de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine (« Xinjiang »). Le gouvernement canadien, les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont déclaré que le traitement des Ouïghours et les autres peuples à majorité musulmane du Xinjiang par la Chine constituaient un génocide et des crimes contre l’humanité. Ils font partie des pays qui ont imposé des sanctions en réponse à ces violations.  Une étude menée par la Sheffield Hallam University, qui a retracé les principales chaînes d’approvisionnement en énergie solaire, depuis les matières premières jusqu’à la production des panneaux, a mis en évidence des problèmes importants de travail forcé liés à la région pour 90 entreprises chinoises et internationales.

L’importance de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme

Malheureusement, selon le dernier Corporate Human Rights Benchmark (CHRB), 79 entreprises de différents secteurs n’ont toujours pas obtenu de points pour l’indicateur de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.

La diligence raisonnable en matière de droits de l’homme est un élément essentiel pour permettre aux entreprises de s’acquitter de leur responsabilité sur cette question, conformément aux principes directeurs des Nations Unies. Elle amène les entreprises à identifier, à évaluer et à intervenir sur ses risques en matière de droits humains. Le rapport Renewable Energy Benchmark du BHRRC paru en 2021 a noté que certaines entreprises du secteur des énergies renouvelables semblent confondre la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme avec les audits. Cela n’est pas une erreur inhabituelle, cependant, si les audits sont des outils utiles pour évaluer la conformité à certaines politiques, ils ne sont pas conçus pour déterminer quels sont les préjudices en matière de droits de l’homme.

Il s’agit là d’un point essentiel pour les investisseurs qui engagent les entreprises sur les risques liés aux droits de l’homme et à la chaîne d’approvisionnement : il ne suffit pas de demander aux entreprises de réaliser des audits de fournisseurs et d’en rendre compte, par exemple, mais plutôt d’attendre d’elles qu’elles mettent en place un solide processus de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.

Ce que peuvent faire les investisseurs

Une diligence raisonnable robuste, plutôt qu’un audit, s’est traduite par une demande constante de la part des investisseurs des entreprises engagées dans le cadre de l’initiative collaborative des investisseurs sur le Xinjiang.1

L’Investor Alliance for Human Rights coordonne l’engagement collectif des investisseurs auprès des entreprises liées ou impliquées, par le biais de leurs chaînes de valeur, dans des violations des droits de l’homme au sein de tous les secteurs, et coordonne également un flux d’engagement avec les entreprises de panneaux solaires. L’Alliance a également publié un guide de l’investisseur sur la crise des droits de l’homme dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, qui fournit des conseils aux investisseurs sur la manière de s’engager auprès des sociétés de leur portefeuille et d’autres parties prenantes pour lutter contre les violations des droits de l’homme.

Chez BMO GAM, nous avons donné la priorité à l’engagement lié à la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans l’ensemble de nos actions mondiales en appuyant le Corporate Human Rights Benchmark (CHRB) et en intégrant ses conclusions dans les mises à jour de notre politique et de notre approche en matière de vote. En 2021, nous avons fait partie d’un groupe d’investisseurs qui ont envoyé des lettres à des entreprises ayant obtenu une note faible ou nulle sur l’indicateur de diligence raisonnable du CHRB en matière de droits de la personne pour les inciter à s’améliorer, et nous continuerons d’utiliser notre levier avec les sociétés dans lesquelles nous investissons pour encourager l’adoption de meilleures politiques, pratiques et divulgations.

Les investisseurs peuvent faire plus que de s’engager auprès des entreprises, notamment en plaidant pour des réglementations et des normes strictes en matière de droits de l’homme à l’échelle mondiale et sur les marchés clés. La finance durable, les normes sur les obligations vertes, les projets de compensation du carbone et les marchés du crédit carbone nécessitent une intégration plus robuste des normes relatives aux droits de l’homme. Et, comme le recommande le Guide de l’investisseur sur les droits de l’homme, les investisseurs eux-mêmes peuvent également s’engager à effectuer une diligence raisonnable sur les portefeuilles d’investissement afin de repérer les impacts négatifs sur les droits de l’homme.

Les investissements dans les énergies renouvelables vont sans aucun doute continuer à croître, et il est dans l’intérêt des investisseurs que cette croissance soit durable et bénéfique – plutôt que nuisible – pour les gens. Notre industrie devrait collectivement faire de la prévention et de l’atténuation des violations des droits de l’homme une priorité égale à celle de la prévention et de l’atténuation des effets néfastes du changement climatique.


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Auteur

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Rosa van den Beemt

Directrice générale, Responsabilité de gérance, Investissement responsable
BMO Global Asset Management

Rosa van den Beemt est responsable de l’approche de la gérance au sein de BMO Gestion mondiale d’actifs. Elle s’occupe de la mobilisation des sociétés émettrices, du vote par procuration, de la défense des politiques publiques sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) afin de créer des changements positifs au long terme pour ses clients. Elle représente BMO Gestion mondial d’actifs dans divers organismes et comités du secteur, tels que le Conseil consultatif de l’Alliance canadienne des investisseurs pour les droits de la personne, le Comité environnemental et social de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance, le Comité directeur d’Engagement climatique Canada et le conseil de direction de l’Association pour l’investissement responsable. Avant de se joindre à BMO Gestion mondiale d’actifs, Rosa travaillait chez Placements NEI où elle a dirigé le programme de vote par procuration ainsi que diverses initiatives de mobilisation d’entreprises. Après avoir travaillé dix ans dans le secteur de l’investissement responsable, elle possède une vaste expérience de la gouvernance d’entreprise en Amérique du Nord, des droits de la personne et des activités de placement, ainsi que de la mobilisation des membres de la direction et du conseil d’administration par rapport aux facteurs ESG. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès science politique et d’une maîtrise ès sciences en études du développement international de l’Université d’Amsterdam.