L’importance de la transparence et des partenariats pour les grandes sociétés pharmaceutiques

27 janvier 2021 | Michela Gregory, Jonathan Bey

Le secteur pharmaceutique a toujours attiré l’attention, mais l’année 2020 s’est avérée exceptionnelle à cet égard en raison de la COVID-19. Alors que se déroule la première campagne de vaccination, on ne peut ignorer le rôle critique joué par ce secteur d’activité pour améliorer la santé publique à l’échelle mondiale et bâtir une économie plus résiliente.

Mais, quel est en fait le rôle des sociétés pharmaceutiques pour l’avenir? Celui-ci passe clairement par des partenariats. La réponse à la pandémie a démontré que le soulagement procuré à la population mondiale par les produits des laboratoires pharmaceutiques pouvait augmenter fortement lorsque ceux-ci collaboraient non seulement avec leurs pairs, mais aussi avec des organisations publiques, privées ou multinationales. S’ouvre donc devant nous une possibilité pour les sociétés pharmaceutiques d’exploiter dans la transparence des partenariats permettant de répondre aux besoins sociétaux. Pour les investisseurs désireux de faire progresser la disponibilité des médicaments et autres produits pharmaceutiques à un plus grand nombre, la question de ces partenariats doit devenir un sujet important dans leurs engagements futurs auprès des sociétés du secteur.

Il n’est plus anormal pour les laboratoires pharmaceutiques de collaborer les uns avec les autres

Cet avenir collaboratif a peut-être déjà commencé. Durant toute la pandémie, de nombreuses sociétés pharmaceutiques se sont rapprochées afin de gérer les contraintes de production pour les traitements et vaccins contre la COVID-19. En effet, nombre de sociétés comme Eli Lilly, AbCellera Biologics, Amgen, AstraZeneca, Genentech et GlaxoSmithKline ont demandé l’autorisation de communiquer des renseignements avec leurs concurrentes afin d’accélérer la production de traitements à anticorps monoclonaux efficaces contre la COVID-19, sans aucunement soulever l’opposition du ministère de la Justice des États-Unis. AstraZeneca a de plus opté pour une approche mondiale en matière de distribution, collaborant avec d’autres fabricants à l’étranger tels que le Serum Institute en Inde. Citons également l’initiative lancée par la Fondation Bill et Melinda Gates ainsi qu‘Eli Lily dans le cadre de l’Accélérateur thérapeutique de la COVID-19, grâce à laquelle la société et tous ses partenaires – Abcellera, Shanghai Junshi Biosciences Co. et l’Université Columbia – ont accepté de renoncer à leurs redevances sur les médicaments d’Eli Lilly distribués dans les pays les moins favorisés.

L’échange de renseignements, de connaissances et d’éléments de propriété intellectuelle fait depuis longtemps l’objet d’un engagement auprès des sociétés pharmaceutiques par les investisseurs qui défendent un accès aux médicaments essentiels dans une économie juste et pérenne. La période actuelle révèle ainsi probablement une occasion de régler cet enjeu avec plus de succès que jamais du fait de la réceptivité aux partenariats démontrée par les sociétés durant la pandémie. Compte tenu des avantages indéniables procurés par ce type de collaboration pour rapidement augmenter les capacités de production et de distribution en réponse à une situation sanitaire mondiale, on peut raisonnablement espérer que les dialogues qui se tiendront après la pandémie en matière de partage de renseignements ou d’équipements trouveront un certain écho.

Les partenariats hors du secteur pharmaceutique peuvent contribuer également à répondre à l’enjeu de l’accessibilité

Les partenariats public-privé du secteur pharmaceutique ont particulièrement suscité l’attention durant cette pandémie. De nombreuses sociétés pharmaceutiques ont effectivement reçu du financement public à des fins de recherche et de développement visant à accélérer un développement rapide de vaccins et de remèdes contre la COVID-19, également complété par la mise en œuvre d’ententes d’approvisionnement à l’avance. Si ces partenariats se déploient de manière juste et équitable, ces dernières devraient, par respect pour le contribuable, envisager une tarification de leurs produits de nature à en favoriser l’accessibilité.

Toutefois, des dispositifs à l’échelon national peuvent créer des interférences avec ces partenariats destinés à affecter des ressources pour des besoins particuliers de santé publique nécessitant un accès mondial aux médicaments. Les investisseurs soucieux de promouvoir une économie mondiale pérenne auraient ainsi intérêt à demander aux sociétés une plus grande transparence sur la façon dont elles comptent gérer des priorités nationales et mondiales potentiellement divergentes. Des ententes avec des entités multinationales telles que la COVAX (qui coordonne la distribution équitable des vaccins contre la COVID-19) contribuent à atténuer les conflits qui pourraient surgir dans ce cadre. Les investisseurs auraient ainsi raison de promouvoir cet exemple dans les engagements qu’ils conduiront auprès des sociétés après la pandémie, afin de les encourager à tenir compte des limites inhérentes aux partenariats d’envergure nationale.

Les partenariats doivent s’accompagner de transparence

La pandémie a permis aux investisseurs d’amorcer un dialogue avec les sociétés sur la façon dont une approche collaborative au développement, à la fabrication et à la distribution de produits pharmaceutiques permet d’en faciliter l’accès. Leurs efforts d’engagement devraient viser à mieux comprendre la nature des ententes avec les gouvernements, organismes multinationaux et fondations, ainsi qu’au sein du secteur pharmaceutique lui-même. Les investisseurs responsables tenant à promouvoir une économie résiliente devront réclamer des divulgations suffisantes au sujet des ententes public-privé pour assurer que les sociétés respectent suffisamment le financement apporté par le contribuable, en particulier à la lumière des tensions qui peuvent surgir entre des partenaires ayant des intérêts géographiques et commerciaux différents.

Les anticipations évoluent en matière de transparence. Dans ce contexte de besoin constant pour une transparence accrue, la Global Health Innovation Alliance a créé pour accélérer les recherches une base de données contenant des dispositions types et réelles d’ententes de santé mondiales. Celles-ci figurent dans son guide MAP (Master Alliance Provisions Guide) et « décrivent les principes essentiels sur lesquels les partenariats s’établissent ». Il est vraisemblable que les attentes des investisseurs à l’égard de ce secteur d’activité continuent de viser une amélioration des divulgations, de sorte à mieux comprendre ces partenariats et valider les impacts attendus sur la société.

La santé nous concerne tous. Afin que ces modes de collaboration développent leur plein potentiel, les parties prenantes – notamment les investisseurs – doivent se trouver en mesure de rendre les sociétés responsables. Les limites actuelles à la transparence dans le secteur pharmaceutique ont semé le doute auprès du grand public et des investisseurs durant la pandémie, exigeant des efforts encore plus marqués dans un monde d’après COVID-19. Pour les investisseurs responsables, la période se prête parfaitement à encourager les sociétés pharmaceutiques à collaborer pour le bien mutuel, mais surtout dans une recherche de transparence maximale.

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Auteur

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Michela Gregory

Directrice des services ESG
NEI Investments

Dans le cadre du Programme d’engagement des entreprises de NEI, qui existe depuis longtemps, Michela mène des dialogues avec des entreprises de plusieurs secteurs, notamment les technologies, les biens de consommation de base, les biens de consommation discrétionnaire et les produits pharmaceutiques. Michela se penche sur divers thèmes liés au volet « S » de l’ESG dans les dialogues d’entreprise, y compris les enjeux liés aux droits numériques. Elle travaille activement à faire avancer les efforts politiques de NEI sur ce sujet et d’autres questions systémiques. Avant de rejoindre NEI, Michela était basée au Ghana avec un investisseur d’impact qui se concentre sur les investissements de départ en Afrique subsaharienne. Elle est avocate de profession et a pratiqué le droit des recours collectifs côté plaignant au Canada sur diverses questions juridiques, notamment les litiges relatifs aux valeurs mobilières, la responsabilité du produit, la protection des consommateurs et les questions de fixation des prix.

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Jonathan Bey

Analyste ESG principal
NEI Investments

Jonathan Bey, analyste ESG principal chez Placements NEI, se concentre sur le secteur des soins de santé. Il détient un diplôme de premier cycle du programme d'environnement et d'affaires de l'Université de Waterloo. Avant de rejoindre NEI, il a accumulé une expérience de quatre ans auprès d'un cabinet de consultation d’envergure mondiale qui aide les sociétés à traiter les enjeux ESG en développant des projets d'impact avec le concours de fournisseurs et d’experts dans la mise en œuvre de solutions. Jonathan a également occupé des postes ESG pour une institution canadienne d'enseignement supérieur et a cofondé une entreprise sociale spécialisée dans la sécurité alimentaire dans un contexte communautaire.