Favoriser les possibilités d’investissement social en dehors du logement abordable

27 juillet 2021 | Graham Singh, Christopher Trotman

Il semble qu’il n’y ait pas assez de possibilités d’investissement à impact social pour satisfaire l’appétit des investisseurs au Canada.

Si nous supprimons les possibilités d’investir dans l’énergie verte et analysons plutôt les possibilités d’investir dans les communautés, nous voyons très peu d’investissements. Compte tenu de l’état du paysage de l’investissement à impact social, comment les investisseurs désireux d’avoir un impact peuvent-ils financer des opportunités qui créent un changement social durable tout en générant un rendement équitable ?

La première étape consiste à prendre conscience des opportunités qui existent actuellement au Canada. Le fait est que les organismes à vocation sociale sont en retard dans la création d’entreprises, de programmes et de projets sociaux qui peuvent être financés par l’investissement à impact social. Cependant, plusieurs organisations ont tiré parti du financement des fondations et du gouvernement pour créer des possibilités d’investissement viables :

Fonds à impact social

Des organisations comme Windmill Microlending et Access Community Capital ont tiré parti de la dette privée pour créer des programmes de microcrédit destinés aux communautés confrontées à des obstacles.

Windmill Microlending offre des micro-prêts pour aider les immigrants et les réfugiés qualifiés à poursuivre leur carrière au Canada. Il s’agit notamment d’aider les clients à obtenir les licences canadiennes requises pour travailler dans leur domaine, à payer les examens, les frais de réinstallation et les frais d’association professionnelle. Ces soutiens financiers sont complétés par des services de conseil en carrière qui aident les clients à choisir la bonne voie pour atteindre leurs objectifs professionnels, un soutien pour naviguer dans le système financier canadien et un mentorat continu.

Access Community Capital se concentre sur le soutien aux entrepreneurs émergents avec des prêts à faible taux d’intérêt. Ces programmes ciblent les communautés marginalisées qui ne sont peut-être pas admissibles au financement traditionnel et sont complétés par des accélérateurs et des services d’encadrement.

Les programmes d’accompagnement que des organisations comme celle-ci coordonnent pour soutenir les prêteurs contribuent à maintenir des taux de remboursement élevés. À mesure que les organisations cherchent à élargir leur impact communautaire et à créer des opportunités d’investissement, les programmes et fonds de prêts ciblés deviendront plus courants.

Obligations communautaires

Des organisations comme Solar Share, le Centre for Social Innovation et, plus récemment, Sketch Working Arts, démontrent que les obligations communautaires sont une forme de financement par l’emprunt qui peut activer les partisans individuels de la communauté et les transformer en investisseurs.

SolarShare est la principale coopérative d’énergie renouvelable du Canada, qui développe des installations d’énergie solaire à l’échelle commerciale dans tout l’Ontario. En s’appuyant sur les obligations communautaires, SolarShare permet aux investisseurs particuliers d’investir dans ces projets par le biais d’une « obligation solaire » de 5 ans qui rapporte un taux d’intérêt annuel de 5 %. Le gouvernement de l’Ontario achète l’énergie de ces installations dans le cadre d’un contrat de 20 ans, créant ainsi un flux de revenus stable pour le remboursement des obligations.

Le Centre for Social Innovation (CSI) est un centre d’innovation sociale qui offre un espace de coworking et un incubateur pour les organisations à vocation sociale. En 2010, l’organisation a levé 2 millions de dollars grâce à des obligations communautaires pour acheter son premier bâtiment, l’annexe du CSI. En 2014, l’organisation a levé 4,3 millions de dollars supplémentaires par le biais d’obligations communautaires pour acheter son deuxième bâtiment, CSI Spadina.

Grâce à un engagement précoce avec les investisseurs institutionnels, lors de la structuration de l’obligation, les organisations ont veillé à ce que leur offre puisse répondre aux objectifs d’investissement d’un large éventail de parties prenantes.

Plateformes d’investissement en ligne

Bien qu’elle soit encore limitée par la disponibilité des opportunités d’investissement, SVX a créé une plateforme d’investissement qui promet de fournir un point d’accès unique pour lever des capitaux et réaliser des investissements pour les investisseurs qui recherchent un impact social et environnemental. Au fur et à mesure que le nombre d’organismes de bienfaisance, d’organisations à but non lucratif et d’entrepreneurs sociaux créant des opportunités d’investissement augmente, les plateformes comme SVX joueront un rôle important en mettant en évidence les opportunités d’investissement.

Bien que certaines organisations soient devenues des pionniers de l’entreprise sociale, il reste des défis à relever pour attirer l’attention sur les opportunités viables. Au-delà du bien social généré, les investisseurs sont peu enclins à accepter les rendements inférieurs au taux du marché qu’offrent de nombreuses opportunités d’investissement d’impact. En outre, le risque perçu d’investir dans des organisations à vocation sociale peut être dissuasif.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont plusieurs outils à leur disposition pour rendre les opportunités d’investissement à impact social plus attrayantes et jouent un rôle secondaire clé dans la création d’un environnement d’investissement à impact plus actif au Canada. À l’instar des programmes incitatifs qui ont stimulé l’innovation dans l’industrie de l’énergie verte et qui ont donné lieu à des possibilités d’investissement plus favorables, le gouvernement doit prendre des mesures proactives pour encourager les investisseurs à soutenir l’innovation et l’investissement financier dans le secteur social. Au Canada, cela pourrait inclure :

La création de zones d’opportunité et de fonds d’opportunité qualifiés

Comme le souligne l’Ontario Realtor Party, les Opportunity Zones créent une incitation financière à investir dans les communautés en difficulté économique. Aux États-Unis, c’est la loi de 2017 sur les réductions d’impôts et les emplois qui a servi à établir le programme de « Qualified Opportunity Zones ». Grâce à ce programme, les communautés sont désignées par un État et certifiées par le département du Trésor comme pouvant bénéficier du programme. Le programme permet ensuite aux investisseurs de reporter un gain en capital et d’investir ces dollars dans des fonds de zones d’opportunités qualifiées.

Comme le programme est relativement jeune, il est trop tôt pour dire quel sera le véritable impact de ces fonds sur les communautés défavorisées. Toutefois, l’argent de ce programme est utilisé aux États-Unis pour soutenir des investissements dans tout le pays, notamment de nouveaux logements, des épiceries, des cliniques médicales, des infrastructures à large bande et la création de districts d’innovation locaux. Les « Opportunity Zones » ont le potentiel de garantir que les communautés qui ont le plus besoin de soutien bénéficient d’un investissement équitable.

Garantir les initiatives et les projets dirigés par la communauté

Afin de réduire le risque perçu lié à l’investissement dans les possibilités d’impact social, les organismes gouvernementaux et les organismes subventionnaires non gouvernementaux pourraient soutenir les organisations en se portant garants. Un garant accepte d’assumer l’obligation d’une partie ou de la totalité de la dette si l’emprunteur fait défaut. Cela permettrait d’offrir un niveau de protection contre les pertes aux investisseurs souhaitant investir dans des initiatives et des projets dirigés par la communauté et susceptibles de générer des revenus. Pour les organismes qui accordent régulièrement des subventions aux organisations, le fait de devenir garants pourrait servir à la fois à encourager les organisations à rechercher des opportunités d’investissement et à motiver les investisseurs à financer ces opportunités.

Inciter les fondations à accroître leur portefeuille d’investissements à impact social

Cette année, de plus en plus de voix se sont élevées pour demander au gouvernement d’augmenter le quota de décaissement (QD) des fondations caritatives à 10%. Compte tenu de la pression accrue sur les organisations à but non lucratif due à la COVID-19, et du taux annuel moyen d’appréciation des actifs des fondations, les appels à un soutien accru sont justifiés. Cependant, comme l’indique le rapport publié par la Task Force for Social Finance, les fondations ont également la possibilité d’augmenter la part de leur capital dans les investissements liés à la mission (MRI). Cela peut se traduire par un investissement à impact social et peut contribuer à l’impact social plus important que les défenseurs d’un QD accru aimeraient voir.

Bien que les possibilités d’investir dans un véritable impact communautaire soient limitées, elles existent. Avec une plus grande volonté des investisseurs d’explorer des opportunités uniques, un engagement plus proactif des gouvernements pour rendre ces opportunités plus viables et une activité accrue du secteur à but social pour créer des opportunités, l’écosystème peut se développer rapidement.

Il faudra que toutes les parties fassent preuve de créativité et sortent un peu de leur zone de confort pour créer l’impact qui est possible.

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Auteur

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Graham Singh

Executive Director
Trinity Centres Foundation

Pendant près de 15 ans, Graham s'est impliqué dans la recherche de nouvelles vocations pour les édifices religieux. Il a dirigé quatre projets au Royaume-Uni et au Canada, y compris le projet pilote de la Fondation des Centres Trinity, à St Jax Montréal. La recherche doctorale et les travaux pratiques de Graham à ce sujet éclairent une grande partie de l'approche de la Fondation. Avant de travailler dans les édifices religieux en tant que pasteur de l'église anglicane, Graham a travaillé dans le secteur de la publicité à Londres, en Angleterre. Il est diplômé de l'Université Western Ontario, du St Mellitus College (Cambridge University / Ridley Hall) et de la London School of Economics. Il parle couramment le français et l'anglais.

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Christopher Trotman

Director of Stakeholder Engagement
Trinity Centres Foundation

Au cours des dix dernières années, Christopher a travaillé à renforcer la capacité des organisations communautaires à mieux raconter leurs histoires. Son expérience en matière de communication s'étend à de multiples secteurs, notamment dans les domaines de la finance, de la technologie, des soins de santé et de l'art et de la culture. Il est responsable de l'engagement des différentes parties prenantes pour la Fondation des Centres Trinité.