La réduction drastique des émissions dynamisera les énergies vertes pendant des décennies

6 mai 2021 | Velislava Dimitrova

Le monde doit réduire drastiquement les émissions de carbone pour éviter les effets les plus graves des changements climatiques. Facile à dire, difficile à faire. Il s’agit de renverser plus de 150 années de hausse des émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 30 ans.

Et cela coûtera environ 144 mille milliards de dollars, soit près de sept fois le PIB annuel des États-Unis.[1] Cela dit, l’urgence de la décarbonation offre aux sociétés productrices d’énergie renouvelable et de technologies à faibles émissions de carbone la possibilité de croître pendant des décennies.

Environ 37 milliards de tonnes de gaz à effet de serre ont été émises en 2019. Ensuite, la pandémie de COVID-19 s’est déclarée et les usines ont fermé, les avions ont été cloués au sol et les populations ont été confinées. Malgré les restrictions les plus draconiennes de l’histoire moderne imposées sur la mobilité humaine, la réduction des émissions mondiales de CO2 n’a été que de 8 -­ 9 % au premier semestre de 2020.

Par où commencer?

Malheureusement, il n’existe pas de solution miracle offrant une réduction de 100 % instantanée. Nous pouvons toutefois prendre des mesures dès aujourd’hui, par exemple en remplaçant les centrales au charbon et les carburants à base de pétrole par les meilleures solutions faiblement carbonées à notre disposition. L’installation d’éoliennes réduit de 93 % les émissions (comparativement aux usines alimentées par des combustibles fossiles).[2] L’électrification réduira de plus de 50 % les émissions de chaque automobile pour son cycle de vie. Du côté des poids-lourds, les piles à hydrogène peuvent réduire de 87 % les émissions de carbone.[3] Le burger sans viande réduit les émissions de 90 % et la viande produite en laboratoire les réduit de 78 %. L’isolation à elle seule peut diminuer de moitié les émissions associées aux bâtiments.[4]

De nombreuses technologies, comme celles utilisées pour les énergies solaire et éolienne, sont économiques, même sans subventions. D’autres nécessitent d’importants investissements publics et privés pour rivaliser avec les technologies fortement carbonées, plus économiques. Pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’Accord de Paris, il faudra mettre les bouchées doubles dans tous les domaines. Donc même si les valorisations des sociétés du segment des énergies éolienne et solaire semblent élevées aujourd’hui, nous sommes convaincus que, pour nombre d’entre elles, les prévisions de croissance à long terme se concrétiseront largement.

Le prix du carbone augmentera

Selon les estimations de la Banque mondiale, il faudra que le prix du carbone soit entre 2,5 et 5 fois plus élevé d’ici 2030 pour que les objectifs de réduction des émissions prévues dans l’Accord de Paris soient atteints. Dans le passé, les systèmes de plafonnement et d’échange de carbone ont été controversés à cause de la « fuite » de carbone. Ce phénomène survient lorsqu’un pays applique une tarification du carbone, ce qui fait augmenter le coût des biens qui sont produits dans le pays et entraîne l’importation de biens plus abordables, produits dans un pays qui n’a pas de système de tarification du carbone. Malgré ce risque, un élargissement des marchés du carbone se dessine et, à mesure que de nouveaux pays adhéreront à ces marchés, leur efficacité augmentera. Cela pourrait dynamiser la croissance des entreprises des énergies vertes, le coût des énergies « brunes » augmentant.

La Chine, qui s’est engagée à atteindre la neutralité carbone, s’apprête à déployer un programme national de plafonnement et d’échange du CO2 qu’elle a lancé à titre de projet pilote en 2014. Son incidence a été limitée jusqu’ici à cause de la faiblesse du prix du carbone, mais cela devrait changer, car le prix augmente. De plus, un tel programme national en Chine pourrait inclure des secteurs qui représentent, selon les estimations, 20 % des émissions mondiales d’ici 2030, ouvrant la porte à une décarbonation de grande ampleur. Les États-Unis pourraient lui emboîter le pas, sous l’impulsion du président Biden. Le programme de plafonnement et d’échange de l’Union européenne vise les émissions des centrales électriques et d’autres usines, mais il pourrait être étendu à d’autres secteurs. Pour éviter la fuite de carbone, le Pacte vert pour l’Europe propose un mécanisme d’ajustement des émissions carbone aux frontières qui obligerait les importateurs à payer pour leurs émissions.

La décarbonation à grande échelle est porteuse de formidables occasions

Ce sont les technologies à faibles émissions de carbone existantes qui pourraient bénéficier le plus des investissements nécessaires pour atteindre le premier seuil de 50 % de décarbonation, soit 1 000 milliards de dollars par an, selon Goldman Sachs. Cela inclut les énergies renouvelables, l’automatisation des secteurs industriels et agricoles, les bâtiments efficients, l’infonuagique (dont l’empreinte carbone est de 50 % à 80 % inférieure à celle des centres de données sur place), les produits de remplacement du lait et de la viande, les matériaux légers et les plateformes de vente de produits d’occasion.[5] Une fois les technologies existantes pleinement adoptées, un investissement supplémentaire d’environ 3 800 milliards de dollars par an destiné à de nouvelles solutions sera nécessaire pour combler l’écart.[6] Le développement de certaines technologies, comme l’hydrogène vert et le captage du carbone, est encore en phase de démarrage; d’autres n’ont pas encore été inventées. Nombre d’entre elles auront besoin d’électricité renouvelable.

Les investissements annuels moyens injectés dans les énergies solaire et éolienne dépasseront 400 milliards de dollars par an (l’objectif étant 1,5˚–2,0˚) pendant des décennies.[*] De plus, si les énergies solaire et éolienne, renforcées par les capacités de stockage des batteries et de l’hydrogène vert, remplacent toute la production des usines thermiques d’aujourd’hui, bénéficient d’une hausse de la demande due à la croissance démographique et à l’émergence de la classe moyenne, et alimentent le parc mondial de véhicules électriques, la demande pour ces énergies atteindra des niveaux environ 17 fois supérieurs aux niveaux actuels.[*]

Il faut ajouter à cela l’électrification du chauffage domestique, la fabrication d’hydrogène vert pour remplacer le gaz naturel et la réduction des émissions dans les secteurs difficiles à décarboner comme l’acier, le ciment et l’ammoniac. Une fois ces ressources comptabilisées, la demande potentielle en énergies solaire et éolienne atteint des niveaux plus de 25 fois supérieurs aux niveaux actuels.

L’hydrogène a connu plusieurs faux départs. Toutefois, comme le coût des énergies renouvelables continue de baisser et que l’hydrogène vert commence à être produit à grande échelle, cela pourrait réduire, d’ici dix ans, les émissions de carbone que l’on croyait jusqu’ici impossibles à freiner. Sur les 70 millions de tonnes d’hydrogène produites aujourd’hui, seulement un petit pourcentage (1 %) est de l’hydrogène vert (c’est-à-dire produit à l’aide d’électricité renouvelable). Toutefois, si les projections voulant que l’hydrogène vert peut répondre à un quart de la demande d’énergie mondiale d’ici 2050 sont justes, sa production pourrait augmenter pour atteindre environ 700 millions de tonnes.[7]

La décarbonation est un défi dont l’ampleur est inédite dans l’histoire de l’Humanité. Toutefois, les entreprises qui le relèvent ont devant elles une période de croissance de 30 années, qui dépasse même la révolution Internet. Si les investissements sont suffisamment ambitieux et si les technologies actuelles et futures sont pleinement adoptées, la transition vers une économie faiblement carbonée peut devenir une réalité. Nous ne parviendrons peut-être pas à la carboneutralité aussi vite que nous l’espérons, mais nous pouvons nous en approcher grandement.

Sources :

[1] « Carbonomics ». Goldman Sachs, octobre 2020.

[2] Estimations de Fidelity International, à partir de données de Siemens/Vestas.

[3] Ben Sharpe, « Zero-emission tractor-trailers in Canada » (Conseil international pour un transport propre, 2019)

[4] Rapport d’impact 2019 de Tesla et VW : https://www.volkswagen-newsroom.com/en/stories/co2-neutral-id3-just-like-that-5523; « Carbon Brief » https://www.carbonbrief.org/factcheck-how-electric-vehicles-help-to-tackle-climate-change et EPA : https://www.epa.gov/greenvehicles/greenhouse-gas-emissions-typical-passenger-vehicle; « Life-Cycle Implications of Hydrogen Fuel Cell Electric Vehicle Technology for Medium and heavy trucks », Lee, Elgowainy et Kotz, 2018; « Meatless burger and Beyond Meat burger »: https://quantis-intl.com/heres-how-the-footprint-of-the-plant-based-impossible-burger-compares-to-beef/; Beyond Burger Life Cycle Assessment, septembre 2018.

[5] Livre blanc 2018 de Microsoft sur le bilan carbone de l’infonuagique.

[6] Goldman Sachs, octobre 2020. Cette estimation du coût de la décarbonation utilise les prix actuels de technologies émergentes comme l’hydrogène vert, mais à mesure que leur utilisation augmentera, les coûts devraient baisser.

[*] Source : Estimations de BP, analyse de Bernstein.

[7] Bloomberg New Energy Finance, octobre 2020.

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Auteur

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Velislava Dimitrova

Gestionnaire de portefeuille
Fidelity International

Velislava Dimitrova est gestionnaire de portefeuille auprès de Fidelity à Londres. Elle est entrée au service de Fidelity en 2008 et compte plus de 12 années d’expérience en placement. Elle a travaillé comme analyste jusqu’en 2014 et a assuré le suivi de nombreux secteurs tels que les médias européens, les services publics européens et les matériaux de base. Elle a ensuite été promue gestionnaire de portefeuille pour certains portefeuilles mondiaux dont la gestion est confiée à des équipes, notamment la stratégie Fidelity Global Demographics, où elle était responsable de secteurs en particulier. À l’heure actuelle, elle est gestionnaire de portefeuille principale du Fidelity Sustainable Water & Waste Fund, qui n’est pas offert aux investisseurs canadiens. Mme Dimitrova a obtenu une MBA de la Sloan School of Management du MIT.