Promouvoir l’inclusion des autochtones et la réconciliation sur les marchés financiers

27 juillet 2021 | Mark Sevestre, Shannon Rohan

La découverte de tombes anonymes dans d’anciens pensionnats à travers le Canada a une fois de plus mis en lumière l’horrible héritage du colonialisme et des pensionnats au Canada. Il est lamentable qu’il ait fallu la découverte de milliers d’enfants kidnappés pour attirer l’attention nationale sur une histoire de disparition et de perte si bien connue des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Mais nous y voilà, 25 ans après la fermeture du dernier pensionnat et 6 ans après que la Commission de vérité et réconciliation a publié son rapport final et ses appels à l’action.

Nos équipes de SHARE et de la National Aboriginal Trust Officers Association (NATOA), ainsi que de nombreuses autres à travers l’île de la Tortue, ont exprimé notre chagrin et notre solidarité avec les communautés autochtones et les familles des enfants perdus. Mais, au-delà de notre peine, nous savons que la réconciliation exige une action – une action de tous les niveaux et secteurs de la société, y compris, et peut-être surtout de ceux d’entre nous qui travaillent dans le monde de l’investissement responsable.

La NATOA et SHARE se sont réunis en 2016 et ont formé la Reconciliation and Responsible Investment Initiative (RRII) en tant que lieu d’action collective des investisseurs. RRII est un endroit où les investisseurs autochtones et non autochtones sont soutenus dans l’utilisation de leurs voix et de leur capital pour défendre les droits autochtones, promouvoir des résultats économiques positifs pour les peuples autochtones et centrer les perspectives autochtones dans la prise de décisions d’investissement.

Depuis son lancement, la RRII a mené des recherches sur l’alignement du monde des affaires canadien avec l’Appel à l’action 92, visant les entreprises au Canada. Nous avons élaboré des ressources pour les investisseurs non autochtones sur l’avancement de la réconciliation dans l’ensemble de leurs portefeuilles. Nous avons également travaillé avec des fiducies autochtones pour les aider à harmoniser leurs politiques d’investissement avec leurs valeurs et leurs aspirations de manière à mettre à profit les protocoles d’intendance et les traditions qui ont soutenu les communautés autochtones pendant des générations.

Sur la base de ces travaux antérieurs, en 2020, nous avons tourné notre attention pour mieux comprendre le rôle que les gestionnaires d’actifs pourraient jouer pour faire avancer la réconciliation. Nous savions que les gestionnaires d’actifs avaient le potentiel d’être des alliés importants en tant qu’employeurs, acteurs économiques, actionnaires et, pour ceux qui ont des clients autochtones, gardiens de la richesse autochtone. Mais que faisaient déjà les gestionnaires d’actifs et où échouaient-ils?

Nous avons trouvé des exemples tangibles de leadership qui, nous l’espérons, seront reproduits, ainsi que de nombreuses occasions pour les gestionnaires de placements de relever la barre en faisant progresser la réconciliation dans les politiques et les pratiques de leurs organisations.

Par exemple, certaines entreprises prennent des mesures importantes pour créer des possibilités d’emploi et de formation pour le personnel autochtone actuel et potentiel. Près de la moitié des sociétés de gestion de placements interrogées avaient mis en place des politiques visant à accroître à la fois le nombre d’employés autochtones potentiels et l’offre d’emplois pour les Autochtones au sein de leur entreprise. Une pratique remarquable est la création de bourses d’études pour les étudiants autochtones. Une autre est la mise de côté de places spécifiques pour les diplômés autochtones dans les programmes de stages.

Environ la moitié des entreprises interrogées ont déclaré avoir des programmes de formation à l’intention de la direction et du personnel sur l’histoire des peuples autochtones. Il s’agit à la fois d’un strict minimum et d’un élément essentiel des Appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation. Nous espérons que les sociétés de gestion d’actifs à travers le pays accorderont la priorité à l’éducation des gestionnaires et du personnel sur les droits et l’histoire des Autochtones.

Une pratique d’intendance de premier plan qui a été identifiée était les efforts d’une entreprise pour travailler avec ses sociétés de portefeuille pour soutenir les partenariats en capital et autres relations de partage des bénéfices avec les communautés autochtones. Le même cabinet a également noté qu’il avait exhorté les gouvernements à adopter les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), y compris le droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé.

En plus de ces exemples pratiques, d’autres possibilités de faire progresser la réconciliation sont identifiées dans le rapport.

Par exemple, nous avons été particulièrement inspirés par les efforts des grandes caisses de retraite en Australie. Plusieurs ont développé des Plans d’action de réconciliation qui vont au-delà du simple fait de parler de réconciliation et de définir des responsabilités, des échéanciers et des objectifs précis. Imaginez si certains des plus grands régimes de retraite du secteur public au Canada établissaient leurs propres plans d’action de réconciliation. Les effets positifs sur l’inclusion des Autochtones et la croissance de l’économie autochtone seraient importants.

La priorité accordée à l’approvisionnement auprès d’entreprises autochtones est une autre mesure tangible que les sociétés de gestion de placements peuvent utiliser pour faire progresser la réconciliation. Des organisations autochtones de premier plan, telles que le Conseil canadien pour le commerce autochtone, demandent au gouvernement et à l’industrie d’établir des objectifs d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones comme une étape puissante et pratique pour soutenir le développement économique autochtone.

Enfin, les sociétés de gestion de placements sont bien placées pour donner de la crédibilité à l’inclusion de la réconciliation et de la reconnaissance des droits autochtones en tant qu’aspect central de la bonne gouvernance d’entreprise. Intégrer une référence explicite à la DNUDPA dans les principes d’investissement responsable et veiller à ce que les directives relatives à la reconnaissance des droits autochtones dans les lignes directrices sur le vote par procuration soient des mesures concrètes que les gestionnaires de placements peuvent prendre.

Lorsque les grands gestionnaires d’actifs soutiennent les efforts visant à harmoniser les pratiques de l’entreprise avec la réconciliation, les résultats peuvent être importants. Par exemple, en mai, 98 % des actionnaires ont voté en faveur d’une résolution sur l’inclusion et la réconciliation des Autochtones au Groupe TMX Ltée. Par l’entremise de la RRII, SHARE et NATOA continueront de tirer parti de cette victoire alors que nous cherchons à faire en sorte que les objectifs de réconciliation soient inclus dans les pratiques d’équité, de diversité et d’inclusion des sociétés sur les marchés financiers canadiens. Nous espérons que les sociétés de gestion de placements continueront d’appuyer ces efforts avec d’autres sociétés de leur portefeuille.

Dans notre sondage auprès des gestionnaires d’actifs canadiens, nous avons été encouragés d’entendre un répondant affirmer clairement que la réconciliation économique profite à toutes les parties concernées et que l’industrie de la gestion des placements a beaucoup à gagner des enseignements autochtones et de l’approche holistique que les valeurs autochtones apportent au processus d’investissement.

Nous ne pouvions pas être plus d’accord. Le travail de la RRII n’est pas inspiré par la charité. Il n’est pas fondé sur l’idée fausse de l’alliance comme étant une rue à sens unique. Le partenariat entre SHARE et la NATOA reconnaît que notre avenir est un avenir collectif où nos succès et nos échecs sont profondément interconnectés. Et dans cet esprit de réciprocité, nous continuerons à travailler ensemble à amener des changements.

Nous espérons que davantage de personnes et d’organisations de l’écosystème de l’investissement responsable se joindront à nous dans ce parcours menant de la sensibilisation à l’action.

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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Mark Sevestre

Conseiller principal et membre fondateur
NATOA

En 2006, Mark est devenu l’un des trois membres fondateurs de la National Aboriginal Trust Officers Association. Occupant plusieurs postes, dont celui de membre du conseil d’administration, de président de comité et de président, Mark est actuellement fondateur et conseiller principal de la NATOA. La NATOA est un organisme de bienfaisance qui se consacre à fournir des connaissances et le renforcement des capacités sur les fonds fiduciaires et l’investissement pour les communautés autochtones. Mark dirige l’Initiative de réconciliation et d’investissement responsable (Reconciliation and Responsible Investment Initiative) en partenariat avec SHARE Canada, qui établit un lien entre les valeurs autochtones et l’investissement autochtone en plus d’aider les investisseurs non autochtones à utiliser leurs portefeuilles pour atteindre les objectifs de réconciliation au Canada. Mark est également directeur général du Mississaugas of the Credit First Nation Community Trust depuis 1999. Mark a été directeur de succursale/services financiers à la Banque de Montréal, ouvrant une succursale au sein de la Première Nation Onyota'aka (Oneida) près de London, en Ontario. Mark est diplômé de l’Université Mount Allison (1991) et a commencé sa carrière au sein du gouvernement fédéral. Mark est Mohawk et réside dans les Six Nations of the Grand River. Mark fait du bénévolat comme entraîneur adjoint avec l’équipe de football Blue Devil de l’école secondaire McKinnon Park à Caledonia, en Ontario.

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Shannon Rohan

Directrice de la stratégie
SHARE

Shannon a contribué à bâtir le réseau d’investisseurs de SHARE pour inclure des fondations, des fiducies autochtones, des universités, des fonds de pension et des investisseurs confessionnels représentant plus de 50 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Shannon conseille les conseils d’administration des propriétaires d’actifs dans la mise en œuvre de politiques et de pratiques d’investissement responsable et dirige des projets stratégiques pour SHARE, notamment l’Initiative pour l’évaluation du travail décent, l’Initiative pour la réconciliation et l’investissement responsable (Reconciliation and Responsible Investment Initiative) et Foundation Investing 2.0. Elle compte 20 ans d’expérience dans les domaines de l’investissement responsable, de la finance durable, du développement coopératif et de la durabilité au Canada, en Afrique du Sud et en Amérique latine. Shannon détient une maîtrise ès arts en affaires internationales de la Norman Paterson School of International Affairs et un baccalauréat ès arts de l’Université Simon Fraser.