Comment fonctionnent les notations ESG et pourquoi elles diffèrent?

26 mai 2022 | Baris Ozyetis, Jonas Cuypers, Patrick Doré

Les notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) deviennent rapidement essentielles pour les investisseurs du monde entier. Leur principal avantage est d’agréger les mesures ESG en un classement simple et relativement intuitif qui aide les investisseurs à prendre en compte la durabilité lorsqu’ils investissent. Elles sont également de plus en plus largement disponibles, à peu de frais, voire gratuitement. Les données ESG continueront de gagner en pertinence au cours des prochaines années, les investisseurs recherchant des informations au-delà de la lentille financière traditionnelle. 

Dans certains domaines, les notations ESG varient considérablement, ce qui peut semer la confusion chez les investisseurs. Si les notations ESG diffèrent d’un fournisseur à l’autre, comment les investisseurs prennent-ils des décisions éclairées en se basant sur celles-ci? 

Défis supplémentaires liés aux notations ESG

Il convient d’aborder le fait que les notations ESG sont généralement rétrospectives, elles ont tendance à ignorer les efforts d’engagement et de vote par procuration, et elles ne tiennent souvent pas compte de la « production » des entreprises qui créent des produits pour un avenir plus durable. Un exemple classique est celui d’un fabricant de panneaux solaires. Bien que tout le monde soit d’accord pour dire que les panneaux seraient bénéfiques pour notre avenir collectif, l’intensité carbone liée à leur production est élevée. Cela se traduit parfois par un score « environnemental » plus faible pour ces entreprises en raison de leur empreinte carbone opérationnelle plus élevée, même si les produits qu’elles fabriquent sont meilleurs pour l’environnement à long terme.

Un autre exemple met en évidence la complexité de la déclaration des émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise. La notation prend-elle uniquement en considération les émissions directes provenant de sources possédées ou contrôlées (Niveau 1), ou également les émissions indirectes provenant de la production d’énergie achetée (Niveau 2)? En outre, les émissions de Niveau 3 sont-elles incluses, et si oui, tiennent-elles compte des activités en amont et en aval (en amont étant les émissions du fournisseur et en aval étant les émissions du client)? Si les émissions de Niveau 3 sont incluses, un défi supplémentaire réside dans le fait que de nombreuses entreprises ne font pas de déclaration volontaire, ce qui impose aux fournisseurs de données ESG la charge de modéliser ou d’estimer ces émissions. Le manque de transparence, la complexité des méthodologies et la multitude d’approches de la recherche d’informations sur les paramètres « E », « S » et « G » ne sont que quelques-unes des raisons pour lesquelles les investisseurs ont du mal à comprendre comment utiliser les notations ESG.  

Alors, que veulent mesurer les investisseurs?

En 2015, le CFA Institute a publié un guide des approches possibles en matière d’investissement responsable (IR). Celles-ci ont depuis été révisées et des directives supplémentaires ont récemment été données par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) afin de rendre les différentes méthodes d’investissement ESG plus accessibles à un public plus large. Aux fins du présent article, nous les avons regroupées en six principales méthodes d’investissement responsable que les investisseurs doivent connaître : 

  1. Filtres d’exclusion : éviter des investissements en fonction de valeurs et de normes morales
  2. Intégration ESG  : prise en compte des risques et opportunités ESG dans l’analyse et la prise de décision en matière d’investissement, en se concentrant généralement sur les questions financièrement importantes 
  3. Sélection « premier de classe » : investir dans des entreprises qui sont des chefs de file ESG par rapport à leurs pairs
  4. Actionnariat actif : s’engager auprès des entreprises pour obtenir un changement positif, notamment en exerçant son droit de vote
  5. Investissement thématique : investir en fonction des tendances de durabilité à long terme
  6. Investissement d’impact : investir pour générer des avantages sociaux et environnementaux mesurables qui peuvent aller au-delà de ce qui est financièrement important

Les investisseurs peuvent appliquer une combinaison des méthodes ci-dessus pour atteindre leurs objectifs. Mais est-il possible de sélectionner une notation ESG pour soutenir les objectifs d’un investisseur? Le tableau ci-dessous suggère que les investisseurs peuvent vouloir considérer différentes caractéristiques en fonction de leurs objectifs finaux. 

Comment un investisseur pourrait envisager différents systèmes de notation

Voyons comment l’équipe de développement durable de Placements Mackenzie évalue les notations ESG de deux fournisseurs populaires et comment elles se comparent :

Pourquoi ces différences?

D’une certaine manière, le reporting ESG n’en est encore qu’à ses débuts. De nombreuses entreprises font leurs propres déclarations dans une mesure limitée et de manière incohérente. Compte tenu de ces difficultés, les fournisseurs de notation ESG s’appuient sur les opinions des analystes, les données modélisées ou l’intelligence artificielle. Cela laisse place à des résultats mitigés en fonction de la méthodologie d’approvisionnement et ajoute à l’observation selon laquelle les notations ESG de différents fournisseurs peuvent être très différentes, même lorsqu’elles visent à mesurer les mêmes caractéristiques dans les entreprises. 

Les notations ESG vont-elles converger au fil du temps?

À mesure que les entreprises intensifient leurs rapports ESG conformément aux normes émergentes (telles que celles de l’International Sustainability Standards Board), nous pensons que cela devrait conduire à plus de cohérence dans les notations. Cependant, il existe des arguments selon lesquels les notations ESG continueront d’être différentes d’un fournisseur à l’autre, car les investisseurs appliquent des valeurs et des perspectives différentes à leur approche d’investissement responsable. De plus, il existe un niveau de matérialité dynamique en ce qui concerne la durabilité. Les émissions de carbone sont considérées comme beaucoup plus importantes pour le monde de l’investissement d’aujourd’hui qu’il y a 10 ans ; plus récemment, la COVID-19 a mis au jour de nombreux facteurs sociaux que les entreprises doivent prendre en compte. Par exemple, la sécurité et une bonne gestion de la chaîne d’approvisionnement sont maintenant considérées comme plus importantes qu’avant la pandémie. Cela est dû en partie au risque d’atteinte à la réputation, mais aussi au risque opérationnel. Une vue dynamique de l’importance relative nécessiterait une réévaluation en temps réel des risques et opportunités ESG importants qui peuvent être difficiles à offrir pour les fournisseurs de notations. Par conséquent, la discussion sur ce qui est durable et ce qui ne l’est pas continuera probablement d’être un sujet brûlant. 

Si les notations ESG peuvent être très utiles, les investisseurs doivent être conscients de ce que leur « notation ESG de choix » mesure et valider si cela correspond à leur propre philosophie d’investissement responsable. Une notation ESG spécifique pourrait très bien fonctionner pour un investisseur, mais peut-être pas si bien pour un autre. Il y a de nombreuses routes qui mènent à Rome, et nous pouvons en dire autant lorsque l’on cherche à investir de manière durable.

Sources

[1] MSCI ESG Ratings Methodology

[2] Sustainalytics ESG Ratings Methodology Abstract.pdf


Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Auteur

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Baris Ozyetis

Mackenzie Investments

Dans le cadre de son rôle, Baris assure régulièrement la liaison avec un large éventail d’intervenants afin de mettre sur le marché des idées qui interpelleront les investisseurs canadiens et est responsable du développement et de la gestion de la gamme croissante et robuste de solutions durables de Mackenzie axées sur les fonds communs de placement et les FNB thématiques et d’impact.

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Jonas Cuypers

AVP, Recherche ESG
Mackenzie Investments

Jonas est VPA, Recherche et intégration des facteurs ESG chez Placements Mackenzie depuis 2020. Dans son rôle, il dirige l’élaboration d’un plan d’action climatique visant à améliorer les investissements alignés sur le net zéro dans l’ensemble de l’entreprise et la construction d’un cadre quantitatif d’informations ESG pour soutenir la recherche, la surveillance et le reporting ESG. Avant de rejoindre Mackenzie, Jonas a travaillé aux côtés d’équipes de placement dans toutes les catégories d’actifs chez un gestionnaire d’actifs européen de premier plan. Il y a participé à la mise sur pied de fonds durables et au développement de pratiques et de méthodologie cohérentes pour communiquer les pratiques ESG aux clients et aux clients potentiels. Jonas est titulaire d’un CFA et d’un Master en Science, ingénieur de gestion de l’Université de Louvain en Belgique.

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Patrick Doré

Directeur des Solutions Placements Durable
Mackenzie Investments

Patrick Doré, Directeur des Solutions Placements Durable, s'est joint à Placements Mackenzie en 2021 afin de soutenir le développement et la gestion de la gamme de produits ESG. Dans son rôle, Patrick s’assure qu’il y est une communication claire entre les gestionnaires en placements ESG et les différentes parties prenantes de l'entreprise. Entièrement bilingue, il s’assure également de communiquer le positionnement stratégique de Mackenzie au sein de l'espace ESG chez les conseillers francophones. Avant Mackenzie, Patrick travaillait pour une institution financière canadienne de premier plan comme analyste de performance institutionnel au sein de leur division de gestion d'actifs. Auparavant, il a débuté sa carrière chez Placements Mackenzie de 2016 à 2018 en tant que représentant des ventes internes. Patrick est titulaire d'un baccalauréat en commerce, spécialisation finance, de l’école de gestion John Molson. Il travaille actuellement à l'obtention d'un MBA de l'Université Laval. Il détient également le titre d’analyste financier agrée (CFA).