La résilience climatique ne peut pas attendre. C’est un investissement intelligent et essentiel.
Le risque climatique n’est plus une menace lointaine, mais une réalité bien présente aux répercussions financières, sociales et environnementales concrètes. On ne peut plus simplement « s’assurer contre » ce risque, car les assureurs réévaluent leurs couvertures ou se retirent du marché en raison de la hausse des coûts, de l’incertitude croissante des modèles de risque traditionnels et de l’instabilité financière accrue. Les propriétaires d’actifs, des municipalités aux fonds de pension, doivent donc assumer tout le poids de la volatilité climatique. Le message est clair :
La résilience climatique n’est plus une option, mais une nécessité pour préserver la valeur à long terme d’un investissement.
Lorsque les assureurs fixent le prix des risques liés au climat, les détenteurs d’actifs doivent aller plus loin. Ils doivent protéger activement leurs actifs contre les répercussions des changements climatiques, plutôt que de compter uniquement sur les prestations d’assurance. Concrètement, cela signifie renforcer la résilience des portefeuilles et des projets en concevant et en modernisant les actifs physiques pour qu’ils résistent aux nouvelles réalités d’un environnement en mutation. Les preuves à l’appui de cette approche sont convaincantes.
Prenons l’exemple des milliards de dollars perdus à cause des récentes catastrophes au Canada. Les inondations de 2021 en Colombie-Britannique ont emporté des autoroutes et des voies ferrées, celles de 2023 en Nouvelle-Écosse ont endommagé des infrastructures essentielles et les incendies de forêt record en Alberta et au Québec ont détruit des collectivités et perturbé les chaînes d’approvisionnement. Rien qu’en 2024, le Bureau d’assurance du Canada a recensé 8,5 milliards de dollars de pertes assurées liées aux événements climatiques extrêmes. Ces pertes représentent des maisons détruites, des entreprises perturbées, des infrastructures endommagées et des communautés peinant à se remettre. Les coûts économiques et sociaux de l’inaction sont tout simplement trop élevés.
Il ne s’agit pas d’événements isolés, mais plutôt d’événements fréquents et récurrents qui ne ne feront que s’intensifier à l’avenir. Leur récurrence souligne l’urgence d’une réorientation du marché qui privilégie les investissements dans des projets axés sur la résilience. Pour les investisseurs institutionnels, ce contexte représente une nouvelle occasion importante : le marché de la résilience.
L’essor du marché de la résilience
Investir dans l’adaptation climatique, qu’il s’agisse d’investissements dans des infrastructures résilientes ou de solutions fondées sur la nature, peut apporter une stabilité et une valeur à long terme aux collectivités et aux économies locales et nationales, ainsi qu’aux investisseurs. Le marché de la résilience se concentre sur des projets qui réduisent les émissions et renforcent activement les collectivités contre les répercussions des changements climatiques.
Une grande partie de ce travail commence à l’échelle locale, où une stratégie d’investissement solide en matière de résilience comprend des investissements dans les systèmes énergétiques, les réseaux de transport, les installations communautaires et d’autres infrastructures locales. Le renforcement de la résilience de ces actifs essentiels joue un rôle central dans la protection des résidents, le maintien des économies locales et l’assurance d’une stabilité à long terme.
Le défi de cette approche repose souvent dans l’agrégation, la normalisation et la mitigation des risques des projets, car les projets municipaux individuels sont souvent trop petits ou trop complexes pour les investissements institutionnels traditionnels. C’est là que le financement mixte joue un rôle essentiel.
Le pouvoir du financement mixte
La combinaison de capitaux publics et privés peut être une approche très efficace pour mettre en œuvre des solutions à long terme. Les structures de financement mixte peuvent s’appuyer sur des décennies d’expertise du secteur public en matière de finances municipales, en utilisant des fonds publics catalyseurs pour remplir trois fonctions essentielles :
- Développer un profil de risque et de rendement attrayant pour les partenaires privés;
- Normaliser les structures d’investissement et créer une échelle;
- Réduire les risques des projets en phase de démarrage, surtout dans de nouveaux secteurs comme la résilience et l’adaptation.
En combinant stratégiquement les capitaux publics et privés, les structures de financement mixte peuvent relever ces trois défis afin de débloquer des projets qui autrement ne pourraient pas attirer les capitaux institutionnels. Les fonds publics peuvent servir à absorber le risque initial et rendre ainsi les projets plus attrayants pour les investisseurs privés, tandis que les capitaux privés peuvent ensuite être déployés à une échelle que les fonds publics seuls ne peuvent égaler.
Les nouveaux modèles d’investissement dans la résilience
Dans la pratique, il s’agit d’intégrer des stratégies d’investissement conjoint entre le public et le privé, ainsi que des stratégies d’adaptation qui renforcent les actifs. Investir conjointement avec les municipalités canadiennes et structurer des fonds qui débloquent des occasions d’investissement adaptées au risque permet d’ouvrir tout un monde de possibilités. En structurant les fonds de manière à réduire le risque de perte, il est possible d’attirer des capitaux privés pour développer et accélérer la réalisation de projets qui, autrement, auraient du mal à se financer.
Pour les municipalités souhaitant moderniser des infrastructures essentielles afin de renforcer et de maintenir la résilience de leurs collectivités, un modèle de financement mixte pourrait leur permettre de n’apporter qu’une partie du financement, le reste étant assuré par un investisseur institutionnel privé. Le financement public pourrait être structuré de manière à garantir un rendement minimum ou à couvrir un certain pourcentage des pertes, rendant ainsi le projet beaucoup plus attrayant pour un investisseur privé.
Un autre modèle consiste à créer un fonds qui investit spécifiquement dans des projets de résilience communautaire à travers le pays. Un tel fonds pourrait être constitué à partir d’un ensemble de capitaux publics et privés. La contribution publique serait alors axée sur la prise en compte des risques spécifiques à ces projets. Le fonds investirait dans un portefeuille de projets (digues des collectivités côtières, projets de verdissement urbain dans les villes, etc.), répartissant ainsi les risques tout en entraînant des répercussions positives et durables.
Étude de cas : Le programme de prêts Maisons Durables Ottawa, qui offre du financement pour les améliorations énergétiques des maisons et qui est remboursé au fil du temps sur les factures d’impôt foncier (modèle connu sous le nom de PACE, Property Assessed Clean Energy), a été étendu avec succès grâce à un partenariat de financement mixte. Après le lancement de ce dernier en 2021, la Ville d’Ottawa s’est associée à la Vancity Community Investment Bank (VCIB) dans le cadre d’un modèle de financement novateur du secteur privé qui a permis à la Ville d’Ottawa d’étendre le programme. Le partenariat avec la VCIB comprenait une facilité de crédit initiale de 3,9 millions de dollars qui a permis de lancer la première phase du programme, ainsi qu’une deuxième tranche de 30 millions de dollars pour étendre le programme à un plus grand nombre de résidents. L’injection de capitaux privés a permis à ce programme très populaire de continuer à se développer, tirant ainsi parti de l’intérêt du secteur privé pour financer l’action climatique locale essentielle.
Pour les investisseurs, ces nouveaux modèles financiers offrent une voie crédible vers un marché où la demande est démontrée et l’impact est durable, et qui génère de réels rendements financiers. En aidant les collectivités à s’adapter, les investisseurs protègent leurs propres investissements et créent du même coup de nouvelles sources de revenus stables.
Les collectivités obtiennent ainsi les capitaux indispensables pour renforcer les infrastructures contre les inondations, les incendies et les chaleurs extrêmes, protégeant ainsi leurs citoyens et leur économie. Pour le Canada dans son ensemble, cette approche harmonise l’adaptation aux changements climatiques avec la durabilité financière et économique, pour ainsi favoriser la résilience de nos collectivités et de nos portefeuilles.
Un appel à mobiliser les investissements pour la résilience
La communauté canadienne des investisseurs responsables se trouve à un moment charnière. Forte de plusieurs décennies de succès dans la mobilisation de capitaux pour l’action climatique locale, elle a désormais une possibilité réelle d’adopter le financement mixte et de favoriser de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé. Le tout permettrait de débloquer les capitaux nécessaires pour bâtir un pays plus résilient. Grâce à cette approche, nous pourrions passer de la gestion des risques à la création active de valeur en intégrant la résilience climatique dans les fondements mêmes de nos portefeuilles, de nos collectivités et de l’avenir économique du Canada.
En tant que l’un des principaux bailleurs de fonds et investisseurs canadiens dans les projets municipaux de durabilité, le Fonds municipal vert (FMV) de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) est idéalement placé pour promouvoir cette approche. S’appuyant sur sa dotation stable, des décennies de succès dans la mobilisation de capitaux pour l’action climatique locale, un solide réseau de plus de 2 100 municipalités membres et un bilan de plus de 1,6 milliard de dollars investis dans plus de 2 700 projets de durabilité depuis 2000, le FMV constitue un pont de confiance entre le capital public et privé.
En créant des opportunités bancables et axées sur l’impact, le FMV offre aux investisseurs une voie crédible vers des projets municipaux évolutifs et à faible risque, répondant à leurs attentes en matière de rendements stables et à long terme. Les investisseurs peuvent renforcer leurs portefeuilles grâce à des placements stratégiques et essentiels dans la résilience, générant une valeur durable tant pour eux que pour les collectivités.
Il est temps d’investir dans la résilience pour transformer les projets locaux en atouts durables pour votre portefeuille, générer des rendements stables et devenir un partenaire dans la construction d’un avenir plus durable et prospère pour tous.
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