Arguments en faveur des filtres carbone dans les portefeuilles et les fonds consacrés aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)

Dans le lexique de l’investissement responsable, le concept d’empreinte carbone est reconnu comme un paramètre important pour l’analyse des activités d’une organisation, exprimé en poids d’émissions de dioxyde de carbone (CO2).

Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’une partie de son origine est une histoire typiquement canadienne. En 1996, le docteur William Rees, universitaire canadien, a publié l’ouvrage Notre empreinte écologique : Comment réduire les conséquences de l’activité humaine sur Terre, en collaboration avec Mathis Wackernagel, alors étudiant. Le livre et le concept d’« empreinte écologique » ont jeté les bases du développement d’outils quantitatifs pour mesurer l’impact humain sur l’environnement.

La popularisation du terme « empreinte carbone » a toutefois une genèse plus insolite : une campagne de relations publiques menée au début des années 2000 par British Petroleum (BP), intitulée Beyond Petroleum. À cette époque, des critiques affirment, dans des publications comme The Guardian, que BP attribue la responsabilité aux consommateurs plutôt qu’aux grandes entreprises qui pourraient apporter de réels changements. Pendant ce temps, BP a dévoilé un « calculateur d’empreinte carbone » permettant aux consommateurs d’évaluer comment leurs habitudes seraient responsables du réchauffement climatique.

Aujourd’hui, la mesure de l’empreinte carbone est devenue un moyen efficace de comparaison des entreprises et des secteurs pour les analystes des facteurs ESG. Elle est également devenue un outil de sélection de plus en plus populaire au sein des fonds d’investissement responsables.

Pour les raisons de rendement et de perception décrites ci-dessous, j’estime que les fournisseurs de fonds devraient adopter davantage le filtrage basé sur les émissions de gaz à effet de serre et que les investisseurs devraient le rechercher lorsqu’ils choisissent des fonds d’investissement responsables.

Filtres de faible émission de gaz à effet de serre et rendement

Sur une base annuelle, les stratégies qui tiennent compte des faibles émissions de gaz à effet de serre semblent avoir généralement donné de meilleurs résultats que les stratégies « vanille » qui ne tiennent pas compte de l’empreinte carbone. L’exemple ci-dessous est un écran de catégorie des FNB d’actions mondiales inscrites à la cote canadienne, où j’ai supprimé les FNB assortis de mandats thématiques et environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG ») ou d’investissement responsable (« IR ») à l’aide des données de Morningstar Direct. Je les compare ensuite à l’univers des actions mondiales canadiennes qui se compose de stratégies ESG/IR. La barre verte représente le sous-ensemble des stratégies ESG/IR qui utilisent un filtre carbone.

Rendement par filtre

3 mois 6 mois CUM 1 an
Actions mondiales-ESG/thématique/faible émission de gaz à effet de serre 9,03 14,26 7,8 7,8
ESG + faible émission de gaz à effet de serre 8,27 16,81 16,54 16,54
Faible émission de gaz à effet de serre 9,82 19,3 21,62 21,62
Source: Morningstar Direct, as at December 31, 2020
Les taux de rendement indiqués sont des rendements globaux composés annuels historiques, qui tiennent compte des changements de valeur par part et du réinvestissement de tous les dividendes ou de toutes les distributions, mais qui ne tiennent pas compte des frais d’acquisition, de rachat, de distribution, des frais facultatifs, ni de l’impôt à payer par tout porteur de titres, qui auraient réduit les rendements. Les taux de rendement indiqués dans ce tableau ne prédisent pas les valeurs futures du FNB ni les rendements des placements dans les produits.

Le filtre de faible émission de gaz à effet de serre ajouté à un mandat ESG existant a accru davantage les rendements (la catégorie de faible émission de gaz à effet de serre semble à elle seule avoir surpassé l’ESG + faible émission de gaz à effet de serre). Mon hypothèse est que l’élimination complète des entreprises de production de combustibles fossiles a permis de supprimer un secteur clé de l’entrave au rendement en 2020. Bien sûr, avec la reprise naissante des stocks de combustibles fossiles, notamment des stocks énergétiques à la fin de 2020, je constate un certain rebond cyclique dans la catégorie des mandats d’actions non ESG/IR au Canada.

Au-delà des données récentes sur les rendements, des changements sociétaux transformateurs sont actuellement observés qui vont probablement amplifier cette tendance. La coopération internationale croissante et les initiatives politiques des gouvernements, y compris la taxation du carbone, la surveillance accrue et le désinvestissement des extracteurs de combustibles fossiles, ainsi que la domination continue sur le marché du secteur technologique relativement moins intensif en émissions de gaz à effet de serre sont autant de facteurs importants qui ont favorisé les entreprises à faible émission de gaz à effet de serre.

Principaux éléments à prendre en compte pour les fonds

Même dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, les Canadiens soulignent que le changement climatique continue d’être considéré comme un problème « extrêmement grave » auquel nous faisons face. En ce qui concerne les placements, selon le sondage d’opinion 2020 de l’Association pour l’investissement responsable, 72 % des investisseurs canadiens sont intéressés par l’investissement responsable, qui intègre des facteurs sociaux, environnementaux et de gouvernance.

J’estime que la vérification des filtres d’empreinte carbone est une mesure nécessaire et objective pour un portefeuille véritablement responsable sur le plan environnemental, car elle présente aux consommateurs le contexte complet de l’incidence positive ou négative de leurs placements sur l’environnement.

Actuellement, il existe de nombreux fonds portant la mention ESG qui incluent des entreprises à forte empreinte carbone, y compris dans l’industrie pétrolière et gazière. Bien que certaines entreprises poursuivent peut-être des initiatives visant à réduire leur empreinte, je suis d’avis que les extracteurs de combustibles fossiles ne sont pas des entreprises respectueuses de l’environnement, surtout lorsque les 20 principales entreprises qui ont contribué aux émissions de gaz à effet de serre de 1965 à 2017, pour une valeur de 480 milliards de tonnes, sont toutes des entreprises d’extraction de combustibles fossiles.

Ces entreprises faisant partie d’une industrie à fortes émissions de gaz à effet de serre, je considère qu’il est peu probable qu’elles soient représentées au sein d’un fonds qui utilise des méthodes et un filtrage d’entreprises à faibles émissions de gaz à effet de serre. J’estime également qu’il est peu probable qu’un investisseur, soucieux de l’impact environnemental de son portefeuille, choisisse un fonds reconnu comme respectueux de l’environnement, mais comportant de grands pollueurs.

Conclusion

Il importe de noter qu’il n’existe pas d’approche unique pour le filtrage des sociétés émettrices de gaz à effet de serre. Par exemple, en plus d’autres méthodes de sélection, y compris l’exclusion des producteurs de combustibles fossiles, les entreprises faisant partie du FNB Horizons Indice chefs de file mondiaux en matière de durabilité (ETHI) doivent avoir une efficacité carbone qui les place dans le premier tiers des entreprises de leur secteur respectif. ETHI n’est pas seul dans cette catégorie. D’autres filtres fondés sur les émissions de gaz à effet de serre, y compris ceux avec un seuil d’émissions plafonné, pourraient ne pas tenir compte de certaines des entreprises détenues dans ETHI, estimant que les actions de géants mondiaux qu’il détient, comme Apple, ont une empreinte carbone trop élevée pour ses critères.

En fin de compte, je considère les filtres carbone comme un outil efficace qui a non seulement contribué au rendement supérieur constaté récemment par rapport aux fonds non soumis à un filtre carbone,[1] mais qui renforce également la légitimité et la perception des méthodes d’investissement respectueuses de l’environnement. J’invite les fournisseurs de fonds à étudier la possibilité d’adopter davantage le filtrage carbone dans leurs portefeuilles d’investissement responsable et les investisseurs soucieux de l’impact environnemental de leurs portefeuilles à rechercher activement des fonds qui incluent ce type d’investissement.

Tout placement dans le FNB Horizons Indice chefs de file mondiaux en matière de durabilité géré par Horizons ETFs Management (Canada) Inc. (le « FNB ») peut donner lieu à des commissions, à des frais de gestion et à d’autres frais. Le FNB n’est pas garanti, sa valeur fluctue fréquemment et son rendement passé pourrait ne pas se répéter. Le prospectus contient des renseignements détaillés importants au sujet du FNB. Veuillez lire le prospectus avant d’effectuer un placement.

Sources:

[1] Morningstar Direct, en date du 31 décembre 2020

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Toutes les informations proposées dans ce rapport sont considérées d’être exactes, mais ne sont pas garanties. Tous les points de vue exprimés dans le présent document sont ceux de l’auteur et ne sont pas nécessairement ceux de Horizons ETFs Management (Canada) inc. Les commentaires, opinions et opinions exprimés sont de nature générale et ne doivent pas être considérés comme des conseils d’achat ou de vente des titres mentionnés.
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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Comment les facteurs ESG stimulent les attentes des investisseurs dans un monde post pandémique

Un éventail croissant d’investisseurs institutionnels et individuels se mobilisent autour de l’analyse de rentabilisation en tenant compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement. Selon le rapport de tendances de l’investissement responsable canadien 2020, il y a, à l’heure actuelle, 3,2 billions de dollars en actifs gérés de placements responsables au Canada avec une croissance de 48 % sur une période de deux ans. Cela représente 61,8 % de l’industrie canadienne des placements. Les investisseurs canadiens sont de plus en plus exigeants quant à la façon d’utiliser leur capital et cherchent à produire des rendements tout en tenant compte des facteurs ESG comme éléments clés.

En cette période d’incertitude mondiale, les investisseurs institutionnels continuent de rechercher les investissements qui protègent leur capital des risques, tout en générant des rendements élevés. Même avant que la crise mondiale de la pandémie de COVID-19 n’expose l’importance des politiques de santé publique pour les investissements, il était justifié de réfléchir aux décisions d’investissement.

Changer les considérations des investisseurs

Certains investisseurs croient que les marchés sains exigent des économies et des sociétés plus fortes : pour eux, investir consiste à « bien faire » tout en réalisant de bonnes actions. Cela peut être particulièrement pertinent dans les organisations axées sur les valeurs, par exemple les organisations axées sur la foi ou les fondations axées sur une mission qui cherchent à générer des rendements de placement pour soutenir les objectifs à long terme d’une organisation axée sur les valeurs. De même, une gamme croissante de fonds d’investissement responsables gagnent en popularité, particulièrement chez les investisseurs de la génération du millénaire. Les répercussions pour les promoteurs et les investisseurs de régimes de retraite peuvent varier considérablement en fonction de leur auditoire sous-jacent de participants au régime ainsi que des attentes et exigences individuelles de leurs conseils et fiduciaires.

Tout comme l’objectif varie d’une organisation à l’autre, les façons dont les propriétaires d’actifs, les fonds souverains, les sociétés de gestion de placement et les sociétés manifestent des facteurs ESG dans leurs habitudes de placement varient également. Une organisation pourrait mettre davantage l’accent sur le « E » considérant le changement climatique, tandis qu’une autre pourrait s’intéresser davantage au « S », comme les problèmes liés aux soins de santé ou à la justice sociale. D’autres peuvent expressément reporter ces évaluations à leurs gestionnaires d’actifs. La diversité de la pensée reste une caractéristique clé, tant pour ceux qui cherchent à faire une différence que pour ceux qui attendent une plus grande clarté, plus de données ou une plus grande normalisation.

Dans l’ensemble, quelques thèmes cohérents émergent néanmoins. Notamment, les investisseurs institutionnels exigent de la transparence sur les questions ESG et recherchent des options d’investissement supplémentaires qui peuvent conduire à des résultats ESG positifs. Une étude récente menée par BNY Mellon auprès de l’Official Monetary and Financial Institutions Forum (OMFIF) a montré que les trois quarts des banques centrales, des fonds souverains et des fonds de pension publics interrogés tiennent compte des facteurs ESG dans leur processus d’investissement. Certains investisseurs utilisent la stratégie d’investissement d’impact comme moyen de stimuler l’innovation dans les technologies de remplacement susceptibles de réduire l’impact environnemental des solutions plus traditionnelles. De plus, à mesure que les membres de la génération du millénaire accumulent des richesses, les entreprises de services financiers pourraient voir les possibilités de modifier leurs stratégies et de créer des options et des produits d’investissement fondés sur la valeur.

Défis et opportunités d’investissement ESG

Il est de plus en plus nécessaire d’être constant sur le marché complexe d’aujourd’hui et de rendre plus accessibles les meilleures pratiques d’investissement ESG. Parmi ces meilleures pratiques, on compte le besoin de personnalisation selon les préférences des personnes, les normes de soutien au processus d’investissement ESG et la preuve de la représentation des facteurs ESG dans les investissements durables. Tout comme les propriétaires d’actifs font face à la demande croissante des conseils et des fiduciaires, les gestionnaires d’actifs et les émetteurs peuvent également s’attendre à des demandes pour une plus grande transparence en ce qui concerne les investissements ESG dans les portefeuilles des parties prenantes internes et externes.

Selon des recherches à venir de CIBC Mellon sur la façon dont les fonds de pension canadiens se préparent pour un environnement post-Covid-19, 80 pour cent des fonds de pension ont l’intention de se faire entendre davantage au sujet des stratégies de placement au cours des 12 prochains mois. CIBC Mellon a commandé un sondage auprès de 50 gestionnaires de régimes de retraite canadiens de premier plan, dont la moitié comptait entre 600 M$ et 1,2 G$ en actifs gérés, et l’autre moitié comptant plus de 1,2 G$ en actifs gérés. Comme les fonds de pension travaillent et collaborent avec des gestionnaires externes, tout en leur faisant des allocations, beaucoup d’entre eux ont l’intention d’être plus impliqués que par le passé. Cela concerne non seulement le rendement, mais aussi des questions plus générales comme la gouvernance et la prise en compte de facteurs non financiers ou fondés sur les valeurs comme les facteurs ESG. Alors que les investisseurs ont cité des domaines comme la transparence et la réduction des frais comme priorités pour l’année à venir, 44 % des répondants ont indiqué qu’ils prévoient se concentrer davantage sur les gestionnaires de fonds qui tiennent compte des questions ESG.

Alors que les organisations réfléchissent à leurs allocations de placement, à la gestion des placements, à la surveillance du rendement/de la conformité et aux efforts opérationnels au cours des années à venir, les occasions d’aligner leur objectif sur ce qu’elles font et comment elles le font continueront probablement à augmenter, tout comme la pression des données qui mettent de plus en corrélation la valeur et les valeurs autour l’intégration des facteurs ESG. Les attitudes en évolution rapide des investisseurs et les explorations des facteurs ESG ont défini leur influence sur le niveau macroéconomique. Elle stimule le changement non seulement dans la façon dont les organisations mènent leurs activités, mais aussi dans la façon dont elles se définissent et pensent à leur propre rôle dans le monde.

Bien que ce changement de paradigme continue d’évoluer et que les intervenants de l’industrie de l’investissement réévaluent leurs approches, ces tendances seront probablement un défi déterminant non seulement pour la génération actuelle, mais pour les générations à venir. Cette importance déterminera ce que les parties prenantes attendent de leurs fournisseurs, qu’il s’agisse de citoyens qui veulent plus de leurs fonds souverains, des retraités qui établissent des attentes plus élevées à l’égard des fonds de pension, ou des titulaires de fonds souverains et de fonds de pension qui s’attendent à plus de leurs gestionnaires de placements.

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Quatre façons de renforcer la résilience climatique sans dépenses gouvernementales

Alors que nous fermons le calendrier 2020, une année à jamais marquée dans notre mémoire collective en raison de la pandémie mondiale, nous sommes nombreux à nous demander : « comment reconstruire et créer un avenir meilleur ? »

Les gouvernements fédéral et provinciaux ayant déjà dépensé jusqu’à présent des centaines de milliards de dollars pour aider les Canadiens et les entreprises à survivre à la dévastation économique causée par la pandémie, sans compter les nombreuses années de dette et de déficits gouvernementaux records à venir, force est de se demander s’il restera quelque chose dans le coffre-fort pour la prochaine crise mondiale. Comment nos gouvernements peuvent-ils se préparer à l’inévitable crise climatique à venir, sans ajouter à la montagne record de dette et de déficits ?

Fait intéressant, des solutions claires et pragmatiques ont été proposées en 2019 par un groupe d’experts en finance durable. Ce groupe d’experts, présidé par Tiff Macklem, aujourd’hui gouverneur de la Banque du Canada, et composé de quelques-uns des plus grands spécialistes de la finance au Canada, a formulé certaines recommandations au gouvernement fédéral sur la façon de mobiliser des capitaux privés, de stimuler une croissance durable et de lutter contre les changements climatiques.

Bien que le présent rapport, intitulé Mobiliser le financement pour une croissance durable, soit une feuille de route réfléchie et complète reliant les objectifs climatiques, les ambitions économiques et les impératifs d’investissement du Canada, quatre recommandations du rapport abordaient des solutions sur la façon de mobiliser des capitaux du secteur privé pour bâtir une économie durable et résiliente pour l’avenir. Ces recommandations se sont concentrées sur l’utilisation d’incitations fiscales et d’investissement dans le code des impôts pour catalyser le capital privé afin d’investir dans l’économie verte, en particulier (1) l’expansion des régimes d’épargne enregistrés pour les produits soucieux du climat, (2) l’utilisation de crédits d’impôt pour les investisseurs, (3) des exonérations fiscales pour les investisseurs en obligations vertes, et (4) une déductibilité accrue des intérêts pour les émetteurs d’obligations vertes.

Avant de plonger dans ces recommandations, le recours à des incitatifs fiscaux et à l’investissement ciblés s’est historiquement révélé très efficace pour catalyser, bâtir et soutenir diverses industries au Canada. Par exemple, l’exonération de la taxe pour la résidence principale et l’incitatif à l’accession à la propriété sont essentiels pour encourager l’accession à la propriété. Le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental et divers crédits d’impôt provinciaux pour capital de risque offrent des incitatifs à l’investissement essentiels pour les investisseurs en technologie et en biotechnologie. Les programmes accréditifs mobilisent du capital de risque pour les secteurs minier, pétrolier et gazier. Les crédits d’impôt pour amortissement accéléré incitent les entreprises manufacturières à investir dans de nouveaux équipements. Même les régimes enregistrés comme les REER et les CELI encouragent les particuliers à épargner en vue de leur retraite et offrent un moyen de compléter leur RPC. Ces incitatifs ciblés ne nécessitent pas de financement public direct et constituent un moyen intelligent de diriger les capitaux nécessaires vers la création d’emplois et les industries du bâtiment.

1. Expansion des régimes enregistrés d’épargne

La recommandation 2.1 du rapport encourageait le gouvernement à « créer des incitatifs financiers pour amener les Canadiens à investir dans des produits reconnus comme étant respectueux du climat, par l’entremise de leurs régimes enregistrés d’épargne ». Plus précisément, le Comité a recommandé que le programme fournisse : (i) une déduction du revenu imposable supérieur à 100 % des cotisations admissibles, et (ii) une limite de cotisation supérieure exclusivement pour les placements admissibles.

2. Utilisation des crédits d’impôt pour les investisseurs

La recommandation 9.2 (b) du rapport a également encouragé l’utilisation de crédits d’impôt, grâce auxquels les investisseurs obligataires recevraient des crédits d’impôt à la place des paiements d’intérêts afin que les émetteurs n’aient pas à payer un taux d’intérêt du marché sur leurs obligations vertes.

3. Exonération d’impôt pour les souscripteurs d’obligations vertes

Le rapport recommandait également d’envisager des exonérations fiscales pour les souscripteurs d’obligations vertes, où les investisseurs ne paieraient pas d’impôt sur les intérêts des obligations vertes qu’ils détiennent.

4. Déductibilité accrue pour les émetteurs

Le rapport suggère également d’offrir aux émetteurs d’obligations vertes une plus grande déductibilité des intérêts grâce à laquelle les émetteurs recevraient un multiplicateur sur la déductibilité des intérêts de leurs émissions d’obligations vertes.

Le rapport encourage en outre à « collaborer avec les chefs de file du secteur financier afin d’accélérer la progression l’offre canadienne pour les instruments verts à taux fixe liquides et axés sur la transition » grâce à une gamme d’incitatifs temporaires fondés sur les émissions.

L’adoption de ces recommandations inciterait les investisseurs canadiens à investir dans des entreprises canadiennes qui contribuent à un avenir durable et qui font preuve de résilience sur le plan environnemental tout en contribuant à améliorer leur compétitivité. Par exemple, les obligations vertes RE Royalties ou les obligations vertes CoPower seront utilisées pour financer les investissements réalisés dans la production d’énergie renouvelable, la gestion de l’efficacité énergétique et les infrastructures durables.

Cela fournirait à son tour aux entreprises innovantes le capital nécessaire pour mettre leurs produits et solutions sur le marché, créer des emplois de haute qualité, enrichir les communautés et construire des écosystèmes durables. Ce flux de capitaux viendra compléter les efforts du gouvernement pour nous assurer d’atteindre nos objectifs climatiques à temps et ne nécessitera pas de financement public direct dans l’économie durable.

Alors que nous approchons de la marque d’un an et demi depuis la parution du rapport du groupe d’experts sur la finance durable, il est important que les recommandations formulées ne soient pas perdues ou retardées davantage au sein de la bureaucratie interne des gouvernements. La crise climatique est déjà là et deviendra de plus en plus dévastatrice chaque année. D’autres études à entreprendre ultérieurement ne feront qu’exacerber ce qui est déjà une situation urgente.

Comme 2020 nous l’a montré, des événements qui modifient la vie mondiale comme une pandémie ou un changement climatique ont la capacité de redéfinir les économies et les sociétés. Bien que la finance durable ne soit pas une panacée à la crise climatique, elle est un vaccin pour nous protéger des effets dévastateurs du changement climatique.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
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Gouvernance climatique efficace : Un nouveau guide pour assister les conseils d’administration, investisseurs et gestionnaires d’actifs

Les risques financiers liés au climat de même que les autres facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont de plus en plus dans l’esprit des investisseurs canadiens.

En novembre 2020, les PDG de huit des plus grands gestionnaires de placements de fonds de pension au Canada, représentant 1,6 billion de dollars en actifs, ont publié une déclaration reconnaissant la nécessité de mettre da durabilité au centre des efforts d’une reprise post-COVID-19; cherchant à standardiser les divulgations ESG des sociétés de portefeuilles qui sont alignées avec le cadre du Groupe de travail sur les divulgations financières liées au climat (GTDF) (Taskforce on Climate-related Financial Disclosure). Le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu’il encourageait les sociétés côtées en bourse de divulguer leur progrès quant à la réduction des émissions en utilisant le cadre du GTDF et il mène présentement des consultations publiques sur la question de savoir s’il devrait exiger des fonds de pension sous réglementation fédérale de divulguer les facteurs ESG dans leurs déclarations des politiques et procédures d’investissement.

Afin d’intensifier sérieusement les investissements durables et une gouvernance climatique efficace, les conseils d’administration et fonds de pension ont besoin d’outils qui peuvent soutenir ces efforts. Un de ces outils est le nouveau Comités d’audit et gouvernance climatique efficace, Guide à l’intention des conseils d’administration développé par l’Initiative canadienne de droit climatique. Que vous soyez un gestionnaire ou propriétaire d’actifs, ou un conseiller, ce guide compréhensif offre un aperçu sur ce que vous pouvez vous attendre des sociétés bénéficiaires et leur gestion des risques et opportunités liés au climat. Alors que le conseil d’administration a la responsabilité de superviser la planification stratégique, la gestion des risques et le plan d’affaires de la société, le comité d’audit a souvent la responsabilité d’entreprendre une surveillance détaillée des processus de rapports financiers. Il a un rôle pivot dans la divulgation des risques et opportunités liés au climat dans les états financiers, essentiel pour la confiance des investisseurs dans les états financiers de la société.

Étant donné les impacts financiers croissants des changements climatiques, les administrateurs ont un devoir de s’assurer qu’ils gèrent et divulguent les risques et opportunités liés au climat. Les investisseurs sont de plus en plus engagés dans l’investissement responsable, incluant les facteurs ESG dans leurs décisions d’investissements, gestion de risques et dans l’amélioration de leurs rendements financiers. Le Global Sustainable Investment Review 2018 rapporte que les actifs d’investissement durable sont passés de 30,7 billions de dollars américains dans le monde. En 2020, le Rapport de tendances de l’investissement responsable canadien a observé qu’au Canada, il y a 3,2 billion de dollars d’actifs d’investissement responsable sous gestion, une croissance de 48% sur une période de deux ans. Il rapporte que les investissements responsables représentent maintenant 61.8% de l’industrie canadienne de l’investissement. Ce montant devrait augmenter considérablement étant donné l’intérêt des investisseurs et les signaux clairs du gouvernement fédéral que le futur du Canada dépend des investissements durables et responsables.

En cherchant à attire des capitaux, les conseils d’administration s’appuient sur le comité d’audit pour évaluer la qualité et l’exactitude des divulgations financières liées au climat, et ce nouveau guide propose des questions pratiques et détaillées que les comités d’audit devraient poser à leurs dirigeants et auditeurs internes. Les facteurs clés pour une évaluation précise des états financiers de la société comprennent l’évaluation des risques physiques aigus et chroniques, la transition économique, les risques de litige, l’évolution des attentes des consommateurs, les attentes des investisseurs en dette et en actions, les exigences réglementaires, et des conseils sur les meilleurs pratiques. Alors que le rôle de premier plan du comité d’audit évolue, son évaluation détaillée des risques et opportunités financiers viendra soutenir le marché d’investissement responsable grandissant.

Les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières ont été clairs que les changements climatiques sont désormais un enjeu pour les sociétés et que ces dernières doivent divulguer les risques matériels liés au climat et comment elles les abordent. Ils ont averti que la divulgation standard des risques financiers liés au climat n’était plus acceptable. Le guide Comités d’audit et gouvernance climatique efficace offre des trucs pratiques et aperçus sur les attentes des organismes de régulation et des investisseurs. Les comités d’audit ont un rôle central à jouer pour s’assurer que les informations financières des sociétés est complète et redevable. Le guide rassemble les orientations juridiques et meilleures pratiques pour les comités d’audit afin de les aider à assumer un rôle de leadership dans une gouvernance climatique efficace.

Le guide fait également un suivi utile sur la manière dont les différents cadres, tels que les Sustainability Accounting Standards (SASB) et le GTDF, s’intègrent dans le contexte canadien. Il énonce les attentes des organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières à l’égard de la divulgation des sociétés, situant le exigences canadiennes de comptabilité dans les récents développements de l’International Financial Accounting Standards et de l’ensemble de base Stakeholder Capitalism Metrics du Forum Économique Mondial, et il aborde l’utilisation des divulgations par le conseil d’administration pour aligner leur rapport général sur leur performance par rapport des indicateurs ESG, incluant les changements climatiques.

Les auditeurs externes intègrent de plus en plus les enjeux climatiques dans leurs audits externes, et il n’est qu’une question de temps avant qu’ils élèvent les enjeux climatiques comme « enjeux d’audit clé » pour certaines entités. Le comité d’audit doit donc être préparé. Ce guide offre une série de questions que le comité d’audit peut poser pour s’assurer que l’information financière reflète fidèlement la gouvernance, stratégie, gestion de risques et indicateurs et objectifs liés aux changements climatiques de la société. Il offre des trucs pratiques sur ce que les investisseurs cherchent dans les états financiers et rapports de gestion. Les risques et opportunités liés au climat de même que les facteurs ESG et indicateurs financiers sont important pour évaluer la valeur des sociétés bénéficiaires.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Refonte des rapports des PRI et perspectives sur les données canadiennes

Les PRI soutenus par l’ONU visent à rassembler les investisseurs responsables pour travailler à des marchés durables qui contribuent à un monde plus prospère pour tous. Les signataires souscrivent aux six principes et au rapport annuel obligatoire fait aux PRI de leurs activités d’investissement responsable. Ainsi, le cadre de reporting évolutif abrite une base unique et incroyablement puissante de données standardisées (c’est-à-dire comparables) sur l’investissement responsable. Ces données ont été directement rapportées depuis 2012 par des milliers d’investisseurs à travers le monde couvrant toutes les classes d’actifs. En analysant ces données, nous sommes en mesure d’identifier les tendances du marché, les meilleures pratiques et les points faibles, et nous pouvons découper ces données de plusieurs façons pour obtenir une perspective solide sur divers facteurs. Dans un effort visant à améliorer la transparence des marchés durables, les PRI partagent ces informations par l’intermédiaire d’un ensemble incroyablement riche en données de « rapports instantanés » dynamiques qui sont accessibles au public :

Vue d’ensemble : Carte de la distribution des AUM par classe d’actifs

*Voir les liens vers d’autres rapports instantanés ci-dessous

Refonte du cadre de reporting

Pour marquer le 10e anniversaire des PRI en 2016, nous avons entrepris une série d’initiatives afin d’évaluer les progrès et créer une vision ambitieuse et réalisable de la manière dont les PRI et la communauté de l’investissement responsable au sens large devraient progresser au cours des 10 prochaines années. Ces activités ont abouti au lancement de « Un plan d’action pour l’investissement responsable » (le « Plan d’action ») en 2017, qui définit l’orientation de nos travaux pour les dix années à venir. L’objectif primordial du Plan d’action est de rassembler les investisseurs responsables pour travailler à des marchés durables qui contribuent à un monde plus prospère pour tous. Cet objectif est étayé par neuf domaines prioritaires, l’un d’entre eux étant « favoriser la circulation de données pertinentes ». L’un des livrables de la production de données pertinentes concernait la refonte de notre cadre de reporting pour inclure les résultats des Objectifs de développement durable (ODD).

Le Cadre de reporting de 2020, bien qu’exhaustif, se concentre principalement sur les processus en place pour mettre en œuvre les politiques et les activités d’investissement responsable. L’objectif à long terme des PRI est de développer le Cadre de reporting pour nous permettre de mieux mesurer la contribution de l’investissement responsable aux améliorations ESG tangibles. Nous avons décidé qu’il était temps de revoir et de refaire l’ensemble du cadre. L’objectif de la refonte était à la fois de garantir que les rapports et l’évaluation des PRI ont des objectifs clairs quant à la manière dont ils contribueront à favoriser le changement dans le secteur de l’investissement et de s’assurer qu’ils restent pertinents pour l’évolution des pratiques d’investissement responsable.

Un exemple de changement important est l’introduction du modèle « core » et « plus ». Il vient clarifier et s’appuie sur le précédent Cadre de reporting, prévoyant des indicateurs obligatoires et volontaires, regroupés en deux composantes principales :Parmi les autres améliorations apportées au Cadre de reporting, mentionnons qu’il a été raccourci et qu’il est plus concis. Par exemple, de nombreux indicateurs qui se répètent dans les modules sur les classes d’actifs ont été retirés et ajoutés aux modules globaux. Nous avons également rendu le nouveau Cadre plus détaillé. Les signataires seront interrogés non seulement sur leurs politiques et leurs activités, mais aussi sur l’étendue des actifs sous gestion et la profondeur de leurs activités. Par exemple, la façon dont les informations ESG sont utilisées dans la prise de décisions, le suivi et l’escalade des investissements est beaucoup plus importante. Pour en savoir plus sur la refonte, cliquez ici, ou cliquez ici pour consulter les nouvelles questions détaillées de reporting.

Un exemple d’aperçu des données de reporting canadiennes

Après avoir analysé certaines des données des signataires canadiens, l’équipe des relations avec les signataires a défini les titres à revenu fixe comme un domaine d’opportunité pour 2021. Le revenu fixe est le module le plus souvent mentionné parmi les signataires canadiens, mais il obtient le score le plus faible en moyenne. Les politiques et procédures d’investissement responsable propres aux titres à revenu fixe ne sont pas courantes au Canada et dans de nombreux autres marchés, bien qu’il y ait une tendance claire à y remédier, et bien que les scores soient faibles, ils s’améliorent. Par exemple, dans la déclaration des signataires canadiens en 2020, 14 % des modules de déclaration directe des titres à revenu fixe (gérés en interne) ont reçu une note de zéro (ou une note de « E »).**

Pour le contexte, dans le monde, 13 % des modules à revenu fixe direct ont reçu un score de zéro et rien qu’au Royaume-Uni, ce chiffre a été réduit de moitié à 6,5 %. Ces scores datent de 2020. Le nouveau cadre de reporting, qui est désormais ouvert pour la saison de reporting 2021, est plus détaillé. Par exemple, on demandait auparavant aux signataires s’ils incorporaient les facteurs ESG dans leurs activités d’investissement à revenu fixe alors que dans le nouveau Cadre de reporting, ils devront divulguer l’étendue des actifs sous gestion couverts par ces activités ainsi que leur degré de mise en œuvre.

Pourcentage de note « E » pour les modules gérés à l’externe

Pourcentage de note « E » pour les modules gérés directement

Dans le but d’accélérer les progrès au sein du secteur canadien des placements, les PRI ont organisé (et enregistré) un webinaire pour passer en revue certains des excellents travaux de notre propre équipe sur les titres à revenu fixe, passer en revue les pratiques exemplaires et le leadership au sein de la Base canadienne de signataires du PRI et discuter du nouveau Cadre de reporting. Nous sommes impatients de poursuivre nos efforts de collaboration, car l’ESG demeure une question de plus en plus centrale pour les investisseurs canadiens.

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Rapport instantané – Analyse des scores d’évaluation (2014-2019)
Rapport instantané 2020 – Changement climatique
Rapport instantané 2020 – Politiques d’investissement responsable accessibles au public
Aperçu des titres à revenu fixe directs PRI

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Méthodologie générale d’évaluation

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Gestion du risque climatique dans les portefeuilles d’investissement institutionnels : études de cas

À mesure que la crise climatique et ses répercussions physiques s’accélèrent, de même que la transition vers une économie carboneutre, les investisseurs canadiens reconnaissent de plus en plus les risques matériels et financiers que représente le risque climatique pour leurs portefeuilles. Des investisseurs institutionnels de plus en plus importants savent qu’ils doivent évaluer et gérer les risques liés au climat s’ils veulent s’acquitter de leurs obligations fiduciaires envers les clients et les bénéficiaires.

Dans le cadre d’étapes qui s’alignent sur The Investor Agenda, une initiative visant à accélérer et à intensifier les actions qui sont essentielles pour maintenir le réchauffement de la planète sous la barre du 1,5 degré Celsius, certains régimes de retraite canadiens ont élaboré des plans d’action climatique impliquant des stratégies d’investissements faibles en carbone, l’engagement auprès des entreprises, la divulgation et le plaidoyer politique. Cet article explique comment trois régimes de retraite canadiens, la Caisse des dépôts et de placement du Québec (CDPQ), OP Trust et le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO) abordent le risque climatique dans leurs portefeuilles de placements respectifs.

Chacun de ces Plans a mis au point une gamme d’approches visant à évaluer et à gérer deux risques fondamentaux liés au changement climatique : le risque physique (p. ex., les impacts des vagues de chaleur, des sécheresses, des incendies de forêt, de l’élévation du niveau de la mer, des inondations et des tempêtes plus fortes) et le risque de transition (p. ex., les impacts des politiques climatiques gouvernementales comme la tarification du carbone et la transition technologique vers les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les technologies économes en énergie et en ressources). Une stratégie consiste à « décarboniser » les portefeuilles en réduisant l’intensité carbone de portefeuilles entiers ou de classes d’actifs particulières. Une autre stratégie courante consiste à aligner leurs portefeuilles sur l’objectif « bien en dessous des 2 degrés Celsius » de l’Accord de Paris. Certains ont fixé des objectifs assortis de délais pour la réduction des émissions. D’autres ont fixé des objectifs quantitatifs pour intensifier leurs investissements à faible émission de carbone et positifs pour le climat, et font état de leurs stratégies et progrès conformément au cadre du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD).

CDPQ

La CDPQ a adopté sa Stratégie d’investissement face au défi climatique en 2017. Celle-ci repose sur quatre piliers : prendre en compte le facteur climatique dans chacune des décisions d’investissement, réduire l’intensité carbone du portefeuille, augmenter les investissements sobres en carbone, ainsi qu’exercer un leadership renforcé en matière climatique auprès de l’industrie et des sociétés en portefeuille. Elle vise à réduire l’intensité carbone de son portefeuille de 25 % d’ici 2025 avec les bilans carbones pour chaque classe d’actifs. La CDPQ prévoit également augmenter de 80 % ses investissements à faible émission de carbone dans toutes les catégories d’actifs pour atteindre 32 milliards de dollars d’ici la fin de 2020.[1] Si un risque lié au climat est jugé important pour un investissement particulier, la CDPQ effectue une analyse qualitative rigoureuse du risque et de son impact, en faisant appel à des consultants spécialisés au besoin. Le fonds préfère l’engagement à l’exclusion, mais réduira son exposition lorsque l’engagement ne produit pas de résultats satisfaisants. D’ailleurs, la rémunération de son personnel d’investissement est alignée sur la réalisation de ces objectifs de réduction du carbone.

La stratégie d’investissement face au défi climatique de la CDPQ repose sur quatre principes : (1) des cibles réalisables (2) un rendement mesurable (3) une divulgation transparente du processus et des résultats et (4) la collaboration. La Stratégie est en avance sur le calendrier, la CDPQ ayant ajouté 16 milliards de dollars en actifs sobres carbone pour un total de 34 milliards de dollars d’ici la fin de l’exercice 2019 et réduit l’intensité carbone de son portefeuille de 21 % au cours de la même période.[2]

OPTrust

De même, OPTrust a publié son Plan d’action pour le climat (Climate Change Action Plan) en 2018 avec huit piliers conçus pour renforcer la résilience du Fonds face au changement climatique. OPTrust a entrepris plusieurs études dans le cadre de son analyse du changement climatique. La première, réalisée en 2017 avec Mercer Consulting qui a mené une analyse de scénario de changement climatique du fonds complet pour évaluer la résilience probable de son portefeuille à un monde à 2 degrés Celsius, soit l’objectif de l’Accord de Paris. Le second, en partenariat avec Ortec Finance, était un projet de gestion actif-passif/d’allocation d’actifs stratégique intégrant les risques et opportunités physiques et de transition associés au changement climatique dans plusieurs scénarios temporels multi-horizon. Une troisième, actuellement en cours, est une étude ascendante visant à établir une évaluation de base des risques liés au climat pour l’ensemble du fonds, y compris l’empreinte carbone, les actifs bloqués et les analyses de la transition énergétique.

Le fonds a effectué un sondage pour cerner les considérations de ses gestionnaires externes sur l’ESG et le climat dans leurs processus d’investissement. Par la suite, l’équipe d’OPTrust a créé un ensemble d’attentes claires pour l’intégration des facteurs ESG et climatiques dans le processus d’investissement à utiliser lors des réunions de ses dirigeants. Parce que l’échelle mondiale des risques liés au climat nécessite une action collective, OPTrust collabore avec des organisations telles que le Ceres Investor Network, CDP et le Réseau de leadership d’investisseurs. Le fonds participe également à l’initiative Climate Action 100+ pour engager les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre.

OPTrust est actuellement en discussion avec des fournisseurs de données pour aider à concevoir des métriques ascendantes de risque de changement climatique en termes de risque physique et de risque de transition pour toutes les classes d’actifs. Il continue également de rechercher des modèles de risque qui fournissent des informations exploitables sur des questions clés, telles que la valeur carbone à risque, qui permettront aux gestionnaires de portefeuille d’intégrer en toute confiance et pleinement le changement climatique dans la construction du portefeuille et le processus d’investissement.

RREO

Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO) intègre pleinement le risque climatique dans les processus d’investissement de l’organisation et chez tous ses professionnels de l’investissement. L’approche globale du Plan consiste à intégrer la prise en compte du changement climatique dans ses investissements, à lancer le dialogue avec les entreprises, l’industrie, les organismes de réglementation et les décideurs politiques afin d’effectuer des changements positifs et à rechercher les opportunités d’investissement qui se présentent. En 2017, le RREO a élaboré son cadre de transition vers une économie à faibles émissions de carbone (EFEC). Le cadre EFEC a identifié et surveille douze jalons qui sont des indicateurs de la direction et du rythme du changement de l’économie vers un avenir sobre en carbone, ce qui aide l’organisation à évaluer les mérites et la résilience à long terme des investissements.

Le RREO intègre systématiquement les risques et opportunités associés au changement climatique dans toutes les classes d’actifs et à tous les niveaux de l’organisation. Le Fonds est également actif à l’externe auprès des entreprises, de l’industrie et d’autres pour gérer les risques et investir dans les opportunités. Le principe de départ du RREO est que nous sommes en train de passer à une économie à faibles émissions de carbone ; cependant, la fluidité ou la perturbation de cette voie reste incertaine. Le cadre de transition vers une économie à faibles émissions de carbone identifie trois scénarios ou voies différents qui nécessitent une attention continue de l’organisation : 1) une transition ordonnée vers une économie à faibles émissions de carbone ; 2) une transition conforme aux politiques et pratiques actuelles ; et 3) une période de dépendance soutenue aux combustibles fossiles qui conduit finalement à des actions drastiques et perturbatrices pour freiner le réchauffement.

Un élément important de la stratégie climatique des enseignantes et des enseignants de l’Ontario consiste à exercer son influence en tant qu’investisseur majeur dans les caisses de retraite et à collaborer avec des organismes pairs. Outre sa représentation au sein des conseils d’administration des entreprises du portefeuille, le RREO est signataire et participant au Climate Action 100+, l’initiative mondiale des investisseurs visant à mobiliser les entreprises à fortes émissions de carbone ; membre fondateur du Réseau de leadership d’investisseurs, composé de quatorze propriétaires d’actifs mondiaux (dont six fonds de pension canadiens) qui préconisent une meilleure divulgation des changements climatiques ; et membre du groupe consultatif des investisseurs du SASB. Le RREO siège également au conseil d’administration du Global Real Estate Sustainability Benchmark (GRESB) et a contribué à la fondation de l’évaluation des infrastructures du GRESB. Faisant partie de l’écosystème financier canadien, le RREO est membre de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance et du Accounting for Sustainability CFO Leadership Network.

Le RREO n’a pas répertorié officiellement tous ses investissements qui soutiennent la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, mais son portefeuille immobilier de 30 milliards de dollars répond aux normes LEED ou BOMA BEST et ses aéroports sont tous carboneutres ou progressent vers la neutralité carbone. Le Fonds a également des investissements directs dans les énergies renouvelables, les technologies liées au climat, l’agriculture et la foresterie durables et les infrastructures liées à l’eau. En novembre 2020, le RREO a lancé une obligation verte de 750 millions d’euros pour faire progresser son programme d’investissement durable.

Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario élabore un cadre de maturité ESG spécifique au secteur qui s’inspire du travail de normalisation du SASB pour 77 industries et utilise les données de Bloomberg et de MSCI ainsi que notre évaluation exclusive de la gouvernance, des politiques et des pratiques des entreprises concernant les facteurs de durabilité importants. Le cadre permet au RREO de classer la gestion ESG des entreprises en tant que référence, avancée ou exceptionnelle, et de suivre les progrès de l’entreprise concernant des éléments tels que les pratiques de gestion des risques, l’intensité des émissions de carbone et la divulgation des risques climatiques conformément aux recommandations du TCFD.

Ces trois grands régimes de retraite canadiens sont des chefs de file dans la reconnaissance et la gestion du risque climatique dans leurs portefeuilles de placement. Chacun a pris des mesures concrètes et mesurables pour relever les défis posés par le changement climatique. Ils ont fixé des échéanciers pour leurs propres objectifs organisationnels. Ils se sont appuyés sur l’expertise interne et externe pour élaborer leurs objectifs. En plus de leurs structures internes, ils travaillent également au sein de coalitions et de cadres plus larges liés au climat. Bien que chacun des trois ait ses propres politiques et procédures de gestion des risques climatiques dans l’ensemble de ses portefeuilles, ils reconnaissent tous l’importance économique du changement climatique en tant que risques d’investissement et sont devenus les premiers à prendre des mesures globales pour identifier, évaluer et gérer les risques liés au climat dans leurs portefeuilles.

Cet article est tiré de « Portfolio Climate Risk Management : Case Studies on Evolving Best Practices », un rapport Ceres publié en juillet 2020.

Source:

[1] CDPQ (2020) https://www.cdpq.com/en/investments/stewardship-investing/climate-change, consulté le 13 janvier 2021.

[2] Ibid.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

3 tendances qui façonneront le paysage de la finance durable au Canada en 2021

L’année à venir devrait être un tournant pour la finance durable au Canada, alors que le gouvernement fédéral et les parties prenantes du secteur financier redoublent d’efforts pour adopter des politiques et des pratiques respectueuses du climat. Voici trois tendances qui façonneront le paysage de la finance durable au Canada en 2021.

Le gouvernment fédéral lance un conseil d’action en matiére de financement durable

En 2019, le Groupe d’experts sur la finance durable du Canada a formulé une série de recommandations pour que le gouvernement fédéral aligne le système financier canadien sur un avenir intelligent face au climat, et a conseillé au gouvernement de créer un Conseil d’action en matière de finance durable pour aider à mettre en œuvre ses recommandations. Le gouvernement a récemment réagi dans son Énoncé économique de l’automne en allouant 7,3 millions de dollars sur trois ans à la création du Conseil d’action, qui servira de mécanisme de coordination entre le gouvernement et le secteur financier.

Le Conseil d’action sera chargé de développer un marché de la finance durable qui fonctionne bien, de faire des recommandations « attirer et accroître la finance durable au Canada, y compris l’amélioration des communications sur le climat, l’accès à des données utiles sur la durabilité et les risques climatiques, et l’élaboration de normes à respecter pour qu’un investissement soit jugé durable. » Le Conseil d’action sera lancé au début de 2021, inaugurant une nouvelle ère de soutien fédéral à la finance durable.

Les autorités bancaires intensifient l’évaluation des risques climatiques

Au printemps 2020, la Banque du Canada a publié un rapport mettant en garde contre les risques économiques importants liés aux changements climatiques et à la transition vers une économie sobre en carbone. La Banque a noté qu’une action différée augmenterait le risque d’une révision brutale des prix des actifs, tandis qu’une action plus précoce laisserait plus de temps au marché pour s’adapter.

Par conséquent, la Banque intensifiera ses travaux sur les changements climatiques en 2021 alors qu’elle organise un projet pilote avec le Bureau du surintendant des Institutions financières (BSIF). Les deux organes de surveillance travailleront avec un groupe d’acteurs du secteur financier pour évaluer l’exposition du système financier aux risques liés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le projet permettra aux autorités de mieux comprendre les pratiques de gouvernance et de gestion des risques des institutions financières en matière de changement climatique.

Un rapport sur ces travaux devrait être publié fin 2021. Par ailleurs, le BSIF prévoit lancer un document de travail sur le renforcement de la résilience financière face aux risques climatiques plus tôt dans l’année.

Nous assisterons à l’essor du « financement de la transition »

Le « financement de la transition » fait référence au financement qui aide les entreprises à forte intensité de carbone à passer à des modèles commerciaux à faible émission de carbone, en comblant le fossé entre la finance traditionnelle et durable. Ce concept est important pour le marché canadien, qui est fortement tributaire des industries extractives comme l’énergie et l’exploitation minière. Ces industries doivent transformer leurs modèles d’affaires pour réussir dans un monde à faibles émissions de carbone, mais elles ne peuvent pas accéder à un financement « vert » ou durable en raison de leurs profils d’émissions élevés. Les outils de financement de la transition, tels que les obligations assorties de taux d’intérêt liés à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions, les aideront à effectuer ce virage.

Le Groupe CSA, un organisme canadien de normalisation, élabore une taxonomie du financement de la transition – un système de classification permettant d’identifier les activités commerciales admissibles au financement de transition. Ce cadre devrait être mis à la disposition des participants de l’industrie en 2021, ouvrant ainsi un nouveau marché pour la transition de l’économie canadienne vers la neutralité carbone. L’Association pour l’investissement responsable organisera la Semaine du financement de la transition du 18 au 22 octobre pour organiser des dialogues avec l’industrie sur le sujet.

Cet article est un extrait d’une chronique publiée dans Investment Executive. Lire l’article complet ici.

L’importance de la transparence et des partenariats pour les grandes sociétés pharmaceutiques

Le secteur pharmaceutique a toujours attiré l’attention, mais l’année 2020 s’est avérée exceptionnelle à cet égard en raison de la COVID-19. Alors que se déroule la première campagne de vaccination, on ne peut ignorer le rôle critique joué par ce secteur d’activité pour améliorer la santé publique à l’échelle mondiale et bâtir une économie plus résiliente.

Mais, quel est en fait le rôle des sociétés pharmaceutiques pour l’avenir? Celui-ci passe clairement par des partenariats. La réponse à la pandémie a démontré que le soulagement procuré à la population mondiale par les produits des laboratoires pharmaceutiques pouvait augmenter fortement lorsque ceux-ci collaboraient non seulement avec leurs pairs, mais aussi avec des organisations publiques, privées ou multinationales. S’ouvre donc devant nous une possibilité pour les sociétés pharmaceutiques d’exploiter dans la transparence des partenariats permettant de répondre aux besoins sociétaux. Pour les investisseurs désireux de faire progresser la disponibilité des médicaments et autres produits pharmaceutiques à un plus grand nombre, la question de ces partenariats doit devenir un sujet important dans leurs engagements futurs auprès des sociétés du secteur.

Il n’est plus anormal pour les laboratoires pharmaceutiques de collaborer les uns avec les autres

Cet avenir collaboratif a peut-être déjà commencé. Durant toute la pandémie, de nombreuses sociétés pharmaceutiques se sont rapprochées afin de gérer les contraintes de production pour les traitements et vaccins contre la COVID-19. En effet, nombre de sociétés comme Eli Lilly, AbCellera Biologics, Amgen, AstraZeneca, Genentech et GlaxoSmithKline ont demandé l’autorisation de communiquer des renseignements avec leurs concurrentes afin d’accélérer la production de traitements à anticorps monoclonaux efficaces contre la COVID-19, sans aucunement soulever l’opposition du ministère de la Justice des États-Unis. AstraZeneca a de plus opté pour une approche mondiale en matière de distribution, collaborant avec d’autres fabricants à l’étranger tels que le Serum Institute en Inde. Citons également l’initiative lancée par la Fondation Bill et Melinda Gates ainsi qu‘Eli Lily dans le cadre de l’Accélérateur thérapeutique de la COVID-19, grâce à laquelle la société et tous ses partenaires – Abcellera, Shanghai Junshi Biosciences Co. et l’Université Columbia – ont accepté de renoncer à leurs redevances sur les médicaments d’Eli Lilly distribués dans les pays les moins favorisés.

L’échange de renseignements, de connaissances et d’éléments de propriété intellectuelle fait depuis longtemps l’objet d’un engagement auprès des sociétés pharmaceutiques par les investisseurs qui défendent un accès aux médicaments essentiels dans une économie juste et pérenne. La période actuelle révèle ainsi probablement une occasion de régler cet enjeu avec plus de succès que jamais du fait de la réceptivité aux partenariats démontrée par les sociétés durant la pandémie. Compte tenu des avantages indéniables procurés par ce type de collaboration pour rapidement augmenter les capacités de production et de distribution en réponse à une situation sanitaire mondiale, on peut raisonnablement espérer que les dialogues qui se tiendront après la pandémie en matière de partage de renseignements ou d’équipements trouveront un certain écho.

Les partenariats hors du secteur pharmaceutique peuvent contribuer également à répondre à l’enjeu de l’accessibilité

Les partenariats public-privé du secteur pharmaceutique ont particulièrement suscité l’attention durant cette pandémie. De nombreuses sociétés pharmaceutiques ont effectivement reçu du financement public à des fins de recherche et de développement visant à accélérer un développement rapide de vaccins et de remèdes contre la COVID-19, également complété par la mise en œuvre d’ententes d’approvisionnement à l’avance. Si ces partenariats se déploient de manière juste et équitable, ces dernières devraient, par respect pour le contribuable, envisager une tarification de leurs produits de nature à en favoriser l’accessibilité.

Toutefois, des dispositifs à l’échelon national peuvent créer des interférences avec ces partenariats destinés à affecter des ressources pour des besoins particuliers de santé publique nécessitant un accès mondial aux médicaments. Les investisseurs soucieux de promouvoir une économie mondiale pérenne auraient ainsi intérêt à demander aux sociétés une plus grande transparence sur la façon dont elles comptent gérer des priorités nationales et mondiales potentiellement divergentes. Des ententes avec des entités multinationales telles que la COVAX (qui coordonne la distribution équitable des vaccins contre la COVID-19) contribuent à atténuer les conflits qui pourraient surgir dans ce cadre. Les investisseurs auraient ainsi raison de promouvoir cet exemple dans les engagements qu’ils conduiront auprès des sociétés après la pandémie, afin de les encourager à tenir compte des limites inhérentes aux partenariats d’envergure nationale.

Les partenariats doivent s’accompagner de transparence

La pandémie a permis aux investisseurs d’amorcer un dialogue avec les sociétés sur la façon dont une approche collaborative au développement, à la fabrication et à la distribution de produits pharmaceutiques permet d’en faciliter l’accès. Leurs efforts d’engagement devraient viser à mieux comprendre la nature des ententes avec les gouvernements, organismes multinationaux et fondations, ainsi qu’au sein du secteur pharmaceutique lui-même. Les investisseurs responsables tenant à promouvoir une économie résiliente devront réclamer des divulgations suffisantes au sujet des ententes public-privé pour assurer que les sociétés respectent suffisamment le financement apporté par le contribuable, en particulier à la lumière des tensions qui peuvent surgir entre des partenaires ayant des intérêts géographiques et commerciaux différents.

Les anticipations évoluent en matière de transparence. Dans ce contexte de besoin constant pour une transparence accrue, la Global Health Innovation Alliance a créé pour accélérer les recherches une base de données contenant des dispositions types et réelles d’ententes de santé mondiales. Celles-ci figurent dans son guide MAP (Master Alliance Provisions Guide) et « décrivent les principes essentiels sur lesquels les partenariats s’établissent ». Il est vraisemblable que les attentes des investisseurs à l’égard de ce secteur d’activité continuent de viser une amélioration des divulgations, de sorte à mieux comprendre ces partenariats et valider les impacts attendus sur la société.

La santé nous concerne tous. Afin que ces modes de collaboration développent leur plein potentiel, les parties prenantes – notamment les investisseurs – doivent se trouver en mesure de rendre les sociétés responsables. Les limites actuelles à la transparence dans le secteur pharmaceutique ont semé le doute auprès du grand public et des investisseurs durant la pandémie, exigeant des efforts encore plus marqués dans un monde d’après COVID-19. Pour les investisseurs responsables, la période se prête parfaitement à encourager les sociétés pharmaceutiques à collaborer pour le bien mutuel, mais surtout dans une recherche de transparence maximale.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

S’engager dans une économie verte – le Canada en fait-il assez?

La terre est sur la bonne voie pour générer une augmentation moyenne de la température de 3 à 4 °C d’ici 2100, à moins de réduire les émissions de CO2. Un réchauffement climatique de cette ampleur entraînera d’importantes migrations humaines, des conflits régionaux pour des ressources de plus en plus rares et des événements météorologiques extrêmes qui se traduiront en dommages physiques et en coûts économiques dévastateurs. Bien que le sentiment d’urgence de s’attaquer au réchauffement climatique soit manifeste, la question demeure, le Canada en fait-il assez?

L’Accord de Paris de 2015 a fixé aux nations l’objectif de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de manière significative d’ici 2030, avec l’objectif d’atteindre des émissions « zéro net » d’ici 2050. Pour y arriver, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat suggère que, pour passer à une économie mondiale à faibles émissions de carbone, des investissements annuels en capital de 1,6 à 3,8 billions de dollars américains seraient nécessaires pour les nouveaux systèmes énergétiques à eux seuls.[1]

Au Canada, le gouvernement fédéral s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, tout en visant à devenir neutre en carbone d’ici 2050. En guise de première étape vers la mise en œuvre des engagements, le 9 décembre 2016, les premiers ministres du Canada ont présenté un Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Dans ce cadre, il y a eu une accélération des initiatives mises en place par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux pour renforcer leur engagement envers la neutralité carbone. Il s’agit notamment de lois comme la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui vise à fixer un prix sur les émissions de carbone et un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone de 2 milliards de dollars canadiens pour soutenir des projets qui réduisent les émissions de GES ; un programme dont la Ville de Toronto profite pour réduire les émissions des ambulances et des unités d’intervention paramédicale d’urgence.

Le plan d’infrastructure à long terme du gouvernement fédéral s’est également engagé à verser 55 milliards de dollars canadiens au cours de la prochaine décennie pour des projets d’infrastructure verte et de transport en commun. Plus récemment, en novembre 2020, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, l’honorable Jonathan Wilkinson, s’est engagé à légiférer sur la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité avec l’intention actuelle d’accroître la divulgation et la transparence des progrès du gouvernement en ce qui concerne l’atteinte du zéro net.

Ces initiatives rapprochent le Canada de l’engagement de 2030 avec un écart de 77 mégatonnes d’équivalent dioxyde de carbone à prendre en compte.

Contributions aux réductions d’émission d’ici 2030 [2]

Source : Gouvernement du Canada, Environnement et changement climatique : Progrès vers la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada, 2019

De plus, au cours des deux dernières décennies, le Canada a fait des progrès pour dissocier la croissance de son PIB de ses émissions de CO2 – une évolution nécessaire pour atteindre les objectifs sans nuire à l’économie.

Changement par habitant – Émissions de CO2 et PIB, Canada

Source: https://ourworldindata.org/co2/country/canada?country=~CAN

Avec des progrès encourageants au Canada et dans le monde, plusieurs défis doivent encore être relevés par les gouvernements. D’une part, un investissement et une considération significatifs sont nécessaires pour les millions d’emplois qui composent le secteur de l’énergie (58 millions dans le monde, dont environ la moitié dans les industries des combustibles fossiles). Une requalification ou une amélioration des compétences est essentielle pour s’assurer que la main-d’œuvre existante n’est pas désavantagée par la transition. Deuxièmement, la contribution du Canada au changement se limite à sa part de 2 % des émissions mondiales de CO2. Les principaux pays qui peuvent apporter une contribution significative au changement climatique sont la Chine, qui compte environ 28 % des émissions, et les États-Unis, avec environ 15 %. Pour respecter l’accord de Paris, il faut se concentrer davantage sur les pays à forte émission. Troisièmement, et peut-être la partie la plus critique de parcours est de s’assurer que les gouvernements restent sur la bonne voie et alignés sur les objectifs, quel que soit le parti politique ou la faction au pouvoir. Le tournant le plus dramatique a peut-être été observé plus récemment aux États-Unis lorsque le président Trump a pris ses fonctions uniquement pour retirer les États-Unis de l’Accord de Paris. Pour ce qui est du Canada, ce désalignement est évident entre les gouvernements fédéral et provinciaux, car ils poussent des programmes variés avec différents degrés d’urgence. Certains segments de la population ne ressentent pas l’urgence du réchauffement climatique ou sont peut-être trop dépendants économiquement des sources d’énergie traditionnelles pour ressentir l’urgence d’accélérer leur transition.

Bien que l’accent soit mis sur les engagements gouvernementaux, les investisseurs et les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour respecter l’Accord de Paris. En 2019, un groupe de 33 des plus grands propriétaires d’actifs au monde a formé la Net-Zero Asset Owner Alliance convoquée par l’ONU et s’est engagé à réduire les émissions de carbone de leurs portefeuilles, d’une valeur de plus de 5,1 billions de dollars américains, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Un an plus tard, la Net-Zero Asset Manager Alliance a été lancée avec 30 signataires fondateurs et environ 9 billions de dollars américains d’actifs. Les alliances et les réseaux d’investisseurs sont importants pour harmoniser et unifier les priorités du secteur de l’investissement et ont un impact considérable sur l’évolution de tous les secteurs, tant publics que privés.

L’un des avantages de ces réseaux d’investisseurs est de promouvoir et d’exiger des divulgations normalisées, telles que l’alignement sur le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD), qui est fondamental pour permettre aux gestionnaires de placements d’évaluer et d’intégrer les risques liés au changement climatique dans leurs avoirs et portefeuilles. Alors que de plus en plus de propriétaires et de gestionnaires d’actifs rejoignent de telles alliances pour améliorer leur évaluation des risques climatiques, cela pourrait avoir un impact significatif sur le coût du capital pour les entreprises, ce qui leur servira de motivation pour s’aligner sur l’Accord de Paris. Avec une telle portée, le secteur de la gestion des placements doit travailler en étroite collaboration avec les gouvernements pour mener ce changement.

Comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’un événement d’action, « Nous avons affaire à des faits scientifiques et non à de la politique. Et les faits sont clairs. Le changement climatique est une menace directe en soi et un multiplicateur de nombreuses autres menaces. » Il s’agit d’un problème mondial et, même si des défis seront relevés au cours de cette transition, il doit néanmoins être une priorité pour chaque gouvernement, entreprise et individu. Pour l’instant, le Canada et le secteur canadien des placements font des progrès significatifs sur la voie d’une économie plus verte, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Par : L’équipe de placements ISR de Mackenzie (Fate Saghir, Baris Ozyetis, Jonas Cuypers)

Sources:

[1] IPCC, 2018: Global Warming of 1.5°C.An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J.B.R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M.I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, and T. Waterfield (eds.)]. In Press.

[2] Government of Canada, Environment and Climate Change: Progress Towards Canada’s Greenhouse Gas Emissions, 2019

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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

La biodiversité: la prochaine frontière de la Finance Responsable

Que vous évoque la perte de biodiversité ? Nous sommes abreuvés d’articles mettant en avant des tragédies telles que le blanchiment des coraux ou les incendies de forêt en Amazonie. Pour autant, la prise de conscience des impacts tangibles d’une perte de biodiversité n’a débuté que très récemment avec l’apparition de la Covid-19.

La crise de la biodiversité est considérée comme étant à l’origine de l’émergence de zoonoses comme la Covid-19, le SARS ou encore Ebola (maladies transmises à l’homme par l’animal). Le Forum Economique Mondial estime que le coût de la Covid -19 pourrait dépasser 20 mille milliards d’USD. Par ailleurs, l’OCDE estime que la protection de la biodiversité sera essentielle pour éviter d’autres pandémies. Au-delà du risque de pandémie, la perte de biodiversité peut avoir des conséquences néfastes considérables, car la biodiversité procure des biens et services tels que des denrées alimentaires, des matériaux de construction, de l’air pur ou encore l’eau douce. Ainsi, la biodiversité revêt-elle une valeur sociale et économique que le World Wildlife Fund (WWF) évalue à 125 mille milliards d’USD par an.

L’activité humaine menace la biodiversité mais en est également très dépendante

Nous dépendons de la biodiversité de trois manières différentes [1] :

D’une part, la biodiversité est source de plusieurs services écosystémiques essentiels tels que la régulation du climat, la séquestration du carbone, la purification de l’eau, la pollinisation ou encore l’apport d’habitats pour les êtres vivants. Il a ainsi été estimé que 75 % des cultures vivrières mondiales dépendent de la pollinisation animale.[2] Or la production agricole mondiale est menacée par la diminution des insectes pollinisateurs se traduisant par une perte valeur estimée entre 235 et 577 milliards d’USD. Les écosystèmes marins et terrestres représentent des puits de carbone pour les émissions anthropiques. Ils séquestrent au niveau mondial environ 5,6 gigatonnes de carbone par an (soit 60 % des émissions anthropiques mondiales).[2] La protection des mangroves, qui jouent un rôle naturel clé contre les inondations, pourrait apporter un bénéfice de plus de 65 milliards d’USD par an. De même, les récifs coralliens ont un rôle essentiel dans la protection des zones côtières face aux dommages causés par les tempêtes en limitant leur érosion.

D’autre part, nous sommes très dépendants des ressources matérielles issues de la biodiversité comme l’alimentation, l’énergie ou même les médicaments. Ainsi, 70 % des médicaments utilisés contre le cancer sont issus de produits naturels ou synthétiques inspirés de la nature. Par ailleurs, plus de 2 milliards de personnes dépendent du bois pour satisfaire leurs besoins en énergie.[2]

Enfin, la biodiversité assure des bénéfices immatériels. Elle contribue à la qualité de vie humaine, au bien-être physique et psychologique et fait même souvent partie intégrante de l’identité culturelle des êtres humains.

Toutefois, l’humanité est également à l’origine d’une dégradation de la biodiversité qui s’est fortement accélérée au cours des années récentes. L’accroissement de la population et des phénomènes d’origine humaine tels qu’une urbanisation croissante, l’agriculture intensive, la surpêche, la déforestation, ou l’exploitation minière, ont altéré les écosystèmes naturels à un rythme inégalé ces dernières années.[2] Le WWF a ainsi mesuré une diminution moyenne de 68% de la population d’espèces animales depuis 1970. Et environ un quart des espèces répertoriées sont menacées, suggérant que plus d’un million d’espèces pourraient disparaître dans les décennies à venir.[2]

La crise de la biodiversité est source de risques mais aussi d’opportunités pour le monde des entreprises

La dégradation des écosystèmes naturels est un risque qui n’est plus possible d’ignorer. Pour la première fois en 2020, le Forum Economique Mondial a hissé la perte de biodiversité au rang des cinq principaux dangers auxquels le monde socio-économique sera confronté au cours des dix prochaines années, aux côtés d’autres risques environnementaux tels que les phénomènes météorologiques extrêmes ou l’échec de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les risques liés à la perte de biodiversité peuvent être répartis en trois catégories:

  1. Les risques systémiques, c’est-à-dire des risques indirects pouvant affecter indistinctement la stabilité mondiale, tels des menaces sur la sécurité alimentaire, sur la santé ou sur le développement socio-économique. Des pandémies telles que la Covid-19 ou des famines causées pas de mauvaises récoltes, à l’image de la crise de la pomme de terre en Irlande, sont autant d’illustrations de ces risques systémiques.
  2. Les risques physiques, directement liés à la perte de biodiversité. De nombreux secteurs d’activité sont susceptibles d’y être exposés. Ainsi des opérations commerciales peuvent être touchées par l’indisponibilité de certains produits de base, l’instabilité de l’environnement opérationnel ou encore par une perte de valeur (par exemple, une chute des prix de l’immobilier dans les zones propices aux incendies de forêt).
  3. Les risques dits « de transition » , liés à une nécessaire adaptation vers une économie plus durable. Cette transition s’accompagne en effet de risques réglementaires, juridiques et de réputation. Elle présente également des risques liés aux changements de comportement de consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. Par exemple, la forte demande actuelle pour les laits végétaux devient un risque pour les producteurs laitiers.

Au-delà des risques, cette crise de la biodiversité offre des opportunités majeures pour les entreprises capables de s’engager dans une transition vers une économie plus respectueuse de l’environnement. Parmi les opportunités offertes par cette nouvelle économie « verte », citons l’engouement actuel pour une alimentation à base de protéines végétales, le développement de l’économie circulaire ou l’agriculture régénératrice. Financièrement, les opportunités associées à la transition environnementale ont été évaluées à plus de 10 mille milliards d’USD par an d’ici 2030 par le Forum Economique Mondial. Toutefois, pour capter ces nouvelles tendances, les entreprises doivent impérativement comprendre les enjeux liés à la biodiversité et investir dans cette nouvelle économie destinée à protéger et à restaurer le capital naturel.

Mesurer les enjeux liés à la biodiversité est un exercice très complexe

Intégrer les enjeux liés à la biodiversité aussi bien en terme de risques que d’opportunités est un exercice difficile tant les problématiques liées à biodiversité sont complexes. De fait, en matière de biodiversité, il n’existe aucune mesure de référence unique (à l’image de « l’équivalent CO2 », l’indicateur d’empreinte carbone utilisé pour évaluer la pression exercée sur le climat) ni encore de scénario d’analyse sur le long terme. En outre, la biodiversité peut être affectée de manière très différente selon le type d’activité. Enfin, la perte de biodiversité n’est pas uniforme, certaines zones géographiques et certaines espèces étant plus particulièrement vulnérables que d’autres.

Les cinq piliers de référence

Afin de simplifier l’analyse des menaces qui pèsent sur la biodiversité, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a établi en 2019 une classification des 5 principales sources directes d’atteinte à la biodiversité :

  1. Le changement climatique est étroitement lié à la crise de la biodiversité. Les évènements météorologiques extrêmes, tels que sécheresses, températures élevées, ou incendies de forêts, exacerbent les modifications climatiques et altèrent les écosystèmes naturels. La perte de biodiversité a elle-même un impact négatif sur les conditions climatiques (par exemple, la diminution des surfaces forestières réduit les puits de carbone), perpétuant ainsi un cercle vicieux.
  2. La dégradation des sols et la destruction des habitats sont définies comme la détérioration ou la perte de capacité de production des sols et des terres. Les causes de cette dégradation sont multiples. Citons notamment l’agriculture intensive, la dénutrition des sols par épandage d’intrants chimiques, la déforestation à des fins de production agricole ou l’urbanisation. Les phénomènes météorologiques extrêmes peuvent également provoquer l’érosion et la dégradation des sols.
  3. La surexploitation des ressources signifie que les ressources issues de la nature sont récoltées à un rythme supérieur à la leur capacité naturelle de renouvellement. Cela inclue la déforestation, la surconsommation d’eau, la surpêche ou le commerce illégal d’animaux sauvages. La surexploitation d’une seule espèce peut menacer la stabilité alimentaire de tout un écosystème et affecter d’autres espèces.[3] De plus, la surexploitation des ressources, par exemple celle des forêts, a des répercussions négatives sur la qualité des terres alentour et sur les habitats naturels.
  4. La pollution contribue de manière significative à la perte de biodiversité. Elle comprend la pollution physique (notamment les plastiques et microplastiques), les polluants agricoles (engrais et pesticides), les déchets toxiques émanant des processus industriels ainsi que les contaminants chimiques issus de l’utilisation de médicaments ou de produits de grande consommation. Un grand nombre de ces produits toxiques sont rejetés dans les cours d’eau et s’accumulent au fil du temps, menaçant la santé humaine, animale et végétale.
  5. Les espèces exotiques envahissantes sont des espèces introduites par l’homme en dehors de leur aire de répartition naturelle. Elles n’ont en général pas de prédateurs naturels et peuvent causer des dommages importants sur les espèces indigènes et leurs habitats. L’introduction de ces espèces peut être intentionnelle (à des fins commerciales), récréatives (comme le python de Birmanie en Floride) ou encore non intentionnelle, par le biais du transport international.

Ces catégories offrent un cadre facilitant l’analyse de l’exposition des entreprises et des industries à la biodiversité, mais aussi l’évaluation des risques associés à la dégradation des écosystèmes dont elles dépendent et des opportunités dont elles pourraient bénéficier en adaptant leur modèle d’affaire.

Malgré la complexité du sujet, les investisseurs ont un rôle à jouer dans la prise en compte des enjeux liés à la biodiversité par les entreprises

La biodiversité est un sujet complexe, car les cinq piliers de référence de perte de biodiversité sont souvent interconnectés. Par ailleurs, les entreprises communiquent encore peu très peu sur le sujet. Seules une poignée d’entre elles font des efforts pour publier des données solides sur ce thème. Des initiatives commencent à émerger qui visent à stimuler et encourager la divulgation d’information relatives à la biodiversité, à l’image du questionnaire dédié à la forêt du Carbon Disclosure Project (CDP). Nous sommes toutefois loin de l’existence d’un cadre officiel clair sur la communication de ces informations.

Quant aux investisseurs, il leur est possible renforcer leur engagement au travers de solutions dédiées incluant notamment la pratique de l’exclusion, l’investissement d’impact, ainsi que des fonds ayant fixés des objectifs associés à la biodiversité. Cela passe toutefois par une consolidation de leur expertise en matière de biodiversité, ce qui nécessite un processus en cinq étapes.

La première étape est la sensibilisation et la formation. Il est important que les investisseurs commencent à dédier des ressources à la biodiversité pour une meilleure compréhension des risques et des opportunités dans les secteurs les plus exposés, comme par exemple celui de l’agroalimentaire.

La deuxième étape consiste à renforcer les prises de positions liées la biodiversité, ce qui implique des politiques d’investissement en lien avec ce sujet. Par exemple, certains investisseurs s’engagent dans la lutte contre la déforestation ou sur des sujets encore plus spécifiques associés à des matières premières exposées telles que le soja, le bétail, l’huile de palme ou les poissons et fruits de mer.

Pour mettre en œuvre efficacement ces engagements, il faut passer par une troisième étape, l’évaluation quantitative, qui s’appuie sur des données. Or, trouver des données fiables sur la biodiversité est extrêmement difficile. Cependant, de nouvelles approches innovantes voient le jour, permettant aux investisseurs de commencer à intégrer la biodiversité dans leurs investissements au travers d’indicateurs déjà accessibles, comme les déchets, le CO2 et les emballages.

Pour améliorer la qualité des données sur la biodiversité, les investisseurs doivent faire de l’engagement sur ce sujet. Cela consiste non seulement à engager avec les entreprises sur les risques et les impacts associés à la biodiversité, mais aussi à mettre en œuvre un engagement plus global afin de développer des reportings plus solides et harmonisés.

Finalement, la biodiversité est un sujet d’une telle ampleur que les investisseurs ne peuvent l’aborder seuls. Il est essentiel pour eux de collaborer avec leurs pairs, mais aussi avec des experts et des fournisseurs de données. Certaines organisations comme le CDP offrent un point de départ pour mesurer les performances des entreprises. Cependant, de nouvelles régulations émergent sur la biodiversité et les investisseurs doivent prendre part à la conversation.

Si l’intégration des enjeux liés à la biodiversité n’en est qu’à ses débuts, l’année 2021 pourrait constituer un point d’inflexion vers une prise en compte beaucoup plus forte, notamment de la part des investisseurs, alors que des initiatives majeures émergent au niveau politique, économique, et financier. Citons par exemple l’évènement One Planet Summit Biodiversité en Janvier 2021, de nouvelles régulations Européennes en faveur de la biodiversité, et les premières recommandations du groupe de travail Taskforce on Nature-Related Financial Disclosures (TNFD) visant à cadrer l’exposition des entreprises à la biodiversité, à l’image du TCFD pour le climat.

Sources:

[1] IPBES, Summary for Policymakers, 2019.

[2] IBPES, 2019

[3] HSBC, 2020

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