S’engager dans une économie verte – le Canada en fait-il assez?

La terre est sur la bonne voie pour générer une augmentation moyenne de la température de 3 à 4 °C d’ici 2100, à moins de réduire les émissions de CO2. Un réchauffement climatique de cette ampleur entraînera d’importantes migrations humaines, des conflits régionaux pour des ressources de plus en plus rares et des événements météorologiques extrêmes qui se traduiront en dommages physiques et en coûts économiques dévastateurs. Bien que le sentiment d’urgence de s’attaquer au réchauffement climatique soit manifeste, la question demeure, le Canada en fait-il assez?

L’Accord de Paris de 2015 a fixé aux nations l’objectif de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de manière significative d’ici 2030, avec l’objectif d’atteindre des émissions « zéro net » d’ici 2050. Pour y arriver, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat suggère que, pour passer à une économie mondiale à faibles émissions de carbone, des investissements annuels en capital de 1,6 à 3,8 billions de dollars américains seraient nécessaires pour les nouveaux systèmes énergétiques à eux seuls.[1]

Au Canada, le gouvernement fédéral s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, tout en visant à devenir neutre en carbone d’ici 2050. En guise de première étape vers la mise en œuvre des engagements, le 9 décembre 2016, les premiers ministres du Canada ont présenté un Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Dans ce cadre, il y a eu une accélération des initiatives mises en place par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux pour renforcer leur engagement envers la neutralité carbone. Il s’agit notamment de lois comme la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui vise à fixer un prix sur les émissions de carbone et un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone de 2 milliards de dollars canadiens pour soutenir des projets qui réduisent les émissions de GES ; un programme dont la Ville de Toronto profite pour réduire les émissions des ambulances et des unités d’intervention paramédicale d’urgence.

Le plan d’infrastructure à long terme du gouvernement fédéral s’est également engagé à verser 55 milliards de dollars canadiens au cours de la prochaine décennie pour des projets d’infrastructure verte et de transport en commun. Plus récemment, en novembre 2020, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, l’honorable Jonathan Wilkinson, s’est engagé à légiférer sur la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité avec l’intention actuelle d’accroître la divulgation et la transparence des progrès du gouvernement en ce qui concerne l’atteinte du zéro net.

Ces initiatives rapprochent le Canada de l’engagement de 2030 avec un écart de 77 mégatonnes d’équivalent dioxyde de carbone à prendre en compte.

Contributions aux réductions d’émission d’ici 2030 [2]

Source : Gouvernement du Canada, Environnement et changement climatique : Progrès vers la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada, 2019

De plus, au cours des deux dernières décennies, le Canada a fait des progrès pour dissocier la croissance de son PIB de ses émissions de CO2 – une évolution nécessaire pour atteindre les objectifs sans nuire à l’économie.

Changement par habitant – Émissions de CO2 et PIB, Canada

Source: https://ourworldindata.org/co2/country/canada?country=~CAN

Avec des progrès encourageants au Canada et dans le monde, plusieurs défis doivent encore être relevés par les gouvernements. D’une part, un investissement et une considération significatifs sont nécessaires pour les millions d’emplois qui composent le secteur de l’énergie (58 millions dans le monde, dont environ la moitié dans les industries des combustibles fossiles). Une requalification ou une amélioration des compétences est essentielle pour s’assurer que la main-d’œuvre existante n’est pas désavantagée par la transition. Deuxièmement, la contribution du Canada au changement se limite à sa part de 2 % des émissions mondiales de CO2. Les principaux pays qui peuvent apporter une contribution significative au changement climatique sont la Chine, qui compte environ 28 % des émissions, et les États-Unis, avec environ 15 %. Pour respecter l’accord de Paris, il faut se concentrer davantage sur les pays à forte émission. Troisièmement, et peut-être la partie la plus critique de parcours est de s’assurer que les gouvernements restent sur la bonne voie et alignés sur les objectifs, quel que soit le parti politique ou la faction au pouvoir. Le tournant le plus dramatique a peut-être été observé plus récemment aux États-Unis lorsque le président Trump a pris ses fonctions uniquement pour retirer les États-Unis de l’Accord de Paris. Pour ce qui est du Canada, ce désalignement est évident entre les gouvernements fédéral et provinciaux, car ils poussent des programmes variés avec différents degrés d’urgence. Certains segments de la population ne ressentent pas l’urgence du réchauffement climatique ou sont peut-être trop dépendants économiquement des sources d’énergie traditionnelles pour ressentir l’urgence d’accélérer leur transition.

Bien que l’accent soit mis sur les engagements gouvernementaux, les investisseurs et les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour respecter l’Accord de Paris. En 2019, un groupe de 33 des plus grands propriétaires d’actifs au monde a formé la Net-Zero Asset Owner Alliance convoquée par l’ONU et s’est engagé à réduire les émissions de carbone de leurs portefeuilles, d’une valeur de plus de 5,1 billions de dollars américains, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Un an plus tard, la Net-Zero Asset Manager Alliance a été lancée avec 30 signataires fondateurs et environ 9 billions de dollars américains d’actifs. Les alliances et les réseaux d’investisseurs sont importants pour harmoniser et unifier les priorités du secteur de l’investissement et ont un impact considérable sur l’évolution de tous les secteurs, tant publics que privés.

L’un des avantages de ces réseaux d’investisseurs est de promouvoir et d’exiger des divulgations normalisées, telles que l’alignement sur le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD), qui est fondamental pour permettre aux gestionnaires de placements d’évaluer et d’intégrer les risques liés au changement climatique dans leurs avoirs et portefeuilles. Alors que de plus en plus de propriétaires et de gestionnaires d’actifs rejoignent de telles alliances pour améliorer leur évaluation des risques climatiques, cela pourrait avoir un impact significatif sur le coût du capital pour les entreprises, ce qui leur servira de motivation pour s’aligner sur l’Accord de Paris. Avec une telle portée, le secteur de la gestion des placements doit travailler en étroite collaboration avec les gouvernements pour mener ce changement.

Comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’un événement d’action, « Nous avons affaire à des faits scientifiques et non à de la politique. Et les faits sont clairs. Le changement climatique est une menace directe en soi et un multiplicateur de nombreuses autres menaces. » Il s’agit d’un problème mondial et, même si des défis seront relevés au cours de cette transition, il doit néanmoins être une priorité pour chaque gouvernement, entreprise et individu. Pour l’instant, le Canada et le secteur canadien des placements font des progrès significatifs sur la voie d’une économie plus verte, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Par : L’équipe de placements ISR de Mackenzie (Fate Saghir, Baris Ozyetis, Jonas Cuypers)

Sources:

[1] IPCC, 2018: Global Warming of 1.5°C.An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J.B.R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M.I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, and T. Waterfield (eds.)]. In Press.

[2] Government of Canada, Environment and Climate Change: Progress Towards Canada’s Greenhouse Gas Emissions, 2019

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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

La biodiversité: la prochaine frontière de la Finance Responsable

Que vous évoque la perte de biodiversité ? Nous sommes abreuvés d’articles mettant en avant des tragédies telles que le blanchiment des coraux ou les incendies de forêt en Amazonie. Pour autant, la prise de conscience des impacts tangibles d’une perte de biodiversité n’a débuté que très récemment avec l’apparition de la Covid-19.

La crise de la biodiversité est considérée comme étant à l’origine de l’émergence de zoonoses comme la Covid-19, le SARS ou encore Ebola (maladies transmises à l’homme par l’animal). Le Forum Economique Mondial estime que le coût de la Covid -19 pourrait dépasser 20 mille milliards d’USD. Par ailleurs, l’OCDE estime que la protection de la biodiversité sera essentielle pour éviter d’autres pandémies. Au-delà du risque de pandémie, la perte de biodiversité peut avoir des conséquences néfastes considérables, car la biodiversité procure des biens et services tels que des denrées alimentaires, des matériaux de construction, de l’air pur ou encore l’eau douce. Ainsi, la biodiversité revêt-elle une valeur sociale et économique que le World Wildlife Fund (WWF) évalue à 125 mille milliards d’USD par an.

L’activité humaine menace la biodiversité mais en est également très dépendante

Nous dépendons de la biodiversité de trois manières différentes [1] :

D’une part, la biodiversité est source de plusieurs services écosystémiques essentiels tels que la régulation du climat, la séquestration du carbone, la purification de l’eau, la pollinisation ou encore l’apport d’habitats pour les êtres vivants. Il a ainsi été estimé que 75 % des cultures vivrières mondiales dépendent de la pollinisation animale.[2] Or la production agricole mondiale est menacée par la diminution des insectes pollinisateurs se traduisant par une perte valeur estimée entre 235 et 577 milliards d’USD. Les écosystèmes marins et terrestres représentent des puits de carbone pour les émissions anthropiques. Ils séquestrent au niveau mondial environ 5,6 gigatonnes de carbone par an (soit 60 % des émissions anthropiques mondiales).[2] La protection des mangroves, qui jouent un rôle naturel clé contre les inondations, pourrait apporter un bénéfice de plus de 65 milliards d’USD par an. De même, les récifs coralliens ont un rôle essentiel dans la protection des zones côtières face aux dommages causés par les tempêtes en limitant leur érosion.

D’autre part, nous sommes très dépendants des ressources matérielles issues de la biodiversité comme l’alimentation, l’énergie ou même les médicaments. Ainsi, 70 % des médicaments utilisés contre le cancer sont issus de produits naturels ou synthétiques inspirés de la nature. Par ailleurs, plus de 2 milliards de personnes dépendent du bois pour satisfaire leurs besoins en énergie.[2]

Enfin, la biodiversité assure des bénéfices immatériels. Elle contribue à la qualité de vie humaine, au bien-être physique et psychologique et fait même souvent partie intégrante de l’identité culturelle des êtres humains.

Toutefois, l’humanité est également à l’origine d’une dégradation de la biodiversité qui s’est fortement accélérée au cours des années récentes. L’accroissement de la population et des phénomènes d’origine humaine tels qu’une urbanisation croissante, l’agriculture intensive, la surpêche, la déforestation, ou l’exploitation minière, ont altéré les écosystèmes naturels à un rythme inégalé ces dernières années.[2] Le WWF a ainsi mesuré une diminution moyenne de 68% de la population d’espèces animales depuis 1970. Et environ un quart des espèces répertoriées sont menacées, suggérant que plus d’un million d’espèces pourraient disparaître dans les décennies à venir.[2]

La crise de la biodiversité est source de risques mais aussi d’opportunités pour le monde des entreprises

La dégradation des écosystèmes naturels est un risque qui n’est plus possible d’ignorer. Pour la première fois en 2020, le Forum Economique Mondial a hissé la perte de biodiversité au rang des cinq principaux dangers auxquels le monde socio-économique sera confronté au cours des dix prochaines années, aux côtés d’autres risques environnementaux tels que les phénomènes météorologiques extrêmes ou l’échec de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les risques liés à la perte de biodiversité peuvent être répartis en trois catégories:

  1. Les risques systémiques, c’est-à-dire des risques indirects pouvant affecter indistinctement la stabilité mondiale, tels des menaces sur la sécurité alimentaire, sur la santé ou sur le développement socio-économique. Des pandémies telles que la Covid-19 ou des famines causées pas de mauvaises récoltes, à l’image de la crise de la pomme de terre en Irlande, sont autant d’illustrations de ces risques systémiques.
  2. Les risques physiques, directement liés à la perte de biodiversité. De nombreux secteurs d’activité sont susceptibles d’y être exposés. Ainsi des opérations commerciales peuvent être touchées par l’indisponibilité de certains produits de base, l’instabilité de l’environnement opérationnel ou encore par une perte de valeur (par exemple, une chute des prix de l’immobilier dans les zones propices aux incendies de forêt).
  3. Les risques dits « de transition » , liés à une nécessaire adaptation vers une économie plus durable. Cette transition s’accompagne en effet de risques réglementaires, juridiques et de réputation. Elle présente également des risques liés aux changements de comportement de consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. Par exemple, la forte demande actuelle pour les laits végétaux devient un risque pour les producteurs laitiers.

Au-delà des risques, cette crise de la biodiversité offre des opportunités majeures pour les entreprises capables de s’engager dans une transition vers une économie plus respectueuse de l’environnement. Parmi les opportunités offertes par cette nouvelle économie « verte », citons l’engouement actuel pour une alimentation à base de protéines végétales, le développement de l’économie circulaire ou l’agriculture régénératrice. Financièrement, les opportunités associées à la transition environnementale ont été évaluées à plus de 10 mille milliards d’USD par an d’ici 2030 par le Forum Economique Mondial. Toutefois, pour capter ces nouvelles tendances, les entreprises doivent impérativement comprendre les enjeux liés à la biodiversité et investir dans cette nouvelle économie destinée à protéger et à restaurer le capital naturel.

Mesurer les enjeux liés à la biodiversité est un exercice très complexe

Intégrer les enjeux liés à la biodiversité aussi bien en terme de risques que d’opportunités est un exercice difficile tant les problématiques liées à biodiversité sont complexes. De fait, en matière de biodiversité, il n’existe aucune mesure de référence unique (à l’image de « l’équivalent CO2 », l’indicateur d’empreinte carbone utilisé pour évaluer la pression exercée sur le climat) ni encore de scénario d’analyse sur le long terme. En outre, la biodiversité peut être affectée de manière très différente selon le type d’activité. Enfin, la perte de biodiversité n’est pas uniforme, certaines zones géographiques et certaines espèces étant plus particulièrement vulnérables que d’autres.

Les cinq piliers de référence

Afin de simplifier l’analyse des menaces qui pèsent sur la biodiversité, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a établi en 2019 une classification des 5 principales sources directes d’atteinte à la biodiversité :

  1. Le changement climatique est étroitement lié à la crise de la biodiversité. Les évènements météorologiques extrêmes, tels que sécheresses, températures élevées, ou incendies de forêts, exacerbent les modifications climatiques et altèrent les écosystèmes naturels. La perte de biodiversité a elle-même un impact négatif sur les conditions climatiques (par exemple, la diminution des surfaces forestières réduit les puits de carbone), perpétuant ainsi un cercle vicieux.
  2. La dégradation des sols et la destruction des habitats sont définies comme la détérioration ou la perte de capacité de production des sols et des terres. Les causes de cette dégradation sont multiples. Citons notamment l’agriculture intensive, la dénutrition des sols par épandage d’intrants chimiques, la déforestation à des fins de production agricole ou l’urbanisation. Les phénomènes météorologiques extrêmes peuvent également provoquer l’érosion et la dégradation des sols.
  3. La surexploitation des ressources signifie que les ressources issues de la nature sont récoltées à un rythme supérieur à la leur capacité naturelle de renouvellement. Cela inclue la déforestation, la surconsommation d’eau, la surpêche ou le commerce illégal d’animaux sauvages. La surexploitation d’une seule espèce peut menacer la stabilité alimentaire de tout un écosystème et affecter d’autres espèces.[3] De plus, la surexploitation des ressources, par exemple celle des forêts, a des répercussions négatives sur la qualité des terres alentour et sur les habitats naturels.
  4. La pollution contribue de manière significative à la perte de biodiversité. Elle comprend la pollution physique (notamment les plastiques et microplastiques), les polluants agricoles (engrais et pesticides), les déchets toxiques émanant des processus industriels ainsi que les contaminants chimiques issus de l’utilisation de médicaments ou de produits de grande consommation. Un grand nombre de ces produits toxiques sont rejetés dans les cours d’eau et s’accumulent au fil du temps, menaçant la santé humaine, animale et végétale.
  5. Les espèces exotiques envahissantes sont des espèces introduites par l’homme en dehors de leur aire de répartition naturelle. Elles n’ont en général pas de prédateurs naturels et peuvent causer des dommages importants sur les espèces indigènes et leurs habitats. L’introduction de ces espèces peut être intentionnelle (à des fins commerciales), récréatives (comme le python de Birmanie en Floride) ou encore non intentionnelle, par le biais du transport international.

Ces catégories offrent un cadre facilitant l’analyse de l’exposition des entreprises et des industries à la biodiversité, mais aussi l’évaluation des risques associés à la dégradation des écosystèmes dont elles dépendent et des opportunités dont elles pourraient bénéficier en adaptant leur modèle d’affaire.

Malgré la complexité du sujet, les investisseurs ont un rôle à jouer dans la prise en compte des enjeux liés à la biodiversité par les entreprises

La biodiversité est un sujet complexe, car les cinq piliers de référence de perte de biodiversité sont souvent interconnectés. Par ailleurs, les entreprises communiquent encore peu très peu sur le sujet. Seules une poignée d’entre elles font des efforts pour publier des données solides sur ce thème. Des initiatives commencent à émerger qui visent à stimuler et encourager la divulgation d’information relatives à la biodiversité, à l’image du questionnaire dédié à la forêt du Carbon Disclosure Project (CDP). Nous sommes toutefois loin de l’existence d’un cadre officiel clair sur la communication de ces informations.

Quant aux investisseurs, il leur est possible renforcer leur engagement au travers de solutions dédiées incluant notamment la pratique de l’exclusion, l’investissement d’impact, ainsi que des fonds ayant fixés des objectifs associés à la biodiversité. Cela passe toutefois par une consolidation de leur expertise en matière de biodiversité, ce qui nécessite un processus en cinq étapes.

La première étape est la sensibilisation et la formation. Il est important que les investisseurs commencent à dédier des ressources à la biodiversité pour une meilleure compréhension des risques et des opportunités dans les secteurs les plus exposés, comme par exemple celui de l’agroalimentaire.

La deuxième étape consiste à renforcer les prises de positions liées la biodiversité, ce qui implique des politiques d’investissement en lien avec ce sujet. Par exemple, certains investisseurs s’engagent dans la lutte contre la déforestation ou sur des sujets encore plus spécifiques associés à des matières premières exposées telles que le soja, le bétail, l’huile de palme ou les poissons et fruits de mer.

Pour mettre en œuvre efficacement ces engagements, il faut passer par une troisième étape, l’évaluation quantitative, qui s’appuie sur des données. Or, trouver des données fiables sur la biodiversité est extrêmement difficile. Cependant, de nouvelles approches innovantes voient le jour, permettant aux investisseurs de commencer à intégrer la biodiversité dans leurs investissements au travers d’indicateurs déjà accessibles, comme les déchets, le CO2 et les emballages.

Pour améliorer la qualité des données sur la biodiversité, les investisseurs doivent faire de l’engagement sur ce sujet. Cela consiste non seulement à engager avec les entreprises sur les risques et les impacts associés à la biodiversité, mais aussi à mettre en œuvre un engagement plus global afin de développer des reportings plus solides et harmonisés.

Finalement, la biodiversité est un sujet d’une telle ampleur que les investisseurs ne peuvent l’aborder seuls. Il est essentiel pour eux de collaborer avec leurs pairs, mais aussi avec des experts et des fournisseurs de données. Certaines organisations comme le CDP offrent un point de départ pour mesurer les performances des entreprises. Cependant, de nouvelles régulations émergent sur la biodiversité et les investisseurs doivent prendre part à la conversation.

Si l’intégration des enjeux liés à la biodiversité n’en est qu’à ses débuts, l’année 2021 pourrait constituer un point d’inflexion vers une prise en compte beaucoup plus forte, notamment de la part des investisseurs, alors que des initiatives majeures émergent au niveau politique, économique, et financier. Citons par exemple l’évènement One Planet Summit Biodiversité en Janvier 2021, de nouvelles régulations Européennes en faveur de la biodiversité, et les premières recommandations du groupe de travail Taskforce on Nature-Related Financial Disclosures (TNFD) visant à cadrer l’exposition des entreprises à la biodiversité, à l’image du TCFD pour le climat.

Sources:

[1] IPBES, Summary for Policymakers, 2019.

[2] IBPES, 2019

[3] HSBC, 2020

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Surmonter les défis réglementaires en matière de participation active en Amérique du Nord

De récentes études font état de la rapide croissance des stratégies d’investissement responsable en Amérique du Nord, qui affichent une hausse de 48 % et de 42 % respectivement au Canada et aux États-Unis. De même, l’initiative Principes pour l’investissement responsable (PRI) a rapporté que le nombre de ses signataires au Canada et aux États-Unis a augmenté de 14 % et de 22 %, respectivement. Cependant, le nombre total de signataires en Amérique du Nord s’élève à 589, comparativement à 1 285 en Europe. La participation active est un axe essentiel de bon nombre de ces stratégies d’investissement responsable. Elle permet aux investisseurs d’exercer leur influence au moyen de leur droit de vote et de leur mobilisation afin d’améliorer le bilan ESG des sociétés dans lesquelles ils ont investi.

Cette tendance est impressionnante, puisqu’elle se développe dans un contexte assez surprenant où la réglementation fait obstacle à la participation active en Amérique du Nord. En effet, les organismes de réglementation de ce marché font preuve d’un scepticisme sous-jacent qui s’est manifesté dans leurs politiques publiques en 2020. À titre de comparaison, les organismes de réglementation en Europe ont préconisé une réglementation audacieuse encourageant l’investissement responsable, ayant mis la touche finale à la taxonomie de la finance durable de l’UE et ayant pris des mesures pour améliorer la communication de l’information, comme le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers. De fait, les organismes de réglementation européens visaient une mise en place de ces changements si rapide que les investisseurs ont tenté – avec succès – de repousser la date de leur introduction.

Plus que jamais, les investisseurs nord-américains doivent s’interroger sur l’influence qu’ils exercent dans l’écosystème au sein duquel ils évoluent, en réfléchissant à ce qui s’est passé en 2020 et à une meilleure façon de travailler ensemble à l’avenir.

Les organismes de réglementation américains font obstacle à la participation active

Au début de l’année 2020, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a sollicité des commentaires sur deux propositions de modification d’ensembles de règles visant à accroître le fardeau réglementaire qui pèse sur les conseillers en matière de vote par procuration et à restreindre davantage la capacité des investisseurs à soumettre des propositions d’actionnaires. La SEC cherchait avec ces projets à répondre à ses préoccupations quant à l’exactitude et à la transparence des conseils sur le vote par procuration auxquels les investisseurs ont recours pour prendre des décisions éclairées en cas de vote et à modifier les seuils et les mécanismes permettant aux investisseurs de déposer des propositions d’actionnaires afin d’éviter un « emploi abusif » du processus.

Les deux propositions ont fait l’objet de critiques importantes de la part des investisseurs. Ces derniers ont fait valoir que les préoccupations sous-jacentes de la SEC sur l’exactitude des recherches en matière de vote par procuration ou la pertinence des propositions des actionnaires n’étaient pas justifiées, de sorte que ces propositions étaient non seulement inutiles, mais risquaient aussi d’étouffer les activités de participation active dorénavant courantes dans l’ensemble du secteur.

Lorsque la SEC a confirmé ses règles finales, la rétroaction semblait avoir eu une certaine incidence, mise en évidence par l’abandon pur et simple de certains des éléments les plus problématiques, comme l’obligation pour les conseillers en matière de vote par procuration de laisser les émetteurs examiner les rapports avant leur publication. Cependant, d’autres exigences astreignantes demeurent, comme le rehaussement des seuils permettant aux investisseurs de déposer des propositions d’actionnaires, ce qui est décevant compte tenu de l’efficacité de ces propositions en matière d’amélioration des pratiques ESG des entreprises.

Parallèlement, le Department of Labour des États-Unis (DOL) a aussi ouvert une période de consultation sur deux règles ayant une incidence sur les régimes de retraite privés régis par la Employee Retirement Income Security Act (ERISA). La première de ces règles visait à empêcher que des fonds d’investissement participant aux « placements ESG » fassent partie des options proposées par défaut aux bénéficiaires dans leur régime établi en vertu de la loi ERISA. La deuxième visait à augmenter le fardeau qui pèse sur les régimes visés par la loi ERISA quant à l’exercice du droit de vote par procuration, en exigeant une analyse coût-bénéfice approfondie pour les activités de vote sur les propositions liées aux facteurs environnementaux et sociaux.

Comme pour les propositions de la SEC, le milieu des placements a réagi en faisant état de graves préoccupations quant aux raisons sous-jacentes à l’origine de l’établissement des règles, ainsi qu’à l’impossibilité pour les fiduciaires du régime et d’autres investisseurs institutionnels d’appliquer les propositions.

Dans la version définitive du règlement relatif aux produits « d’investissement ESG », le Department of Labor a décidé de se détourner du terme « ESG » au profit de facteurs pécuniaires et non pécuniaires. Ce changement a été interprété comme une victoire par de nombreuses personnes, le Department of Labor semblant admettre que les facteurs ESG puissent en fait être pécuniaires, étant donné qu’ils peuvent avoir une incidence sur le profil risque-rendement d’un placement ou d’un portefeuille. En pratique, cela signifie que les fonds qui intègrent les considérations ESG peuvent encore être sélectionnés comme option par défaut par les fiduciaires d’un régime établi en vertu de la loi ERISA.

La règle concernant le vote par procuration a également été reformulée de façon similaire, faisant valoir que les fiduciaires ne doivent pas poursuivre d’objectifs non pécuniaires en votant au détriment de l’intérêt financier de leurs régimes. La concession faite dans ce cas est que les objectifs ESG souvent poursuivis à travers la participation active peuvent également être pécuniaires pour le rendement du fonds. La nature normative et peu pratique de la proposition initiale a été remplacée par une approche fondée sur des principes qui allège le fardeau des fiduciaires exigeant de démontrer que chaque vote individuel a été analysé en fonction des coûts et des bénéfices. Cependant, cela n’a pas que du bon, car les fiduciaires devront tout de même consacrer plus de temps à la supervision des politiques de vote par procuration de leurs fonds et de leurs fournisseurs de services.

Bien qu’elles aient une portée différente, les propositions de la SEC et du Department of Labor ont en commun des caractéristiques sous-jacentes : la distinction entre objectifs des investisseurs ESG et objectifs de placement traditionnels ainsi que la limitation des outils utilisés ou des situations dans lesquelles les produits ESG pourraient être déployés. Bien qu’ils aient suscité une réaction impressionnante et passionnée de la part des investisseurs, les organismes de réglementation américains ont tout de même adopté une réglementation qui nuit à l’investissement responsable, même si elle est moins rigoureuse que ce qu’ils proposaient à l’origine.

Les organismes de réglementation canadiens envisagent de prendre des mesures semblables

L’intérêt des organismes de réglementation pour la participation active a également augmenté au Canada. Bien qu’une grande partie de cette attention réglementaire appuie l’accélération de la finance durable, en juillet dernier, le Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario a proposé un projet de réformes réglementaires qui, à titre comparatif, ont alarmé le milieu des placements local.

Lorsque le Groupe de travail a été formé au début de 2020, un groupe d’investisseurs canadiens a présenté des suggestions pour faire en sorte que les sociétés cotées à la Bourse de Toronto soient des placements plus attrayants en matière de facteurs ESG sur le marché mondial. Ces suggestions comprenaient l’amélioration des exigences en matière de divulgation à l’égard des facteurs ESG, conformément à l’approche adoptée par le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques et le Sustainability Accounting Standards Board, ainsi que l’adoption de mesures visant à accroître la diversité au sein des conseils d’administration et de la direction. Fait encourageant, ces suggestions se sont retrouvées dans le projet de rapport du Groupe de travail.

Cependant, le Groupe de travail, faisant écho à son pendant américain, a également proposé de réglementer les conseillers en matière de vote par procuration, en mettant en avant des préoccupations liées à la transparence et à l’exactitude des rapports fournis par ces conseillers aux investisseurs. Le Groupe de travail a suggéré la mise en place d’un processus « sans mesure à prendre » à l’égard des propositions des actionnaires semblable à celui adopté à la SEC. Généralement, les investisseurs considèrent que ce processus réduit les droits des actionnaires à l’avantage des intérêts des sociétés. Ce scepticisme adopté au Canada à l’égard des conseillers en matière de vote par procuration et du processus de proposition des actionnaires a surpris : la mobilisation des investisseurs auprès des sociétés tend à y être beaucoup moins litigieuse qu’aux États-Unis. Les votes sur les facteurs ESG ou sur les propositions des actionnaires obtiennent rarement la majorité des voix, et les investisseurs n’ont pas l’habitude de déposer autant de propositions des actionnaires en matière de facteurs ESG – propositions qui ne sont souvent utilisées qu’en dernier recours.

Ces recommandations du Groupe de travail ayant une incidence sur les processus de vote par procuration et de proposition aux actionnaires ont fait l’objet de nombreuses critiques de la part des investisseurs. La Coalition canadienne pour une bonne gouvernance (CCGG) a émis une mise en garde contre l’érosion de la protection des investisseurs et contre l’augmentation de leur fardeau réglementaire en soutenant que les recommandations allaient à l’encontre du mandat de protection des investisseurs de la CVMO. Les actionnaires canadiens ont également collaboré pour faire des commentaires et ont profité de l’occasion pour expliquer en détail le fonctionnement des activités de participation active ainsi que les raisons pour lesquelles les recommandations du Groupe de travail n’étaient pas nécessaires sur le marché canadien et ne seraient pas faciles à mettre en œuvre.

Au moment de la rédaction du présent document, le Groupe de travail n’a pas encore publié sa série finale de recommandations, qui doit être finalisée d’ici la fin de 2020. Nous espérons que ces recommandations définitives continueront d’appuyer les divulgations de l’information relative aux facteurs ESG, mais que les commentaires des investisseurs ont convaincu le Groupe de travail de revoir les réformes qui auraient une incidence négative sur les processus de vote par procuration et de proposition aux actionnaires.

Il est plus important que jamais de promouvoir la participation active

Compte tenu de la croissance importante des stratégies d’investissement responsable faisant appel à la participation active et de l’attention des organismes de réglementation qui en découle, nous sommes à la croisée des chemins. Il n’a jamais été aussi important de nous regrouper pour façonner l’avenir de notre secteur. Les initiatives politiques présentées ci-dessus sont toujours en cours ou pourraient être abrogées avec le changement de régime aux États-Unis, mais les idées fausses à l’égard de notre secteur qui découlent de ces initiatives demeurent.

Il existe de nombreuses façons de travailler ensemble pour apporter des changements, comme communiquer directement avec les organismes de réglementation ou travailler par l’intermédiaire d’associations sectorielles. À BMO Gestion mondiale d’actifs, nous adoptons la même approche lorsque nous mobilisons les décideurs ou les sociétés dans lesquelles nous investissons : en communiquant respectueusement nos points de vue d’investisseurs, en prenant le temps et en dépensant l’énergie nécessaires pour approfondir les sujets, partager notre expertise sur les enjeux ESG et fournir de la formation ou des exemples de meilleures pratiques, au besoin.

Ce qu’il faut retenir de 2020, c’est que la voix des investisseurs peut être incroyablement puissante quand il s’agit de mieux informer les organismes de réglementation sur les facteurs ESG et la participation active. Nous devons nous faire entendre pour assurer notre position en tant que gardiens responsables du capital, d’autant plus que l’investissement responsable en Amérique du Nord croît plus rapidement que jamais.

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Tout énoncé qui repose nécessairement sur des événements futurs peut être une déclaration prospective. Les déclarations prospectives ne sont pas des garanties de rendement. Elles comportent des risques, des éléments d’incertitude et des hypothèses. Bien que ces déclarations soient fondées sur des hypothèses considérées comme raisonnables, rien ne garantit que les résultats réels ne seront pas sensiblement différents des résultats attendus. L’investisseur est prié de ne pas se fier indûment aux déclarations prospectives. Concernant les déclarations prospectives, l’investisseur doit examiner attentivement les éléments de risque décrits dans la version la plus récente du prospectus simplifié.
Le présent document est fourni à titre informatif seulement. L’information qui s’y trouve ne constitue pas une source de conseils fiscaux, juridiques ou de placement et ne doit pas être considérée comme telle. Les placements doivent être évalués en fonction des objectifs de chaque investisseur. Il est préférable, en toute circonstance, d’obtenir l’avis de professionnels.
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Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

POURQUOI LES PORTEFEUILLES ESG SONT PROUVÉS POUR ÊTRE PLUS RÉSILIENTS DANS LE CONTEXTE DE COVID-19

Si les éléments marquants de 2020 ont été la COVID-19 et le décalage entre la performance des marchés et celle d’une économie mondiale traumatisée, une conséquence moins évidente de cette situation, mais financièrement urgente, pourrait être l’intensification de la volatilité des marchés et la recherche de solutions de placement plus résilientes. Les placements axés sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) se sont démarqués comme étant l’une des principales méthodes pour constituer des portefeuilles résilients, surtout lorsque les risques économiques et sociaux systémiques se multiplient.

Placements axés sur les facteurs ESG et pandémie

Au début de la période de volatilité causée par la pandémie de cette année, les preuves de la solidité des facteurs ESG ont été largement relevées, tant à l’échelle des sociétés que dans les stratégies de placement axées sur les facteurs ESG. Par exemple, un document de travail de la Harvard Business School publié en avril explique comment les actions des sociétés que le public perçoit comme s’étant comportées de façon plus responsable durant le repli de mars ont enregistré un rendement moins négatif que leurs concurrentes.[1] D’autre part, dans une étude largement citée sur les fonds communs de placement aux États-Unis, l’agence de notation Morningstar a fait remarquer que « quatre fois plus de fonds axés sur des facteurs de développement durable se sont classés dans le premier quartile que dans le dernier quartile de leur catégorie » au premier trimestre.[2]

Fonds d’actions axés sur le développement durable

Classement par quartile des rendements du premier trimestre de 2020 (en %) selon Morningstar

Quelle a été la clé de cette résilience? L’une des raisons est la sous-pondération généralisée du secteur de l’énergie dans les stratégies de placement axées sur les facteurs ESG. La crise causée par la COVID-19 a sérieusement pesé sur les perspectives de croissance économique mondiale à court terme, ce qui a déclenché un effondrement des prix du pétrole et une grande volatilité dans le secteur de l’énergie. Une vision structurelle des perspectives d’avenir des sociétés énergétiques traditionnelles a, semble-t-il, contribué au rendement d’un large éventail de fonds axés sur les facteurs ESG par rapport aux fonds comparables traditionnellement gérés. [3]

Au-delà de la vision prudente du secteur, le Wall Street Journala indiqué à la fin du mois demars que les facteurs ESG, en particulier les facteurs sociaux, pourraient prendre de l’importance auprès des sociétés, car l’intérêt des investisseurs pour l’approche des sociétés en matière de gestion du capital humain est devenu plus pressant.[4] Comme l’a déclaré John Hale, chef de larecherche sur le développement durable en Amérique à Morningstar, les stratégies axées sur les facteurs ESG semblent en permanence dégager de meilleurs rendements, car elles tendent à privilégier les « sociétés de qualité du 21e siècle », en mettant l’accent sur la « sélection d’actions de sociétés démontrant une plus grande conformité aux normes ESG ». [5]

Les facteurs ESG ont montré leur affinité avec les définitions contemporaines de la qualité les plus pertinentes. Cependant, on ne parle pas ici de qualité au sens de rentabilité, mais de qualité définie par une combinaison de facteurs de développement durable quantitatifs et qualitatifs, en particulier des facteurs souvent qualifiés de non financiers, intangibles ou préfinanciers.

En période de crise, les coûts préfinanciers peuvent devenir des coûts financiers – parfois très importants – modifiant la définition de coûts importants et remplacement d’autres facteurs qui auraient auparavant été réputés avoir une plus grande incidence sur les résultats d’une société. L’une des questions que nous nous posons maintenant est de savoir si ce remaniement des facteurs en fonction de leur importance nécessite un changement tactique ou plus stratégique de l’approche en matière de placement

Pandémie et multiplication des risques sociaux

Avec la progression de la pandémie, il semble que les sociétés affichant une plus grande conformité aux normes ESG paraissent mieux préparées à surmonter la tempête économique que personne ne voyait venir [6], sans parler de l’agitation sociale qui a rapidement suivi. En plus de faire ressortir de tout un éventail de risques sociaux systémiques, la pandémie a mis en évidence la fragilité des structures économiques par rapport aux facteurs sociaux.

Selon certains observateurs, les stratégies axées sur les facteurs ESG ont maintenu leur avance malgré les perturbations du marché en 2020, car elles ont adopté une vision à long terme de ce qui est considéré comme un investissement durable dans tous les secteurs. Les banques et d’autres institutions qui minimisaient auparavant l’importance des placements axés sur les facteurs ESG ont depuis montré un vif intérêt pour les caractéristiques des placements durables.[7] Nous pensons que cet ensemble de caractéristiques est un ensemble, en évolution, mais bien défini, de facteurs ESG interreliés.

Facteurs ESG que nous jugeons les plus pertinents pour nos investissements

De plus, le potentiel de rendement supérieur d’une stratégie axée sur les facteurs ESG repose sur la modélisation des différents scénarios négatifs ou positifs. Il peut s’agir d’anticiper les conséquences sur la santé des entreprises de divers scénarios climatiques ou des conséquences positives ou négatives de changements des conditions sociales. Bien que les facteurs sociaux en cause dans la pandémie aient varié dans le temps et selon les régions, les facteurs sociaux qui selon nous ont été les plus importants pour le plus grand nombre d’entreprises comprennent la santé et la sécurité, les relations de travail et le respect de la collectivité.

Santé et sécurité : structures de santé publique sous pression

La santé et la sécurité sont au cœur de l’incertitude suscitée par la pandémie. En mars, les participants au marché, des plus novices aux plus expérimentés, se sont soudainement retrouvés face à des questions visant leur santé personnelle et celle de la collectivité, qui pouvaient avoir des conséquences marquées sur leur vie, leurs moyens de subsistance et leurs portefeuilles de placements :

  • Est-il sécuritaire pour quiconque d’aller au travail ou pour mes enfants d’aller à l’école? Pendant combien de temps ma famille devra-t-elle rester à la maison?
  • Notre système de santé publique est-il équipé pour faire face à la pandémie ou sera-t-il poussé au-delà de son point de rupture?
  • Les ressources destinées à trouver un remède seront-elles affectées de manière à accélérer le développement de traitements vraiment efficaces pour le grand public ou pour le bénéfice des actionnaires et des initiés?

Il n’y avait et il n’y a toujours aucune garantie que la solution qui sera apportée à ces questions de santé et de sécurité sera avantageuse à court ou à moyen terme pour la population et l’économie mondiales. Face à une telle incertitude, les gestionnaires d’actifs traditionnels et les propriétaires d’actifs ne savaient pas quel rendement corrigé du risque leurs portefeuilles pourraient générer. Cependant, en raison de l’accent mis sur les risques systémiques, les stratégies ESG peuvent permettre une meilleure conscience de l’importance des risques sociaux auxquels font face les différentes sociétés, industries et régions interdépendantes sur le plan économique, lorsque celles-ci sont aux prises avec des éclosions.

Relations de travail: un test de résistance majeur pour les entreprises des régions durement touchées

Jamais, depuis la grande dépression, autant de gens n’avaient perdu leur emploi ou la sécurité de celui-ci aussi rapidement. Par conséquent, les relations de travail sont vite devenues capitales pour les sociétés, quelle que soit la capitalisation :

  • Jusqu’à quel point les entreprises vont-elles traiter les employés avec empathie, en donnant plus d’importance à leur santé et à leur sécurité, sans parler de leur emploi, qu’aux bénéfices réalisés? Que se passera-t-il si la crise se prolonge jusqu’en 2021et au-delà?
  • Les entreprises seront-elles en mesure de créer des espaces de travail sécuritaires pour leurs employés? À quel coût?
  • Les sociétés sont-elles pleinement conscientes que leur comportement pendant la crise pourrait définir leur capacité future à retenir les employés talentueux et à fidéliser les clients?

Au début de la première vague de la pandémie, le chômage a enregistré une hausse vertigineuse. En l’espace de quelques semaines, le taux de chômage aux États-Unis a dépassé les 14 %, indiquant que des dizaines de millions de personnes avaient perdu leur emploi. Bien que les données aient été plus contrastées dans les pays d’Europe, les économies émergentes ont également connu une forte détérioration de l’emploi.[8] Quelles mesures réalistes les sociétés et les États pourraient-ils prendre pour protéger les chômeurs et les travailleurs essentiels toujours à l’emploi mais rapidement épuisés? La façon dont les entreprises traitent leurs employés dans un contexte financier difficile qui ne survient qu’une fois par génération est peut-être le test de résistance ultime qui mesure la solidité relative des sociétés, des industries et des secteurs face au facteur social.

Taux de chômage aud Ėtats-Unis (%)

Août 2000 – Août 2020

Le respect de la collectivitéest-il un catalyseur de changement positif?

Le respect de la collectivité est devenu un autre facteur de risque et d’occasion pour de nombreuses sociétés depuis le début de la crise :

  • Les sociétés prendront-elles la peine de réorienter leurs activités en douceur, par exemple en mettant en œuvre un plan de continuité des activités ou en mettant certaines activités en pause jusqu’à ce qu’une sécurité relative soit assurée?
  • Si une société exerçait ses activités en présence du grand public, a-t-elle respecté les mesures visant à lutter contre la pandémie ou les a-t-elle traitées à la légère?
  • Les entreprises ont-elles fait don de ressources pour aider l’ensemble de la collectivité? Que ce soit en faisant don d’équipement de protection individuelle ou en utilisant la capacité de fabrication pour construire des ventilateurs, du désinfectant pour les mains, etc.
  • De quelle façon les sociétés se sont-elles engagées à changer à long terme, en particulier en ce qui a trait à la façon dont elles se perçoivent et à l’incidence de leurs activités sur les collectivités dans lesquelles elles les exercent?

De nombreuses sociétés se sont montrées prêtes à s’engager sur la voie du changement social. Cela est le plus évident aux États-Unis, où la pandémie a exacerbé les tensions qui entourent la reconnaissance de l’injustice raciale bien ancrée dans le pays. Laposition des sociétés sur les questions pertinentes a souvent eu une incidence sur leurs activités et il est à espérer que cette position devienne, aux États-Unis, un catalyseur d’amélioration de la diversité au sein du conseil d’administration des sociétés, de l’égalité entre hommes et femmes, et des structures de rémunération qui favorisent les intérêts de l’ensemble des parties prenantes.

Les placements durables sont résilients.

Ceux qui investissement dans des placements axés sur les facteurs ESG mettent l’accent principalement sur le développement durable, une condition de résilience qui se reflète dans les fondamentaux des sociétés et la capacité de leurs dirigeants à gérer les risques importants, ce qui donne aux sociétés de meilleures chances de prospérer. Comme on a pu le lire dans Responsible Investor, la durabilité d’une société se mesure par « sa résilience et son agilité à gérer de nombreuses parties prenantes ainsi que l’incertitude, les chocs et les perturbations à l’échelle mondiale, qu’ils soient causés par une pandémie, l’agitation sociale ou une urgence environnementale. »[9]

Les facteurs qualitatifs et préfinanciers sont considérés par les stratégies ESG comme des facteurs ayant la capacité de déterminer les forces et les faiblesses futures d’une entreprise. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les stratégies ESG continuent de susciter l’intérêt, car les investisseurs cherchent de plus en plus à déterminer si une société a la vision et les capacités stratégiques nécessaires pour atteindre et maintenir une conformité aux normes ESG – en d’autres termes, une résilience à long terme et la capacité à gérer les risques extrêmes.

 

Sources:

[1] « Corporate Resilience and Response During COVID-19 », Alex Cheema-Fox, Bridget LaPerla, George Serafeim et Hui (Stacie) Wang, document de travail no20-108 du département de comptabilité et de gestion de la Harvard Business School, avril 2020.

[2] « Sustainable Funds Weather the First Quarter Better Than Conventional Funds, » Morningstar, 3 avril 2020. L’étude est citée par interactive investor, « The reason why ESG funds outperformed during the market sell-off », 24 mars 2020 et CNBC.com, « The coronavirus downturn has highlighted a growing investment opportunity —and millennials love it », 14 avril 2020, entre autres.

[3] Morningstar, 3 avril 2020.

[4] « Coronavirus Pandemic Could Elevate ESG Factors » Wall Street Journal, 25 mars 2020.

[5] Morningstar, 3 avril 2020.

[6] Bien sûr, de nombreuses personnalités publiques bien connues ont parlé par le passé de la probabilité – voire de l’inévitabilité – qu’une pandémie cause des ravages au sein de l’économie mondiale. Voir, par exemple, la conférence TED donnée en 2015 par Bill Gates, cofondateur de Microsoft et philanthrope

[7] Wall Street Journal, 25 mars 2020.

[8] « Emerging economies in full-blown unemployment crisis » Nations unies, 4 juin 2020.

[9] « No Surprise: Sustainability Funds Outperform the Market—Despite COVID-19 » Responsible Investor, 24 avril 2020.

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Une crise généralisée dans le secteur de la santé, comme une pandémie mondiale, pourrait entraîner une forte volatilité des marchés, la suspension et la fermeture des opérations de change, et affecter le rendement du portefeuille. Le nouveau coronavirus (COVID-19) perturbe ainsi considérablement les activités commerciales à l’échelle mondiale. Les répercussions d’une crise sanitaire, ainsi que d’autres épidémies et pandémies susceptibles de survenir à l’avenir, pourraient avoir des conséquences sur l’économie mondiale qui ne sont pas nécessairement prévisibles à l’heure actuelle. Une crise sanitaire peut exacerber d’autres risques politiques, sociaux et économiques préexistants. Cela pourrait nuire au rendement du portefeuille, ce qui entraînerait des pertes sur votre placement.

Les opinions exprimées sont celles de Gestion de placements Manuvie au moment de leur publication et elles pourraient changer en fonction de la conjoncture du marché et d’autres conditions. Bien que les analyses et renseignements présentés dans le présent document aient été compilés ou formulés à l’aide de sources jugées fiables, Gestion de placements Manuvie ne donne aucune garantie quant à leur précision, à leur exactitude, à leur utilité ou à leur exhaustivité, et n’accepte aucune responsabilité pour toute perte découlant de l’utilisation du présent document ou des renseignements et analyses qu’il contient. Gestion de placements Manuvie n’est nullement tenue de mettre à jour ces renseignements. Ni Gestion de placements Manuvie, ni ses sociétés affiliées, ni leurs administrateurs, dirigeants et employés n’assument de responsabilité pour quelque perte ou dommage direct ou indirect, ou quelque autre conséquence que pourrait subir quiconque agit sur la foi des renseignements du présent document.

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Les obligations catastrophes et les titres assurantiels sont des placements fondamentalement axés sur les facteurs ESG

En tant qu’investisseurs de longue date dans des portefeuilles d’obligations catastrophes et de titres assurantiels, nous voyons comment ces investissements spécialisés peuvent, par leur nature, contribuer à promouvoir activement les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Les titres assurantiels sont utilisés par les assureurs et les réassureurs comme solution de rechange intéressante sur le plan économique à la réassurance traditionnelle. Grâce à ces instruments, les investisseurs fournissent des garanties par le biais de la titrisation et prennent en charge une partie du risque de réassurance en échange de la possibilité de toucher des primes.

Les obligations catastrophes représentent un segment spécifique du marché des titres assurantiels structuré sous la forme d’obligations à taux variable en vertu de la règle 144A pour transférer le risque de réassurance associé aux événements de catastrophe naturelle qui se produisent à distance, mais qui sont très coûteux pour les marchés de l’assurance. Ces placements non corrélés et diversifiés contribuent aux fonds propres dont les assureurs et réassureurs ont besoin pour couvrir les pertes afin que les sinistrés puissent se reconstruire.

Nous croyons que les obligations catastrophes et les titres assurantiels présentent divers facteurs de placement importants en lien avec les enjeux ESG, et que cette catégorie d’actif peut promouvoir les objectifs ESG.

Le marché des obligations catastrophes et des titres assurantiels est un indicateur du coût du risque climatique qui peut servir de mécanisme coercitif afin d’encourager une meilleure gestion du risque climatique.

Les principaux acteurs du secteur des obligations catastrophes peuvent jouer un rôle dans la façon dont la réassurance et l’assurance s’attaquent aux répercussions des changements climatiques, car certaines tendances comme la hausse des températures et du niveau de la mer font augmenter la fréquence et la gravité des dangers liés aux ouragans, aux tornades, aux tempêtes hivernales, à la grêle et aux inondations. Les prix des polices d’assurance souscrites pour aider les collectivités et les économies à composer avec ces événements sont établis en fonction du niveau de risque et d’hypothèses fondées sur les données météorologiques et les pertes assurées. Plus la collectivité ou le bien à assurer est exposé à ces risques, plus les primes d’assurance sont élevées, ce qui pourrait avoir une incidence sur les fonds propres disponibles pour protéger ces collectivités.

Lorsqu’une collectivité ou une propriété prend des mesures pour gérer ou atténuer ces risques, comme l’amélioration de l’ingénierie des structures ou la construction de bâtiments et de structures dans des sites dotés de plans de développement durable, elle obtient en échange des primes moins élevées. En revanche, si elle n’a pas adopté de stratégies de développement durable axées sur la gestion des effets du changement climatique, elle est pénalisée par des primes plus élevées.

Le marché des obligations catastrophes et des titres assurantiels favorise le bien-être social et économique.

Il y a 25 ans, les sociétés de réassurance mondiales étaient les seuls fournisseurs d’assurance sur lesquels les collectivités pouvaient compter pour couvrir la partie des dommages subis non prise en charge par leur assurance initiale de première ligne. Les ouragans Katrina et Harvey, de même que le tremblement de terre de Tohoku au Japon, ont démontré l’importance des obligations catastrophes et des titres assurantiels dans l’écosystème du marché de l’assurance. En effet, ils constituent une source de financement supplémentaire utile pour aider les gens et les collectivités à rebondir.

La croissance du marché des obligations catastrophes et des titres assurantiels a abouti à la création de regroupements d’assureurs publics grâce auxquels les entités gouvernementales locales et nations souveraines, principalement dans les marchés en développement, peuvent transférer les risques de réassurance et d’assurance aux marchés financiers.

Les pays en développement, comme les Philippines et la Colombie, émettent des obligations catastrophes par l’intermédiaire de la Banque mondiale, ce qui leur permet d’obtenir des capitaux pour la reprise après une catastrophe et d’atténuer les répercussions d’un événement catastrophique sur la croissance et le développement économique. Aux Philippines, les obligations catastrophes contribuent à atténuer l’incidence des typhons sur la production économique.

De même, le Mexique a reçu un paiement d’une obligation catastrophe émise par la Banque mondiale après un tremblement de terre en 2017. Cet argent a aidé à financer la reconstruction et la remise en état des logements et des infrastructures publiques dans les régions touchées. Par ailleurs, plusieurs groupes ont formé une fiducie qui a acheté la première police d’assurance pour récifs coralliens afin de soutenir la reconstruction des écosystèmes côtiers à la suite d’ouragans ou de tempêtes violentes.

Aux États-Unis, les fonds gérés par l’État en Floride, au Texas et en Californie, pour n’en nommer que quelques-uns, émettent des titres assurantiels depuis dix ans afin de fournir de l’assurance aux collectivités qui ne pouvaient l’obtenir sur les marchés privés.

Bon nombre d’obligations catastrophes et de titres assurantiels offrent un financement transparent et efficace.

L’une des principales caractéristiques des titres assurantiels est le mécanisme rapide et efficace d’émission de paiements lorsqu’un événement déclenche une protection d’assurance. Ces déclencheurs sont fondés sur des mesures entièrement transparentes, comme une échelle d’événements ou des pertes supérieures à un montant donné. Ce fonctionnement est délibéré et prévoit des versements en temps opportun à la suite d’un désastre, au moment où le besoin d’argent est le plus criant.

La Banque mondiale a mis en œuvre ce type de déclencheurs avec succès lorsqu’elle a établi des partenariats avec des pays en développement pour émettre des obligations catastrophes contre les répercussions des ouragans majeurs, des séismes et des événements liés à une pandémie. Dans le contexte actuel de la pandémie de la COVID-19, deux obligations de la Banque mondiale ont apporté un financement à quelques marchés émergents pour soutenir les efforts d’intervention déployés.

Ces mécanismes constituent une nette amélioration par rapport à la gouvernance traditionnelle des paiements provenant des marchés de l’assurance privée, des gouvernements et des organisations non gouvernementales, car ces paiements n’ont pas toujours été émis de façon suffisante et en temps opportun.

Ces titres sont fondés sur une assurance conçue pour fournir des sources de capitaux supplémentaires afin de contribuer à l’objectif sociétal plus large d’aider les pays et les collectivités à se remettre sur pied après un sinistre, créant ainsi une catégorie de placements dont le principe de base repose sur les objectifs ESG.

Dans l’ensemble, les changements climatiques, les dépenses sanitaires, les problèmes d’approvisionnement alimentaire et les infrastructures endommagées peuvent amplifier la gravité des pertes économiques subies par les collectivités et les pays. Par conséquent, le « déficit de protection » pourrait encore s’accentuer, car les pertes économiques découlant d’événements majeurs comme les ouragans, les sécheresses et les pandémies ne peuvent être entièrement couvertes par le capital de réassurance.

Aujourd’hui, la présence d’investisseurs sur le marché des obligations catastrophes et des titres assurantiels permet d’accroître la capacité d’assurance et de réassurance et d’accélérer l’accès au capital. Ces résultats avantageux offrent aux assureurs une plus grande souplesse pour combler les lacunes en matière de protection. Combler ces lacunes de protection est un élément clé dans la capacité des assureurs à élaborer des programmes plus robustes axés sur les facteurs ESG.

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Apprendre des leaders de la diversité en entreprise

Il existe une analyse de rentabilisation solide et croissante en faveur de la diversité de genre, ethnique et culturelle dans le leadership d’entreprise. En termes de rentabilité, les entreprises les plus diversifiées sont plus susceptibles que jamais de surclasser leurs pairs moins diversifiés.

En 2019, les entreprises du quartile supérieur dans la diversité ethnique et culturelle au sein des équipes de direction ont surpassé leurs pairs du quartile inférieur de 36 % en termes de rentabilité, contre 33 % en 2017 et 35 % en 2014, comme le montre une récente analyse de McKinsey.[1]

C’est une bonne nouvelle, tant pour la société en général que pour les investisseurs qui font de la compréhension des pratiques de diversité des entreprises une partie intégrante du processus de sélection des titres. Étant donné qu’il y a actuellement très peu de divulgations dans une grande partie du monde par la plupart des entreprises sur la diversité raciale, pour identifier les pratiques innovantes, nos analystes ont contacté les entreprises de notre couverture que nous considérons comme les meilleures en matière de durabilité et leur demandent comment elles considèrent la diversité comme un élément clé d’un solide pipeline de capital humain.

Notre approche est axée sur la collecte d’informations au service de trois objectifs principaux :

  1. Inciter la direction à réfléchir à la diversité raciale.
  2. Motiver les entreprises à suivre la diversité en évaluant candidement le profil de la main-d’œuvre de leur entreprise et à être transparent à ce sujet à l’externe.
  3. Partager des idées, telles que la valeur des réseaux informels au sein d’une entreprise, dans lesquels les mentorats ou d’autres structures internes augmentent la visibilité, l’expérience et les opportunités pour les groupes minoritaires.

Les pratiques de recrutement et d’équité salariale sont des éléments clés de la gestion du capital humain et un sujet de discussion fréquent avec nos sociétés de portefeuille. Nous avons, par exemple, discuté avec Intel de la mise en place de la « règle Rooney » : dans le programme, les responsables du recrutement sont tenus de rencontrer en entrevue au moins une personne de couleur pour un poste afin de présenter aux gestionnaires des personnes talentueuses qui, autrement, auraient pu été négligées pour des raisons systémiques ou discriminatoires. Cela peut être un moyen de contourner les promotions plus subjectives (et donc potentiellement discriminatoires) et de forcer les gestionnaires qui négligent systématiquement les employés minoritaires qualifiés à rendre des comptes.

Intel a également créé une ligne de téléassistance qui permet aux minorités sous-représentées d’appeler pour poser des questions ou faire part de leurs préoccupations concernant leurs gestionnaires immédiats, ou simplement pour obtenir de l’aide pour leurs choix de carrière ou leurs décisions. Les personnes qui ont utilisé la ligne de téléassistance ont eu un taux de résiliation inférieur à ceux qui ne l’ont pas fait, car cela permettait aux employés de discuter de formes de discrimination plus passives de la part de leur direction immédiate. La ligne directe offre également une forme centralisée de mentorat ; l’une des difficultés de l’avancement professionnel est que les minorités sous-représentées ont tendance à avoir moins de possibilités de mentorat informel et de réseaux que les autres.

Intel suit également les données de cohorte pour s’assurer que les minorités sous-représentées progressent dans l’organisation. Certaines entreprises expliquent le manque de diversité dans la gestion en soulignant les efforts dans leur enfance et en notant le temps qu’il faut pour qu’elles deviennent efficaces, mais cela ignore le fait que si les décisions d’embauche de niveau débutant peuvent accroître la diversité/l’inclusion, la progression de carrière a tendance à être plus limitée. Le suivi et la fourniture de données de cohorte mettent en évidence les progrès en temps réel, plutôt que de simplement indiquer un point indéfini dans l’avenir pour que les progrès soient plus évidents pour les actionnaires.

CVS Health, une autre société du portefeuille de ClearBridge, aborde l’égalité raciale à la fois à l’interne, en ce qui concerne les employés, et à l’externe dans le travail ciblé que CVS fait pour les communautés sous-représentées en termes d’accès à la santé. CVS a, par exemple, mis sur pied des groupes de ressources pour les collègues (Colleague Resource Groups), soit des groupes d’employés ayant des intérêts communs ou des affinités avec des objectifs qui aident l’organisation. Les groupes comprennent le Black Colleague Resource Group, qui promeut l’inclusion, le réseautage, la sensibilisation communautaire et le mentorat, Juntos, une organisation multiculturelle de membres de groupes ethniques d’Amérique latine, Pride+, axée sur l’inclusion des employés LGBTQ+, ainsi que des groupes axés sur la reconnaissance des peuples autochtones des Amériques, de sensibilisation à l’environnement, développement du leadership des femmes, de mise en forme, de foi religieuse, etc.

CVS souligne une opportunité de diversité et d’inclusion pour une entreprise qui est non seulement l’une des rares entreprises à divulguer des données détaillées sur la diversité des employés, mais qui s’engage également à répondre aux divers besoins en matière de santé des communautés dans lesquelles elle opère. CVS a entrepris des efforts à grande échelle pour améliorer la santé des communautés mal desservies. Son programme phare, « Project Health », offre des dépistages de santé en magasin à un grand nombre de personnes, en grande partie des minorités ethniques, dans les communautés mal desservies, puis aide à mettre ces personnes en contact avec les prestataires de soins primaires et les cliniques. CVS travaille avec les cliniques de santé locales et les centres de santé communautaires parrainés par le gouvernement pour améliorer l’accès local à des soins de qualité. Elle aide également les banques alimentaires locales à lutter contre l’insécurité nutritionnelle, qui peut avoir des conséquences importantes sur la santé. Pendant la pandémie de COVID-19, la société fait également un effort concerté pour mettre en place des sites de test dans les communautés mal desservies.

En outre, dans ce qui est à la fois une bonne politique commerciale et sociale, CVS adapte les magasins aux besoins des communautés minoritaires, adaptant son assortiment de magasins et son personnel à la composition ethnique des communautés locales. L’entreprise met l’accent sur l’embauche de directeurs de magasin, de pharmaciens et de techniciens en pharmacie qui correspondent à la démographie locale et aux langues parlées, en particulier l’espagnol..

Les nombreuses formes que les programmes de diversité peuvent prendre témoignent des nombreuses avenues qui existent pour renforcer la diversité en milieu de travail, même si la divulgation globale des données raciales reste un défi, en particulier aux États-Unis. En apprenant et en partageant des idées comme celles nous venant des leaders en matière diversité des entreprises, nous espérons faire connaître les pratiques et ainsi aider et encourager d’autres entreprises à trouver leur chemin vers un avenir plus diversifié.

Sources:

[1] Diversity wins: How inclusion matters, McKinsey 2019.

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Investir pour l’inclusion raciale

Ces derniers mois, la discrimination raciale est devenue très visible, alors que les journalistes citoyens partagent des vidéos de violence et de brutalité contre les communautés noires et autochtones, souvent aux mains de policiers.

Mais l’injustice raciale va bien au-delà de la violence et de l’application de la loi. Des formes non violentes de discrimination raciale et d’inégalité sont présentes dans de nombreux aspects de la société, y compris les entreprises dans lesquelles nous investissons.

Discrimination raciale et manque de diversité du Canada

En novembre 2019, le Boston Consulting Group a publié un rapport sur la diversité et l’inclusion dans les entreprises canadiennes. Le rapport, basé sur un sondage auprès de 5 082 travailleurs canadiens dans des entreprises de plus de 1 000 employés, a révélé que 34 % de ceux qui s’identifiaient comme des personnes de couleur étaient victimes de discrimination en milieu de travail. Il a également révélé que 40 % des répondants autochtones avaient été victimes de discrimination au travail.

De plus, les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur (BIPOC) sont nettement sous-représentés aux postes de direction d’entreprise.

Comme je l’ai expliqué dans une chronique précédente, les sociétés cotées en bourse constituées en société en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) sont désormais tenues de divulguer les proportions d’Autochtones et de membres des minorités visibles au sein de leur conseil d’administration et de la haute direction. Norton Rose Fulbright, un cabinet d’avocats, a récemment analysé les divulgations sur la diversité de 199 sociétés au début de juillet, et les chiffres sont lamentables. Alors que 64,8 % des émetteurs ont déclaré ne pas avoir de représentation des minorités visibles dans les postes de haute direction, 75,4 % ont déclaré ne compter aucun membre des minorités visibles au sein de leur conseil.

Les chiffres sont encore plus frappants pour la représentation autochtone, avec 96,5 % des émetteurs déclarant ne pas avoir de membre d’une communauté autochtone au sein de leur conseil d’administration et 97,5 % n’ayant pas une telle représentation à des postes de haute direction.

Dans l’ensemble, Norton Rose Fulbright a constaté que la représentation moyenne des minorités visibles est de 4,7 % au niveau du conseil et de 7,4 % au niveau de la haute direction. Ces chiffres contrastent fortement avec les dernières données disponibles de Statistique Canada, qui montrent que les minorités visibles représentent 22,3 % de la population canadienne, tandis que les Autochtones représentent 4,9 % de plus. Il existe clairement un déficit de diversité important dans les entreprises canadiennes.

La diversité est bonne pour les valeurs et la valorisation

Ces graves inégalités raciales sont injustes et elles brossent un tableau saisissant de la mesure du chemin que nous avons à parcourir en matière de diversité et d’inclusion. Les inégalités raciales signifient également des opportunités perdues pour les entreprises et les investisseurs – il y a une valeur intrinsèque à avoir un milieu de travail diversifié et inclusif.

Si une analyse de rentabilisation ne devrait pas être requise pour que la société agisse, l’argumentaire d’investissement en faveur de la diversité et de l’inclusion s’avère assez solide. Une étude mondiale de McKinsey a révélé que les entreprises dotées des équipes de direction les plus diversifiées sur le plan ethnique sont 33 % plus susceptibles de surpasser leurs pairs en termes de rentabilité, tandis que les entreprises dont les conseils d’administration sont les plus diversifiés sur le plan ethnique à l’échelle mondiale sont 43 % plus susceptibles de réaliser des bénéfices plus élevés.

Ici au Canada, un rapport du Centre for International Governance Innovation, basé sur une analyse de 7 900 entreprises canadiennes, a révélé qu’une augmentation de 1 % de la diversité ethnoculturelle était associée à une augmentation moyenne de 2,4 % des revenus et à un gain de 0,5 % de la productivité au travail.

En ce qui concerne les risques, Starbucks a perdu environ 16,7 millions de dollars de ventes en raison d’un incident de racisme en 2018 après avoir fermé 8000 de ses magasins pour une formation visant à lutter contre les préjugés. La société a également subi des préjudices à sa réputation en raison de la presse négative lors de l’incident, qu’Apex Marketing Group a évalué à près de 16 millions de dollars américains.

De toute évidence, il existe de solides arguments en faveur de la diversité et de l’inclusion de la part des perspectives sur l’investissement responsable fondées à la fois sur la valeur et la valorisation.

Évolution du marché

Le marché évolue pour aider à combler le déficit en matière de diversité. En juin, le Conseil canadien des chefs d’entreprise contre le racisme systémique envers les Noirs nouvellement créé a annoncé sa formation et lancé l’Initiative BlackNorth pour accroître la représentation des Noirs dans les salles de conférence et les suites exécutives partout au Canada. Dans le cadre de l’un de ses premiers programmes, BlackNorth s’est mobilisée auprès des PDG pour inciter les dirigeants d’entreprise à prendre une série d’engagements visant à faire progresser la diversité raciale et l’inclusion au sein de leurs organisations.

En octobre, les investisseurs institutionnels gérant plus de 2,3 billions de dollars d’actifs ont signé la Déclaration des investisseurs canadiens sur la diversité et l’inclusion, un engagement des investisseurs à promouvoir la diversité et l’inclusion au sein de leurs portefeuilles et de leurs institutions, coordonnée par l’AIR. Les signataires de la déclaration, qui comprennent certains des plus grands investisseurs institutionnels du pays, reconnaissent l’existence du racisme systémique et ses impacts sur les communautés noires et autochtones et les personnes de couleur, tout en reconnaissant en outre l’existence d’inégalités et de discrimination fondées sur d’autres facteurs, notamment, mais sans s’y limiter, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la religion, la culture et le statut socio-économique. L’industrie canadienne de l’investissement a également organisé sa première Semaine de la diversité et de l’inclusion – une semaine de leadership éclairé et de vision pour les professionnels de l’investissement pour promouvoir la diversité et l’inclusion dans leurs portefeuilles et dans leurs organisations comptant plus de 700 participants virtuels.

En octobre également, l’AIR a publié l’édition 2020 de son Sondage d’opinion des investisseurs de l’AIR basé sur un sondage Ipsos auprès de 1000 investisseurs individuels, avec un accent particulier sur l’attitude des investisseurs envers la diversité et l’inclusion dans leurs portefeuilles. Le sondage a révélé que 73 % des répondants souhaiteraient qu’une partie de leur portefeuille soit investie dans des organisations offrant des opportunités pour l’avancement des femmes et des groupes diversifiés, et 72 % souhaitent que leur gestionnaire de fonds s’engage avec les entreprises canadiennes pour encourager une plus grande diversité dans la direction d’entreprise.

L’investissement d’impact pour la justice raciale est également en hausse au Canada. Une coalition de chefs d’entreprise noirs a lancé le Black Opportunity Fund en partenariat avec la Toronto Foundation. Le fonds soutiendra les organisations et les entreprises dirigées par des Noirs à travers le pays. Les investissements du fonds seront de grande envergure, mais particulièrement axés sur l’éducation, les soins de santé, le soutien communautaire et le logement.

Raven Indigenous Capital Partners, le premier intermédiaire de financement social dirigé et détenu par des Autochtones au Canada, a lancé le Raven Indigenous Impact Fund en 2019 pour fournir un capital patient et une expertise technique aux entreprises autochtones en démarrage. Le fonds se concentre sur la réduction de la pauvreté, la résilience communautaire et le développement d’une classe moyenne autochtone.

Des fonds comme ceux-ci joueront un rôle important dans l’élimination du racisme systémique et l’avancement des entreprises dirigées par des Noirs et des Autochtones au Canada.

Il existe également des possibilités d’investir pour la justice raciale sur les marchés publics. Impact Shares a développé un fonds négocié en bourse à but non lucratif appelé NAACP Minority Empowerment ETF. Le fonds suit l’indice Morningstar Minority Empowerment Index, offrant une exposition aux entreprises américaines ayant de solides politiques de diversité raciale et ethnique. En tant qu’organisation à but non lucratif, Impact Shares fait don de tous les bénéfices consultatifs nets provenant des frais de gestion du fonds à la National Association for the Advancement of Colored People, qui offre aux investisseurs une couche supplémentaire d’impact social.

En tant que gestionnaires de capital, les investisseurs peuvent également s’engager avec les entreprises pour promouvoir la diversité et l’inclusion, par exemple, en encourageant les stratégies de D&I et en demandant aux entreprises de signer l’engagement en tant que PDG de BlackNorth.

Conclusion

L’investissement responsable a des racines profondes dans la mobilisation contre le racisme. Depuis le milieu des années 1700, les Quakers ont interdit à leurs membres de posséder des esclaves et ont demandé au Congrès américain d’abolir l’esclavage. Plus récemment, dans les années 1970 et 80, des investisseurs internationaux ont lancé la première campagne de désinvestissement moderne, détournant des capitaux des entreprises sud-africaines pour protester contre leur complicité dans le régime raciste de l’apartheid. Les entreprises sud-africaines ont perdu l’accès aux marchés financiers mondiaux et ont finalement basculé, faisant pression sur le gouvernement pour mettre fin à l’apartheid.

Il est maintenant temps d’agir à nouveau. Les investisseurs et les conseillers ont l’occasion d’aider à mettre fin à des siècles d’injustice raciale en faisant progresser la diversité et l’inclusion dans leurs portefeuilles.

Investir à l’ère de la COVID-19 : une analyse de la performance de l’entreprise et du soutien des parties prenantes

« Il a trouvé une lueur d’espoir dans les ruines du désastre » ― Gabriel García Márquez, L’amour au temps du choléra

La pandémie de COVID-19 a eu un impact profond sur les gens et les entreprises. Dans le monde des investissements, nous voyons une lueur d’espoir dans la possibilité pour les entreprises de se distinguer par leur soutien à diverses parties prenantes, au-delà des actionnaires, pour créer de la valeur à long terme. Les marchés financiers n’ont pas été à l’abri de la pandémie, avec des niveaux extrêmes d’activité économique, des liquidités financières sans précédent et une divergence des réalités sur « Main Street » et « Wall Street ». Pour mieux comprendre les réponses des entreprises à la pandémie, nous nous sommes amorcé un dialogue avec les sociétés de notre portefeuille en mars et avril sur trois sujets :

  1. La résilience financière et liquidité
  2. Les initiatives visant à faire face aux effets aigus de la pandémie
  3. Les risques et opportunités à long terme

Cet article met en évidence notre analyse sur un échantillon de sociétés de notre portefeuille pour explorer leur soutien aux différentes parties prenantes, la relation potentielle avec la performance des prix à court terme et leur capacité à créer de la valeur à plus long terme. De manière générale, nous avons conclu que les sociétés de notre portefeuille qui ont adopté une approche ciblée et substantielle pour soutenir les principales parties prenantes se sont mieux comportées pendant la pandémie et affichent un biais positif vers des rendements historiques plus élevés à long terme.

Qui sont les parties prenantes?

Notre échantillonnage des efforts initiaux des entreprises de l’ensemble de nos portefeuilles (Illustration 1) a révélé que les groupes de parties prenantes les plus fréquemment ciblés étaient les employés et les communautés. L’adoption d’une approche ambitieuse ciblant plus d’un groupe de parties prenantes semblait nettement améliorer les performances, mais cela diminue à mesure que davantage de groupes de parties prenantes ont été ciblés (Pièce 2). Nous pensons que cela suggère que des investissements substantiels axés sur les parties prenantes importantes ont eu un impact financier plus positif que les efforts qui ont défini les parties prenantes de manière trop étroite ou réparti les ressources trop largement. Nous reconnaissons que d’autres facteurs pourraient influer sur l’absence de relation linéaire, y compris les effets sur l’industrie (les banques ayant des performances initiales médiocres et certaines entreprises technologiques ayant des performances extrêmement positives), et l’impact plus important des valeurs aberrantes dans le plus petit nombre d’entreprises de notre échantillon ciblant quatre groupes de parties prenantes ou plus.

Pièce 1 : Intervenants ciblés par des initiatives liées à la pandémie

Pièce 2 : Nombre de groupes de parties prenantes ciblés et performance moyenne du cours de l’action au 28 août 2020

En quoi ont consisté les initiatives?

Au sein de chaque catégorie de parties prenantes, les entreprises ont adopté un large éventail d’approches. Pour les employés, les réponses allaient de l’octroi d’une indemnité de risque aux options des options de télétravail en passant par de meilleures pratiques d’hygiène et de congé de maladie et l’engagement à payer intégralement les employés mis à pied. Le soutien aux fournisseurs comprenait des paiements prioritaires aux petites entreprises, la suspension des paiements de prêts et des paiements anticipés pour aider à la liquidité. Les entreprises ciblaient également les communautés par le biais de dons et en travaillant avec les gouvernements, les organisations à but non lucratif et les hôpitaux. La plupart des initiatives ont nécessité l’investissement de ressources de plus en plus limitées. Pour certaines entreprises, cela signifiait une diminution du capital destiné aux actionnaires (rachats et dividendes) ou aux dirigeants (rémunération) afin de financer des investissements dans d’autres parties prenantes. Nous évaluons ces décisions de la même manière que toute décision d’allocation de capital et estimons que les réductions des distributions aux actionnaires constituaient de solides stratégies à long terme qui peuvent réduire les risques systémiques et idiosyncrasiques pour les investisseurs et créer plus d’opportunités de création de valeur à long terme.

En termes simples, à mesure que l’activité économique reprend, une entreprise qui a soutenu des employés, des clients, des fournisseurs et des communautés clés est plus susceptible de sortir de la pandémie avec une main-d’œuvre engagée, des clients fidèles et des chaînes d’approvisionnement résilientes nécessaires pour redémarrer ses activités commerciales normales et capitaliser les opportunités émergentes.

Vers la résilience et la reprise :

Des mois plus tard, alors que l’impact négatif de la COVID-19 sur les gens et l’économie a été profond et étendu, il a touché de manière disproportionnée les défavorisés. Une reprise robuste et durable exigera probablement que les gouvernements et le secteur privé s’attaquent à cette répartition inéquitable des effets négatifs. Les périodes de crise présentent à la fois des risques et des opportunités pour les investisseurs. Bien entendu, il existe un risque que les entreprises ne soient pas aussi résilientes qu’on le pense ou que l’environnement futur ne soutienne plus autant leurs activités. Dans les cas où l’impact est généralisé, il y a aussi le risque systémique qu’il pose aux marchés dans la mesure où des marchés de capitaux fonctionnels nécessitent une économie et une société fonctionnant correctement.

La plus grande opportunité émergeant de ces événements rares, mais percutants (autres que de profondes perturbations de la valeur) est la capacité d’observer la résilience et la culture des entreprises qui réagissent à une extrême incertitude. Les observations font partie d’un processus itératif continu visant à affiner notre processus de sélection et de recherche afin d’améliorer les rendements ajustés au risque à long terme. Les principaux apprentissages à ce jour comprennent :

  1. La montée du « S » : Les entreprises et les investisseurs ont mis l’accent sur les facteurs sociaux pour faire face à l’impact plus profond de la pandémie sur les employés, les clients, les fournisseurs et les communautés.
  2. Les parties prenantes au-delà des seuls actionnaires : Un écosystème sain de parties prenantes clés et la prudence financière profiteront aux actionnaires à long terme en préservant la valeur de l’entreprise existante et en positionnant les entreprises pour une reprise réussie et des opportunités émergentes.
  3. L’allocation des ressources/capitaux est essentielle : Les entreprises qui concentrent leurs ressources sur des initiatives profondément alignées sur leur modèle de création de valeur à long terme sont plus susceptibles de générer de meilleurs résultats pour les actionnaires. Avoir la culture, les gens, la politique et la capacité de prendre ces décisions difficiles et d’équilibrer les différentes parties prenantes est une caractéristique clé d’un investissement réussi à long terme.

Il reste encore beaucoup d’incertitude quant à l’avenir et au moment et à la nature d’une éventuelle reprise. Cependant, nous continuons de nous attendre à ce que les entreprises qui adoptent une approche financièrement prudente pour soutenir les principales parties prenantes soient les mieux placées pour créer de la valeur à long terme. En tant qu’investisseurs qui regardent au-delà de la prochaine année, voire de la prochaine décennie, notre travail consiste à observer, à apprendre et à nous ajuster si nécessaire, tout en utilisant notre voix en tant qu’investisseurs actifs pour encourager les sociétés de notre portefeuille à faire de même.

Reconnaissance : Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide de Heather Sharpe, Eira Ong et de toute l’équipe de JFL Research.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Comment les gestionnaires de portefeuille top-down peuvent réussir leur intégration des critères ESG

La gestion top-down de portefeuilles d’actions est un processus d’investissement s’appuyant sur une analyse des grands segments du marché tels que les régions, les pays et les secteurs industriels.

La sélection de titres y joue un rôle très secondaire. Or, l’investissement responsable dans le marché des actions se base essentiellement sur de l’information propre aux titres individuels : les fameux critères ESG. Cela ne devrait toutefois pas empêcher les gestionnaires utilisant une approche top-down de mettre en place une pratique d’investissement responsable crédible. Nous proposons de le faire en construisant des univers d’investissement cohérents à la fois avec les leviers décisionnels du gestionnaire et avec ses objectifs quant aux critères ESG.

Un univers d’investissement adapté à son style

Pour qu’une stratégie top-down puisse être mise en place dans un univers d’investissement, celui-ci doit être représentatif du marché de référence. Prenons l’exemple d’un gestionnaire qui souhaite investir dans les banques européennes. Son objectif premier est d’investir dans un sous-ensemble représentatif de ces banques. L’exposition au regroupement importe davantage que le choix des titres individuels. Ce principe est généralisable à l’ensemble des leviers décisionnels propres à la gestion top-down. Ainsi, tous les grands segments du marché de référence (géographiques et sectoriels) devraient être bien représentés dans l’univers d’investissement.

Les critères ESG ou l’importance de se fixer des objectifs

Les critères ESG sont nombreux et variés : empreinte carbone, intensité d’utilisation de l’eau, indépendance du conseil d’administration, taux de mortalité au travail, etc. Afin d’orienter le travail de construction d’un univers d’investissement responsable, il importe de se fixer des objectifs précis et mesurables.

Ces objectifs permettront d’évaluer la méthodologie choisie. Permet-elle réellement d’atteindre nos cibles en matière d’investissement responsable ? L’exigence de représentativité du marché de référence discutée précédemment mène bien souvent à une application par segment de marché des critères ESG. Ceci peut avoir des effets indésirables ou inattendus.

L’empreinte carbone est un bon exemple de critère où une application par segment de marché peut s’avérer problématique. Retirer 200 titres d’un indice mondial en ciblant les plus grands émetteurs par segment de marché permet de réduire l’empreinte carbone de 94 à 55 tonnes par milliard de dollars investis. On constate toutefois que quatre des dix plus grands émetteurs au monde y sont toujours présents parce que malgré leur piètre performance par rapport à l’ensemble du marché, ils se démarquent dans leur secteur d’activité. Ce qui est acceptable pour un investisseur pourrait ne pas l’être pour un autre, d’où l’importance de se fixer des objectifs clairs.

Choisir une méthodologie cohérente avec ses objectifs

Si l’exemple précédent appelle à l’élaboration d’objectifs précis, il illustre également l’importance de faire en sorte que la méthodologie choisie permette d’atteindre ses objectifs. Nous sommes d’avis qu’une méthodologie combinant des filtres de désinvestissement globaux et des filtres appliqués par segment de marché permet suffisamment de flexibilité pour construire des univers d’investissement alliant les exigences de la gestion top-down à divers degrés d’intensité d’intégration des critères ESG.

L’élimination de tous les titres de l’industrie du tabac est un exemple de filtre de désinvestissement global. Il garantit la meilleure performance possible par rapport à ce critère ESG particulier, mais il élimine du même coup les leviers décisionnels, c’est-à-dire l’exposition à cette industrie et la sélection de titres à l’intérieur de celle-ci. L’utilisation des filtres de désinvestissement globaux devraient donc se limiter aux critères ESG sur lesquels le gestionnaire ou son client ne sont pas prêts à faire de compromis.

Les filtres par segment de marché, quant à eux, visent à sélectionner les entreprises affichant la meilleure performance relativement à leurs pairs. Ils n’ont donc pas pour effet d’éliminer des segments du marché de référence et donc des leviers décisionnels. Ils offrent généralement un bon compromis entre les objectifs ESG et les exigences de gestion.

Un exemple simple

Prenons pour exemple un univers d’investissement appliqué au marché des actions de pays développés et appliquons trois filtres de désinvestissement et deux critères par segment :

Tableau 1

L’analyse de l’univers d’investissement résultant doit permettre de répondre à deux questions :

  1. Les objectifs ESG sont-ils atteints ?
  2. L’univers est-il suffisamment représentatif du marché de référence pour qu’une stratégie top-down puisse y être déployée ?

Le tableau 2 permet de répondre favorablement à la première question. Sur tous les objectifs ESG choisis, l’univers d’investissement obtient une cote nettement meilleure que celle du marché dans son ensemble.

Tableau 2

Les statistiques affichées dans le tableau 3 nous permettent de conclure qu’une stratégie top-down pourrait être déployée dans cet univers. Tous les secteurs y sont bien représentés et le nombre de pays bien représentés y est même supérieur à celui du marché de référence. L’importance relative des grandes capitalisations y est suffisante et sa volatilité estimée est similaire à celle du marché de référence.

Tableau 3

Cet exemple simple illustre qu’il est possible pour un gestionnaire top-down d’atteindre des objectifs ESG ambitieux tout en se laissant suffisamment de leviers décisionnels pour mettre en place sa stratégie d’investissement.

Clause de non-responsabilité de l’AIR
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue ou la position de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). L’AIR n’approuve, ne recommande ni ne garantit aucune des revendications formulées par les auteurs. Cet article est conçu comme une information générale et non comme un conseil en investissement. Nous vous recommandons de consulter un conseiller qualifié ou un professionnel en investissement avant de prendre une décision de placement ou liée à un investissement.

Diversifier la diversité : Au-delà de la présentation

La question de la diversité a dû évoluer quelque peu. Bien que les investisseurs aient traditionnellement mis l’accent sur l’engagement à l’égard de la diversité en fonction du genre, ce qui est relativement facile à mesurer en raison de la disponibilité des données à ce sujet, les récentes manifestations à l’échelle mondiale contre le racisme ont obligé les entreprises et les investisseurs à revoir leurs priorités en matière de diversité. Le débat public sur le racisme systémique s’ajoute aux dures réalités de la pandémie de COVID-19, qui a eu un effet disproportionné sur les groupes vulnérables, et rappelle aux entreprises qu’elles doivent accorder la priorité aux enjeux de longue date liés à l’inclusion raciale, à la protection des travailleurs, à l’équité salariale, à l’éthique des affaires et aux droits de la personne.

Les attentes des entreprises et les nôtres, à titre de gestionnaires de fonds, ont changé, et la mobilisation des investisseurs à l’égard de la diversité ne peut plus être axée uniquement sur les enjeux liés au genre ou à la représentation : la question de la diversité s’est diversifiée.

Étude de cas

L’évolution constante du marché mondial, des demandes des parties prenantes et des risques liés à la réputation, parallèlement aux recherches plus approfondies sur la valeur ajoutée de la diversité en général, ont fait de la diversité un facteur de différenciation pour les entreprises. Les recherches montrent qu’une diversité à tous les niveaux de l’organisation permet de lutter contre une vision étroite, peut mener à une meilleure détermination des risques et des occasions, favorise l’innovation et est étroitement liée à une meilleure performance.[1] De plus, les entreprises qui s’attaquent de façon proactive aux enjeux de discrimination tendent à avoir une meilleure mobilisation des employés, une culture de travail plus saine, moins de risque lié à la réputation et un meilleur engagement envers leur marque.[2]

Malgré ces preuves, il y a encore du progrès à faire en matière de diversité selon l’avis des investisseurs, et les progrès réalisés en matière de diversité raciale au sein de l’effectif des entreprises, en particulier au niveau des dirigeants, sont nettement plus lents, comparativement à ceux qui ont récemment été accomplis en matière de diversité de genre. Les différents niveaux de données disponibles à l’échelle mondiale sur la diversité représentent un défi pour les investisseurs. C’est ici que la mobilisation entre en jeu. À l’échelle mondiale, notre mobilisation est axée sur :

  • l’élaboration de stratégies au plus haut niveau;
  • l’établissement de cibles et la mesure des progrès;
  • les pratiques d’embauche;
  • l’équité salariale;
  • la mobilisation des employés;
  • la sensibilisation et la formation.

Diversité : différente dans chaque contexte

Nous considérons que la diversité au sein d’une organisation est bénéfique, et ce, peu importe son emplacement géographique.* Compte tenu des contextes réglementaires, des groupes de parties prenantes et des cultures dans lesquels une entreprise exerce ses activités, l’accent mis sur la diversité pour l’une peut ne pas convenir à une autre. Il y a évidemment des priorités propres à la région et au marché dont tous doivent avoir conscience, mais la façon dont elles sont abordées varie et évolue fréquemment. Nous verrons quelques exemples ci-dessous.

Genre

Pour de nombreux investisseurs, la diversité a d’abord été axée sur le genre. Fondé en 2010, le Club des 30 % est un exemple de groupe qui a contribué à instaurer un véritable changement, en particulier au sein des conseils d’administration à l’échelle mondiale.

Le contexte culturel local est essentiel. Au Japon, où les progrès sur le plan de la diversité des genres dans les postes de direction ont été lents, les femmes ne bénéficiaient pas par le passé de soutien alors qu’elles devaient prendre soin de leurs enfants, et la culture des longues heures de travail a nui à leurs occasions de faire progresser leur carrière. Toutefois, grâce à notre engagement à l’égard de la diversité au Japon, nous avons été en mesure de repérer de bonnes pratiques. Par exemple, afin de promouvoir la diversité, Japan Exchange Group (JPX) a reconnu qu’il doit réformer la façon dont il perçoit le travail, offrir davantage de souplesse et être conscient de la productivité que peuvent apporter différents styles de travail. Il a mis en œuvre plusieurs initiatives, notamment des projets de soutien de la prestation de soins aux enfants et de la formation professionnelle qui visent expressément à soutenir les femmes tout le long de leur cheminement de carrière.

Ethnicité, race et indigénéité

Le visage de la diversité ethnique varie d’une région à l’autre. Idéalement, l’effectif et la direction d’une entreprise reflètent la composition de la société dans laquelle elle exerce ses activités. Encore une fois, il est essentiel de comprendre le contexte : quels sont les groupes régionaux sous-représentés et comment la discrimination du passé se manifeste-t-elle encore aujourd’hui? Aux États-Unis, seulement 3,2 % des dirigeants et des cadres supérieurs sont noirs, alors que les Noirs représentent 13,4 % de la population américaine. Au Canada, où les Autochtones représentent près de 5 % de la population, ils représentent bien moins de 1 % des cadres supérieurs et des membres de conseil d’administration. Ces données indiquent qu’il existe des obstacles structurels à l’avancement.

La mobilisation des investisseurs à l’égard de la diversité raciale n’est pas aussi bien établie que leur mobilisation à l’égard de la diversité des genres. Cependant, elle évolue à un rythme accéléré. Plusieurs gestionnaires de fonds ont annoncé publiquement des cadres de mobilisation concernant la diversité raciale au sein des conseils d’administration aux États-Unis. La coalition américaine Racial Justice Investing (RJI) a récemment publié une déclaration dans laquelle les investisseurs s’engagent à intégrer la justice raciale à la prise de décisions en matière de placement et aux stratégies de gérance.[3] Au Canada, l’Association pour l’investissement responsable (AIR) a récemment publié une déclaration des investisseurs sur la diversité et l’inclusion qui demande aux sociétés émettrices de renforcer les efforts en matière de diversité et d’inclusion des groupes sous-représentés, y compris les Noirs, les personnes de couleur et les Autochtones, ce qui représente une autre avancée importante.

Dans le cadre de nos entretiens sur la diversité raciale avec des employés d’entreprises nord-américaines cette année, nous sommes encouragés d’apprendre que les conseils d’administration ressentent déjà la pression des investisseurs et accordent la priorité à la recherche de candidats issus de la diversité pour les postes d’administrateurs.

Expérience et parcours

Les entreprises qui exercent leurs activités à l’échelle mondiale bénéficient d’administrateurs et de leaders chevronnés ayant des parcours et des expériences qui reflètent la clientèle et les employés de la région. Nous considérons qu’il s’agit d’un problème particulier au Japon et en Corée, où une organisation peut avoir une importante présence opérationnelle à l’échelle mondiale qui n’est représentée d’aucune façon au sein du conseil d’administration.

Le contexte environnemental, social et de gouvernance (ESG) est également essentiel : pour que les entreprises soient prêtes à faire face aux risques et aux occasions liés aux facteurs ESG, qui sont de plus en plus complexes, il peut être particulièrement avantageux d’avoir des membres de la haute direction et du conseil d’administration possédant une expertise liée à ces facteurs. Par exemple, le nombre d’administrateurs recherchés pour leur expertise en cybersécurité s’est accru au cours des dernières années.[4] Nous avons également constaté (et préconisé) une augmentation du nombre d’administrateurs ayant une expertise en matière de changements climatiques, en particulier pour les entreprises qui exercent leurs activités dans des secteurs qui représentent un risque important. Enfin, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière la nécessité de protéger les travailleurs et de gérer les risques liés à la gestion du capital humain. Il n’est donc pas surprenant que davantage de décideurs et d’investisseurs tiennent compte des avantages de la représentation des employés au sein des conseils d’administration.

Sur quels types de diversité les investisseurs devraient-ils se concentrer?

Les questions suivantes peuvent aider les investisseurs à déterminer les types de diversité à encourager au sein des conseils d’administration, de la haute direction et d’autres niveaux de l’organisation :

  • Dans quel contexte culturel ou socioéconomique une entreprise exerce-t-elle ses activités et comment les enjeux connexes sont-ils abordés?
  • Où l’entreprise exerce-t-elle ses activités et où se trouve sa clientèle d’un point de vue géographique? Cela se reflète-t-il dans son effectif et sa direction?
  • L’effectif et la direction de l’entreprise reflètent-ils la diversité de la société de la région où elle exerce ses activités?
  • Y a-t-il des défis importants propres au secteur et liés aux facteurs ESG qu’un mélange précis de talents issus de la diversité pourrait mieux aider à relever?
  • Comment l’entreprise rend-elle compte de son rendement en matière de diversité à l’échelle de l’effectif ainsi que des efforts qu’elle déploie en matière de diversité et d’inclusion?

Au-delà de la représentation

Nous remarquons que le permis social d’exploitation d’une entreprise pourrait être menacé si elle ne répond pas aux attentes de ses parties prenantes, ce qui peut inclure des attentes en matière de diversité au sein de l’organisation. Toutefois, les efforts en matière de diversité et d’inclusion ne représentent qu’une partie de la voie à suivre afin de résoudre les inégalités systémiques. En plus d’aborder les problèmes de représentation au sein de l’effectif et des cadres supérieurs, les entreprises doivent réformer les modèles d’affaires et les mesures qui sont fondés sur le maintien de l’iniquité. Cela va des sociétés qui profitent de la main-d’œuvre carcérale aux logiciels de surveillance fondés sur des préjugés raciaux, en passant par les stratégies de marketing qui ciblent les collectivités vulnérables. La mobilisation des investisseurs peut inciter les entreprises à respecter les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies afin de consolider leur permis social d’exploitation et qu’elles soient mieux préparées à faire face aux iniquités sociales et aux problèmes connexes, comme les violations des droits de la personne, les droits des Autochtones ainsi que l’amélioration des salaires de subsistance et de la protection des travailleurs.

Principaux points à retenir

  • La diversification de la mobilisation des investisseurs à l’égard de la diversité est essentielle pour comprendre les risques et les occasions auxquels font face les entreprises ainsi que pour répondre aux attentes globales de la société et des clients.
  • Afin d’évaluer la diversité d’une entreprise et de ses dirigeants, il faut comprendre les contextes culturel, régional, historique et ESG.
  • Pour aborder les questions d’égalité, nous devons aller au-delà de la diversité et de l’inclusion et nous pencher sur les modèles d’affaires qui profitent du maintien des iniquités.

Lectures complémentaires

Sources:

[1] McKinsey & Company: Delivering Through Diversity

[2] https://www.weforum.org/agenda/2020/07/racism-bad-for-business-equality-diversity/

[3] https://www.racialjusticeinvesting.org/our-statement

[4] https://www.forbes.com/sites/chenxiwang/2019/08/30/corporate-boards-are-snatching-up-cybersecurity-talents/#47b755e3479f

Remarques:
*Nous considérons que la diversité est notamment le genre, l’origine ethnique ou la race, le statut d’Autochtone, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, le milieu, l’expérience, la religion, la culture et le statut socioéconomique.

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